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Visite des fermes de l’Anida : La mue des agriculteurs

D’une agriculture saisonnière, des acteurs réunis au sein des fermes agricoles s’activent désormais sur toute l’année grâce à l’encadrement de l’Agence nationale d’insertion et de développement agricole (Anida). La Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (Der/Fj), qui contribue au financement, a organisé, hier, une visite dans ses fermes à Tivaouane Peulh, Djilakh et Nguékhokh.

Un vent intermittent souffle en cette matinée de lundi 28 février. En plein cœur de Tivaouane Peulh, l’accoutrement des agriculteurs trouvés à la ferme agricole Anida en dit beaucoup sur le temps frisquet qui s’est emparé de Dakar et ses environs ces derniers jours. Ici, la verdure des plans augure des récoltes prometteuses. Des concombres aux tomates en passant par le piment, presque tous les légumes sont cultivés. La ferme s’étend sur une superficie de 11 hectares. Grâce aux installations solaires, obtenues à travers la Coopération indienne et le financement de la Délégation à l’entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (Der/Fj), aujourd’hui, les revenus ont presque quadruplé. Le projet a généré 40 emplois directs et plus de 200 durant la période des récoltes.

Plus de 2,6 millions de FCfa de recettes annuelles par personne

Avec deux forages et un système de goutte-à-goutte, la ferme se développe bien et cela se sent dans les revenus. « Avec l’instauration d’un salaire fixe, chaque employé gagne 2,6 millions de FCfa par année, contre un peu plus d’un million avant. L’avantage, c’est qu’ils cultivent pendant toute l’année », informe Demba Bassène, conseiller agricole. D’après lui, les revenus peuvent être encore plus importants. « Nous voulons en faire une ferme intégrée où il y a de l’élevage, de l’aviculture… Cela permet non seulement de diversifier les activités mais de faire travailler aussi plus de personnes », explique-t-il.

Perspectives reluisantes pour la production laitière

Après Dakar, cap sur Djilakh, dans la commune de Sindia, département de Mbour. Le confort de l’autoroute à péage fini, une route cahoteuse mène à la ferme. Après 81 km de route, le climat rompt brusquement avec la fraîcheur de Dakar. Un vent léger, un tantinet poussiéreux s’est emparé de la ferme villageoise de Djilakh. Un espace qui s’étend à perte de vue. C’est la première ferme réalisée dans le cadre du « Plan Reva » en 2008, indique Malick Sarr, Dg de l’Anida.

Aujourd’hui, 86 bénéficiaires sont insérés. Mais, pas moins de 450 personnes y travaillent en moyenne par jour. Dans cet espace de plus de 100 hectares, une bonne partie est dédiée à l’élevage. Sur place, un effectif de 13 têtes, dont sept vaches de deuxième et de troisième génération, compose l’enclos pour une production laitière moyenne de 12 litres/jour. D’après le Dr Lamine Guèye de l’Anida, l’objectif est d’aller plus loin ; ce qui passe par la mise en place d’une laiterie. « La production annuelle tourne autour de 10 000 litres, nous pouvons facilement aller jusqu’à 20 000 litres avec un mécanisme d’insémination artificielle et une multiplication des sujets », informe-t-il. M. Guèye a ajouté que grâce à près de 180 tonnes de biomasse récupérées par année, une culture fourragère rendue possible par la disponibilité de l’eau, les perspectives sont « reluisantes ».

HAUSSE DES REVENUS, EMPLOIS STABLES…

Des acteurs aux anges

Avec des rendements de près de 15 tonnes à l’hectare, la ferme de Djilakh emploie jusqu’à 500 personnes. Selon Diadji Guèye, responsable de la production de la ferme, ce sont les femmes des villages environnants qui travaillent essentiellement dans la main-d’œuvre récolte. Certaines peuvent gagner jusqu’à 5000 FCfa par jour. « En dehors de cela, poursuit M. Guèye, la ferme recrute annuellement près de 2500 personnes dans tous les segments ». Père de famille, Mamadou Faye était « obligé d’aller très loin pour travailler et récolter des miettes ». Il ne revenait au village que pendant l’hivernage. Selon cet autre travailleur, à la base, c’étaient principalement les membres de « Ndef leng » qui travaillaient dans la ferme. Mais, dit-il, « les revenus sont tels que des gens viennent des villages situés à près de 30 km de la ferme pour gagner leur vie ». Si Modou Faye qui a travaillé pendant longtemps dans la pêche a un souhait, c’est que les fermes soient démultipliées à travers le pays. « C’est grâce à cette ferme que je suis redevenu agriculteur. Aujourd’hui, aucun des jeunes ne pense à l’émigration clandestine », dit-il, montrant un groupe de jeunes prenant leur pause à l’heure du déjeuner.
À Nguékhokh, Aladji Kâ, président du Gie, ne cache pas sa joie. Et les chiffres le justifient. « Avant d’avoir les installations solaires, sur les neuf millions de FCfa que nous gagnions, plus de quatre millions étaient destinés à l’achat de gasoil pour les groupes électrogènes », dit-il.

