Une amélioration d’autant plus remarquable si elle est comparée à l’échelle africaine. Selon l’indice Femmes, Entreprises et Droit de la Banque mondiale, le Togo est 7ème en la matière sur le continent, seulement devancé que par Maurice, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Cap Vert, la Tanzanie et la Namibie.
Les artères de Lomé sont aujourd’hui bondées de boutiques, d’entreprises et de stands créés ou gérés par des femmes. Agro-alimentaire, produits de beauté, vestimentaire, événementiel, numérique, etc., les Togolaises ne sont plus cantonnées au commerce dans le grand marché d’Assigamé et sont de plus en plus visibles dans tous les domaines où la richesse est créée et distribuée.
« On sent ce vent de changement. […] Les femmes ne sont plus seulement des vendeuses, elles deviennent de plus en plus propriétaires, actionnaires et associées dans divers types d’entreprises » affirme raconte un spécialiste de la gestion d’entreprise basé à Lomé.
Cette visibilité croissante dans le paysage entrepreneurial de Lomé n’est pas un hasard. Elle est le résultat de plusieurs années de réformes ciblées par les autorités togolaises et visant à encourager l’entrepreneuriat féminin. « Les efforts et réformes économiques opérées depuis quelques années, notamment dans le climat des affaires, l’appui aux jeunes, ou la mesure des 40% de commande publique aux jeunes et aux femmes ont été un catalyseur pour l’entrepreneuriat féminin », selon Sandra Johnson, Ministre secrétaire générale de la Présidence en charge de la cellule climat des affaires.
Mais l’augmentation notable de la présence féminine dans le monde entrepreneurial n’est pas seulement le fruit des initiatives gouvernementales. « Il faut y associer aussi une diminution des contraintes sociales, un changement progressif dans la mentalité collective, l’amélioration de l’éducation des femmes et une économie de plus en plus dynamique », mentionne un consultant en Conseil d’entreprise-Assistance basé à Lomé.
Les chiffres sont parlants. Les données du CFE (Centre de Formalités des Entreprises) montrent que le nombre de femmes propriétaires d’entreprises individuelles au Togo a augmenté de 24,18% entre 2018 et 2022, contre seulement 6,89% chez les hommes. Le chiffre est encore plus impressionnant pour les SARL, où l’augmentation est de 114,8%.
« Nous avons réduit les coûts et les délais de création d’entreprise, sauté le verrou du capital minimum, et modernisé l’administration fiscale. C’est l’effet cumulatif de ces petites mais significatives étapes qui a contribué à cette montée en puissance » ajoute Sandra Johnson. Et on ne parle pas encore du secteur informel où la présence des femmes est encore plus marquée.
Aïssatou, créatrice de mode, est l’un des visages de cette révolution. « Avant, les procédures étaient très compliquées. Mais maintenant, créer une entreprise se fait facilement, les choses se digitalisent, ce qui me permet de me concentrer sur ce que je fais de mieux : créer » se réjouit-elle.
À quelques mètres de là, Kafui, entrepreneure engagée dans la transformation agricole, partage un sentiment similaire. Spécialisée dans la production de jus de fruits bio, elle tente maintenant d’étendre son business. Kpémissi Solim, promotrice de Fruits of Africa, a quant à elle bénéficié d’un financement du PNUD. Pour cette entrepreneure de la transformation, cet apport financier servira à « ériger une nouvelle infrastructure, à investir dans un séchoir en inox plus résilient et à élargir son effectif, passant de 12 à 20 collaborateurs ».
Dans l’écosystème entrepreneurial du Togo, elles sont nombreuses ces figures emblématiques qui se distinguent et donnent du sens au rêve de l’initiative féminine : Nadiaka, Mablé Agbodan, Vincenzia Meyer, la regrettée Dédé Rose Creppy, l’une des dernières “Nana Benz”, Maryse Adotevi, qui occupe actuellement le poste de Managing Partner chez Deloitte Togo, ou Amina Azia Ouro-Agoro de Minagro.
Dans le cadre plus spécifique de l’Afrique de l’Ouest, le Togo est un leader régional, se positionnant comme la 2ème nation la plus engagée en faveur de l’égalité des chances entre hommes et femmes, juste derrière le Cap Vert. « Ces résultats ne sont pas qu’un simple écho de nos efforts, mais bien le reflet d’une réalité en pleine transformation. Les réformes initiées visent à créer un environnement dans lequel les femmes peuvent non seulement créer des entreprises, mais également accéder aux ressources financières nécessaires pour les développer, et surtout s’épanouir » poursuit Sandra Johnson.
Alors que l’économie togolaise devrait connaître une croissance de 6,6% en 2023, les femmes prennent de plus en plus de place dans cette dynamique. « Elles sont celles qui se chargent des ménages, et une croissance dans leurs activités est forcément signe que nos populations se porteront de mieux en mieux. Nous sommes certains que c’est le curseur pour parvenir à un développement harmonieux » renchérit une autorité locale.
Alors que l’élan entrepreneurial est indéniable, un autre indicateur mérite une attention particulière : le financement. Selon les données récentes de l’Association des Banques et Etablissements Financiers du Togo (ABEFT), les montants moyens des prêts accordés aux femmes sont souvent supérieurs à ceux accordés aux hommes. « Ce n’est pas une mince affaire, surtout dans un contexte où l’accès au financement est souvent cité comme un obstacle majeur à l’entrepreneuriat féminin », fait remarquer un banquier local.
Cette tendance démontre non seulement un niveau de confiance accru des institutions financières envers les entrepreneures, mais aussi un changement progressif dans la dynamique de genre en matière de financement. « Ce n’est pas un hasard si les montants des prêts accordés aux femmes sont en moyenne plus élevés » assure le banquier, affirmant que les statistiques montrent qu’elles « remboursent beaucoup plus que les hommes ». Une donnée que TogoFirst a pu confirmer en compilant les données de l’ABEFT.
Pour Sandra Johnson, « cela reflète la confiance croissante dans le potentiel entrepreneurial des femmes et leur capacité à rembourser ces prêts, ce qui est un signe extrêmement positif pour l’avenir de l’économie togolaise ». Mais malgré cette dynamique positive en faveur des femmes, le chemin à parcourir pour combler les disparités entre hommes et femmes est encore long. Les femmes restent encore minoritaires dans la création d’entreprises.
Par exemple, en 2022, le nombre de propriétaires masculins de nouvelles entreprises individuelles s’élevait à 5 691 contre 2 717 pour les femmes. De même, en ce qui concerne les SARL, on comptait 4 107 nouveaux propriétaires masculins contre 1 074 propriétaires féminins. Il existe encore des secteurs où la présence féminine est quasi-absente, comme la technologie et la construction.
Ces statistiques rappellent que, malgré les avancées notables, un travail reste à faire pour atteindre une véritable parité entre hommes et femmes dans l’entrepreneuriat au Togo. « Nous devons continuer à encourager les femmes à prendre plus de responsabilités, à devenir actionnaires ou associées » conclut Sandra Johnson.
Ecofin