Dakar (Sénégal) – Malgré l’arrêt brusque des compétitions à cause du Covid-19, la presse sportive sénégalaise n’est pas en trêve, s’échinant à trouver quotidiennement de la matière pour son public.
Dans une course effrénée, moult Etats ont interdit les rassemblements publics pour éviter la propagation du virus. De l’Afrique à l’Amérique en passant par l’Europe, toutes les joutes sportives ont été interrompues ou reportées.
En raison de la crise sanitaire mondiale, l’antenne d’Infosport a été modifiée. La chaîne d’informations en continu de Canal+ ne propose plus qu’une « sélection des meilleurs documentaires » produits par le groupe médiatique français. Sur TF1, l’émission culte Téléfoot est en hibernation.
Pour autant, la presse spécialisée au Sénégal ne jette pas l’éponge. A Record, quotidien sportif du Groupe Futurs Médias (GFM, privé) du chanteur Youssou Ndour, c’est la saison du remodelage.
« Le travail tourne autour de l’impact du coronavirus sur le sport mais l’on peut toujours revisiter certains genres journalistiques de plus en plus rares dans la presse comme le portrait », fait remarquer à APA le directeur de publication, Hubert Mbengue.
Même si l’actualité n’est pas aussi dense, la presse sportive se bat au quotidien pour rester à flot en pratiquant le système D. Elle s’intéresse ainsi aux « décisions de reports et de reprogrammation, (aux) conséquences sportives, socio-économiques (et aux) actes posés par des sportifs (dons, messages de sensibilisation,…) », rapporte M. Mbengue.
Du côté de Mame Fatou Ndoye, promotrice de la chaîne YouTube 13Football, ce sont les conversations des internationaux sénégalais, en confinement en Europe, qui sont souvent proposés aux internautes.
En cette époque morose, les émissions sportives ont plus que jamais leur place dans la grille des programmes. A la Télévision Futurs Médias (TFM), « L’œil du tigre » est toujours diffusé tous les mardis. Cette émission, consacrée à la lutte sénégalaise, est animée par le célèbre chroniqueur Bécaye Mbaye et l’ancien champion de l’écurie Fass Moustapha Guèye.
Contrecoups
« Il va sans dire que la presse sportive est impactée à divers niveaux. Outre la teneur de l’info qui quitte les terrains, il y a les recettes publicitaires et les ventes qui s’en ressentent », souligne le directeur de publication de Record.
Ce jeune journal, faisant partie d’un grand groupe médiatique, peut compter sur le soutien de sa direction générale pour traverser cette période de vaches maigres. Pour sa part, Mamadou Ibra Kane, d’Africome qui édite les quotidiens Stades (omnisport) et Sunu Lamb (lutte), a toujours clamé qu’il tire l’essentiel de ses bénéfices de son important lectorat.
D’ordinaire, la presse sportive est submergée par l’actualité surtout footballistique. Les compétitions interclubs du vieux continent étaient de solides arguments de vente. Maintenant, il faut faire sans.
Vendredi dernier, Record et Stades ont ainsi misé sur Kalidou Koulibaly, l’un des piliers de l’équipe nationale du Sénégal. A la Une des quotidiens en concurrence, « le plan de Manchester United » pour recruter le gaucher a été disséqué. En outre, ils ont repris The Guardian, journal anglais qui « vante le talent et la classe de (Sadio) Mané ».
Actuellement, l’attaquant de Liverpool et le défenseur central de Naples sont cités parmi les meilleurs à leurs postes. Ils sont logiquement mis sous le feu des projecteurs par la presse spécialisée de leur pays. A défaut de compétitions, ces sujets sont exposés pour équilibrer les comptes.
Ce procédé n’enchante pas Thierno Malick et Ibrahima Sall, autrefois d’assidus lecteurs de Stades, créé au début des années 2000. S’ils leur arrivent de s’arrêter un moment devant un kiosque pour lire la Une des journaux sportifs, ils ne les achètent plus comme avant.
Amateur du football local, Ikita Diagne dit ne plus trouver « d’intérêt à lire » un quotidien sportif étant donné que le championnat est à l’arrêt. Ce supporter de l’AS Pikine, club de la banlieue dakaroise, envoie toutefois à ses amis ou publie dans des groupes WhatsApp la version électronique de ces journaux quand il la reçoit.
Une sérénité intacte
En fin stratège, Mamadou Ibra Kane de Stades a réorganisé sa rédaction. L’option du télétravail a été prise, des congés accordés et la pagination du journal est passée de 12 à 8 pages.
En dépit de cette situation inédite, « nous n’avons jamais envisagé d’arrêter de sortir notre journal parce que la matière est bien présente et nos compatriotes auront toujours besoin d’informations sportives », soutient M. Kane, par ailleurs président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps).
Poursuivant, le Directeur Général de Stades se montre rassurant : « Nous sommes vraiment zen parce que les Sénégalais ont besoin de savoir comment font leurs internationaux face à cette situation. (Ils) ont aussi envie de savoir quelles conséquences économiques, sociales et juridiques aura la suspension des rencontres sportives ».
L’Association Nationale de la Presse Sportive du Sénégal (ANPS) a participé à l’effort de guerre contre coronavirus avec une contribution d’un million F CFA au Fonds de riposte et de solidarité (Force Covid-19).
De son côté, le Cdeps a sollicité un appui, notamment auprès du ministre de tutelle, pour que « certaines mesures d’ordre économique, matériel et fiscal » soient mises en œuvre. S’adressant récemment à la nation pour entre autres annoncer l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu, le président de la République Macky Sall a renseigné que le fonds mis en place, sera doté de 1000 milliards F CFA, avant de préciser que « des mesures fiscales générales et spécifiques seront également prises en soutien aux entreprises ».
Le chef de l’Etat a ajouté que « ces mesures seront également étendues à la presse, compte tenu des changements induits dans ses grilles de programme et du rôle de service public qu’elle joue dans le contexte de la crise ». Macky Sall a aussitôt instruit ses ministres en charge des Finances et de l’Economie pour les dispositions nécessaires à l’application de ces décisions.
(APA News)