« Mettre en valeur les 126 hectares de la ferme de Nguékhokh »

Après Djilakh, cap sur Nguékhokh. Sur cet axe, il faut défier poussière et nids de poules sur une distance de 14 km. C’est la dernière-née des fermes Anida. Elle est en train de finir sa première campagne. Sur plus de 126 hectares, elle a été la cible de plusieurs prédateurs fonciers ; ce qui a coûté un séjour en prison au président des Agriculteurs qui était décidé à sauver les terres. Ici, on cultive, en plus du sorgho, des légumes de tous genres. « C’est grâce aux financements de la Der qu’on a aménagé plus de cinq hectares. En plus de la culture fourragère », précise Malick Sarr, Dg de l’Anida. L’objectif, selon lui, « est de valoriser les 126 hectares », car pour le moment, seuls 12 hectares sont exploités. Nguékhokh, zone d’élevage par excellence, va également mettre le focus sur l’amélioration des races et l’alimentation de bétail. D’après M. Sarr, le matériel est déjà disponible. « Nous allons donc miser sur l’horticulture, l’élevage de bovins, la pisciculture et des projets pour l’autonomisation des femmes. Nous ferons de la ferme de Nguékhokh une vitrine de tout ce que fait l’Anida », assure-t-il. Avec 447 fermes en 2022, l’objectif, avance le Dg de l’Anida, est d’arriver à 1000 fermes à l’horizon 2023.

FINANCEMENT DES FERMES

La Der va injecter un milliard de FCfa en 2022

L’argent est le nerf de la guerre. Les acteurs de la ferme de Tivaouane Peulh ne le nieront jamais. Après avoir cherché pendant longtemps des financements, ils ont buté sur des offres prohibitives. Selon Boubacar Kamara, président d’un des Gie, les taux allaient jusqu’à 18 % avec les institutions de microfinance. « Avec la Der, nous avons eu un financement très rapidement à 8 % avec un différé de six mois », dit-il. De l’avis de Papa Amadou Sarr, Dg de la Der, la dynamique va se poursuivre non seulement dans le financement de l’agriculture, mais aussi des activités connexes. C’est ainsi que la Der a prévu d’injecter un milliard de FCfa pour le financement des fermes agricoles cette année. Parallèlement, 225 projets ont déjà été financés sur deux ans à hauteur de près de 689 millions de FCfa.

Sécuriser le foncier

Entourée de toutes parts par des cités, la ferme agricole de Tivaouane Peulh, avec ses 11 hectares, aiguise l’appétit des promoteurs immobiliers. Selon Boubacar Kâ, président du Gie « Pulagu Tivaouane Peulh », chaque jour, des promoteurs privés viennent squatter les terres. Ainsi, pour les aider à pérenniser leurs activités, il appelle l’État à sécuriser les terres. « Ces activités que nous menons ici ont dissuadé beaucoup de jeunes à tenter l’immigration. Nous sommes à 25 km de Dakar. C’est difficile d’avoir une telle superficie dans la capitale. Aujourd’hui, nous sommes dans une dynamique de diversification de nos activités pour en faire une ferme intégrée. Il est indispensable que le foncier soit sécurisé », appelle-t-il. Pour le Dg de l’Anida, il est urgent d’agir. Et selon lui, cela passe « par des décrets de sauvegarde pour le foncier ». « L’État peut, par exemple, définir des zones pionnières et dire que seules des activités agricoles peuvent y être effectuées. En effet, si on n’anticipe pas, la boulimie foncière ne laissera rien aux agriculteurs », assure Malick Sarr. Par ailleurs, il estime qu’il faut mettre en valeur les terres par les fermes, l’élevage avec la promotion de cultures fourragères… ». D’après lui, il faut également « ériger des domaines agricoles dans chaque région avec un plan de lotissement clair ». À en croire M. Sarr, toutes les dispositions sont là ; il faut juste les appliquer.

(LESOLEIL)

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