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Victor Ndiaye, CIS : « Ce qu’il faut pour attirer les tanneries»

Victor Ndiaye, membre du Conseil des investisseurs du Sénégal (CIS) est l’un des concepteurs du Pse. Il intervenait lors de la 3ème édition du « Meetup » organisée par le groupe Septafrique. Dans cette interview, il revient sur la nécessité de protéger les industries naissantes, notamment la filière cuir. Pour M. Ndiaye, cela n’est possible qu’avec une meilleure stratégie.

Vous avez beaucoup insisté sur la protection des industries naissantes. Quelles sont les industries naissantes à protéger ?
Quasiment toutes les industries sont naissantes. On a une industrie agroalimentaire dont le potentiel est là mais peu développé pour ne pas dire faible. Dans cette filière, il y a au moins cinq à six domaines qui ont besoin d’être protégés et développés. Que ce soit la filière de l’arachide ou la vraie ambition ne doit pas être de produire et de l’exporter en chine comme on le fait aujourd’hui, mais avoir une grande industrie des oléagineuses à partir de cette arachide. Il y a également la filière des céréales locales, de l’élevage, de l’horticulture. On a toutes les filières issues de l’artisanat comme le cuir et le textile. Donc, c’est tout une panoplie de filières qui sont assez peu développées aujourd’hui et pour lesquelles nous ne nous développerons pas si un certain nombre d’entre elles n’émergent pas. L’économie c’est un peu comme le sport, aux jeux olympiques, vous gagnez quand vous revenez avec des médailles. Mais aux jeux Olympiques, il y a plus de 200 disciplines et vous ne pouvez pas gagner partout. Il faut avoir les disciplines sur lesquelles vous souhaitez gagner et préparer des champions qui vont gagner. Il nous faut des filières dans lesquelles nous comptons gagner dans l’économie mondiale, parce que gagner ce n’est pas seulement se nourrir, il faut aussi exporter, car c’est l’exportation qui permet de créer de la richesse et de l’emploi. Pour gagner dans le monde économique, c’est indispensable de protéger les industries naissantes, mais il faut également renforcer la compétitivité de ces industries, parce que protéger seul ne suffit pas. Et quand on dit renforcer la compétitivité, c’est là où on se rend compte que tout est à faire mais ce sera efficace si on arrive à concentrer nos efforts dans un certain nombre de domaines et ne pas à saupoudrer partout.

Quelles sont les filières dans lesquelles le Sénégal pourrait gagner dans l’économie mondiale ?
Je prends l’exemple du cuir, domaine dans lequel le Sénégal est en train de lancer une filière cuir. C’est une filière dans laquelle on a une forte tradition. Il y a beaucoup d’activités de cuir qui se font à Médina, à Ngaye Mékhé et qui ont alimenté toute la sous-région. Mais cette filière a été très fortement touchée à un moment où on a ouvert nos importations. Le marché a été envahi notamment par des produits bas de gamme. Plus tard, ce sont des importations turques qui sont venues perturbé le marché. C’est clair, on peut difficilement développer une filière, si on ouvre tout et sans laisser aux acteurs de se préparer. Mais en même temps, il faut une vraie politique de compétitivité et pour cela, il nous faut d’abord une stratégie.

Quelle stratégie développer pour tirer profit de ce secteur ?
La stratégie est un terme fondamental, parce que le marché du cuir est vaste. La stratégie, notamment, c’est d’utiliser ce qui nous intéresse. Ce n’est pas vendre des peaux brutes ou du cuir. C’est de vendre des articles transformés et on ne vise pas le bas de gamme, mais le haut de gamme, parce qu’on a la capacité de cibler ce marché. Le segment que vous ciblez est fondamental et détermine tout dès le départ. Une fois qu’on passe cette étape, c’est là où tout le travail commence. On se rend compte qu’il faut impérativement améliorer la qualité de nos productions, parce que vous commandez dix chaussures, à nos artisans, elles ne doivent pas être de la même taille, ni de la même couleur. Donc, il y a un énorme travail à faire pour améliorer la production, le renforcement de capacité, la formation, la reconfiguration sans doute même de l’artisanat sénégalais. Parce qu’aujourd’hui, tout le monde fonctionne en petits ateliers de trois à quatre personnes et le savoir reste en famille. Il faut des normes, des formations, mais également développer la production du cuir commence à l’élevage. On se rend compte que la qualité des peaux qui proviennent de notre élevage est de très mauvaise qualité. Il y a tout un travail à faire en amont pour que la qualité de la peau soit meilleure. Nos parents élèvent pour la viande et le lait, malheureusement au niveau mondial, quand on regarde ces animaux, les cuirs rapportent plus que le reste. Comme on ne valorise pas, on détruit les peaux. Il y a tout un travail à faire au niveau de l’abattage. On voit bien, lors de nos fêtes, toutes les peaux qui sont perdues. Donc, il y a un travail à faire au niveau de la tannerie.

Que faire pour rendre le secteur du cuir plus compétitif ?
La proposition de la stratégie, c’est de mettre en place un parc régional du cuir, une plateforme industrielle ou on va attirer un certain nombre de tanneries de la sous-région. On se rend compte qu’à l’échelle du Sénégal, cela ne suffira pas et surtout qu’on a besoin des peaux de la sous-région. On pourra les avoirs en ayant des tanneries dans les régions. Attirer ces tanneries de la sous-région sera possible si on leur donne un parc dans lequel ils ont un écosystème dont ils ont besoin, notamment un bon système d’épuration d’eau qu’ils n’ont pas chez eux. On a discuté avec eux et ils sont prêts à venir. Donc c’est pour dire qu’il y a également tout un travail à faire avec nos maroquiniers, c’est là où on a nos champions qui sont en train de faire des choses formidables dans la maroquinerie. Il faut voir comment améliorer ce secteur. Il y a tout un ensemble d’autres choses à faire pour qu’au final on soit capable de remporter des médailles sur le marché économique mondial et c’est ça le développement. C’est cela qui va faire que de plus en plus d’entreprises informelles dans le secteur de l’élevage deviennent progressivement formelles. C’est ça qui fera que des financements puissent accompagner plus facilement, avoir des formations plus efficaces car ciblées. C’est l’orientation que prend aujourd’hui la suite des politiques publiques comme le Pap II A qui est la stratégie de développement du secteur privé et derrière, des partenariats publics privés. Quand vous voulez importer moins de produits chinois, vous ne pouvez pas le décréter. On voit aujourd’hui comment le Maroc est derrière ses champions, notamment pour qu’ils viennent ici et on doit en faire autant. L’équipe est formée de l’ensemble de ces partenaires publics et privés. C’est l’ensemble de ces efforts, en termes de formation, de formalisation, d’appui de financement qui font qu’au final on devient compétitif.

EMEDIA

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