Après une forte croissance en 2021 et 2022, les envois de fonds de l’étranger vers l’Afrique ne devraient enregistrer qu’une faible progression en 2023 et 2024, pronostique la Banque mondiale. Qui déplore les coûts élevés de transferts internationaux.
Les envois fonds vers les pays en développement devraient progresser de seulement 1,4 % en 2023, contre 8% en 2022, juge le rapport conjoint de la Banque mondiale et de Knomad. En effet, la croissance du PIB dans les pays à revenu élevé continue de ralentir (elle ne serait que de 0,8% en 2023), ce qui réduit encore les gains salariaux des migrants dans les pays d’accueil.
La croissance des envois de fonds devrait être la plus forte en Amérique latine et dans les Caraïbes car le marché du travail aux États-Unis reste solide. Les envois de fonds pourraient se redresser quelque peu au Moyen-Orient et en Afrique du Nord avec la baisse des prix du pétrole, car les envois de fonds vers l’Égypte devraient se redresser. Dans les autres régions, dont l’Afrique subsaharienne (+1,3%), la croissance sera faible.
Après avoir enregistré une forte croissance de 12 % en 2021, les envois de fonds vers la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ont chuté d’environ 4 % en 2022, pour atteindre 64 milliards de dollars. Cette baisse semble être liée en partie à l’érosion des gains salariaux réels dans l’Union européenne ; elle s’est produite malgré une forte augmentation de la demande de fonds dans les pays d’origine, dans un contexte de détérioration des conditions régionales. La baisse des envois de fonds en 2022 a été principalement due à une chute de 10 % des flux vers l’Égypte, l’Algérie et la Jordanie. Pourtant, une croissance robuste dans les principaux pays d’accueil de l’Union européenne (France et Espagne) a soutenu les flux d’envois de fonds vers les pays du Maghreb (qui ont augmenté de 1,7 % sur l’année), compensant une partie des flux négatifs vers la région.
Les envois de fonds ont été la plus grande source de flux de ressources extérieures pour le développement du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, représentant 57% des entrées totales en 2022, dépassant la somme de l’APD (Aide publique au développement) et de l’IDE (Investissement direct étranger). « Les envois de fonds et l’APD devraient rester essentiels pour la région à moyen terme, compte tenu de l’incertitude que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait peser sur les perspectives mondiales et sur les flux du secteur privé », juge le rapport.
Après avoir augmenté d’environ 47 % en 2021, les envois de fonds vers le Maroc ont affiché une croissance modeste de 2,4 % en 2022, dépassant les 11 milliards $ pour la première fois. Les envois de fonds représentaient 8,1 % du PIB, soit une légère augmentation par rapport aux 7,6 % enregistrés en 2021, ce qui souligne l’importance de la diaspora du pays pour ses résultats macroéconomiques.
Des envois élevés vers le Ghana
Les envois de fonds du Maroc, les deuxièmes plus importants de la région, ont été soutenus par une forte activité économique dans la zone euro, où un grand nombre d’expatriés marocains résident, en particulier en France, en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Au premier trimestre 2023, les envois de fonds vers le pays ont augmenté d’environ 7 % pour atteindre 2,6 milliards $ par rapport à la même période en 2022, dépassant à la fois les recettes touristiques et les entrées d’IDE.
De leur côté, les flux d’envois de fonds vers l’Afrique subsaharienne ont atteint 53 milliards $ en 2022, (+ 6,1 %) par rapport à l’année précédente, après la forte croissance de 16,3 % enregistrée en 2021. Les flux d’envois de fonds vers la région devraient augmenter de 1,3% et 3,7 % en 2023 et 2024, respectivement, pronostiquent les analystes.
L’augmentation des flux d’envois de fonds vers la région a soutenu les comptes courants de plusieurs pays africains. Par exemple, au Sénégal, le compte des revenus secondaires s’est renforcé en 2022 grâce aux envois de fonds des travailleurs émigrés.
Les flux d’envois de fonds vers l’Afrique subsaharienne étaient presque deux fois plus importants que les flux d’investissements étrangers, et relativement plus stables, en 2022.
La croissance régionale des envois de fonds en 2022 a été largement tirée par la forte croissance des envois de fonds au Ghana (12 % à 4,7 milliards $), au Kenya (8,5 % à 4,1 milliards $), en Tanzanie (25 % à 0,7 milliard $), en Ouganda (17,3 % à 1,3 milliard $), et au Rwanda (21,2 % à 0,5 milliard $). Les envois de fonds vers le Nigeria, qui représentent environ 38 % du total des envois vers la région, ont augmenté de 3,3 % pour atteindre 20,1 milliards $.
Les plus grands bénéficiaires des envois de fonds dans la région en 2022 sont le Nigeria, le Ghana, le Kenya et le Zimbabwe. Les envois de fonds sont devenus la principale source de devises dans plusieurs pays. Par exemple, au Kenya, les transferts de fonds sont plus importants que les principales exportations du pays, notamment le tourisme, le thé, le café et l’horticulture.
Les pays les plus dépendants des transferts de fonds en proportion du PIB sont la Gambie, le Lesotho, les Comores et le Cap Vert.
Les tendances sont bien au ralentissement sur les premiers mois de 2023, notamment au Kenya. Elles augmentent, en revanche, vers le Ghana.
Les taux de change fixes et les contrôles des capitaux ont un impact sur les marchés des changes et les canaux de transferts de fonds. Le Nigeria continue d’avoir une prime importante sur le marché noir des devises. Des écarts importants entre les taux officiels et ceux du marché noir tendent à orienter les envois de fonds vers des canaux informels.
Comme à chaque rapport, les analystes déplorent que l’Afrique subsaharienne reste la région où les frais d’envoi de fonds sont les plus élevés. Les expéditeurs ont dû payer une moyenne de 8,0% pour envoyer 200 dollars vers les pays africains au quatrième trimestre 2022, contre 7,8% un an plus tôt.
Des données qui s’améliorent
Les coûts varient considérablement dans la région, allant de 2,1 à 4,0% dans les corridors les moins coûteux à 17%-35% dans les corridors les plus coûteux.
De ce point de vue, l’Afrique francophone est la mieux lotie ; les corridors Sénégal vers Mali, Côte d’Ivoire vers Mali, France vers Sénégal, sont parmi les moins chers.
Les banques facturent les coûts les plus élevés, ce qui souligne l’importance des transactions transfrontalières d’argent mobile. Au Kenya, au Rwanda, en Tanzanie et en Ouganda, ces transactions sont entravées par une interopérabilité limitée entre les opérateurs de télécommunications et les opérateurs de transfert d’argent.
La Banque mondiale considère que la ZLECAf a « le potentiel » de réduire ses frais de transferts transfrontaliers, comme ceux des migrants, à la faveur du système PAPSS.
Enfin, l’importance croissante des transferts de fonds en tant que bouée de sauvetage financière dans de nombreuses économies, en particulier pendant et après la pandémie de Covid-19, a suscité des efforts pour améliorer la qualité, la fréquence et la granularité des données sur les transferts de fonds. La Banque mondiale a lancé RemitStat, un groupe de travail international visant à améliorer les données sur les flux de transferts de fonds, sous les auspices de KNOMAD (Global Knowledge Partnership on Migration and Development) et en coordination avec 45 pays d’origine et de destination des transferts de fonds, ainsi qu’avec d’autres institutions internationales.
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