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Sénégal, Burkina, France… Les leçons tirées des conventions fiscales

Malgré les pertes énormes de recettes occasionnées par les conventions fiscales, le gouvernement du Sénégal poursuit sa course effrénée vers ces conventions aux conséquences économiques et financières parfois néfastes pour les finances publiques.

C’est un mariage de raison, de passion et d’engagement. Contre les flux financiers illicites, le Forum civil et les chercheurs du Cerif (Centre d’étude et de recherches en ingénierie financière de l’Ucad unissent leurs forces. Le samedi 5 novembre à la Maison de la presse Babacar Touré, les deux organisations se sont réunies autour du rapport comparatif sur les conventions fiscales du Sénégal et du Burkina Faso, réalisé par la Section sénégalaise de Transparency International.  L’enjeu, c’est de promouvoir la lutte contre ce fléau (les flux financiers illicites) qui gangrène sérieusement les finances publiques de beaucoup d’Etats africains.

Le coordonnateur du Forum civil déclare : ‘’Dans les conventions, il y a énormément de pertes de recettes, alors que les pays africains ont besoin de ressources pour financer le développement. Nous avons besoin de mobiliser le maximum de ressources domestiques pour faire face aux préoccupations des populations…’’

En fait, dans le cadre de ce projet, d’éminents experts se sont penchés sur les conventions fiscales Burkina-France et Burkina-Tunisie, d’une part ; Sénégal-France et Sénégal-Tunisie, d’autre part. Par rapport à la France, au moment où le Sénégal retient la résidence comme critère d’imposition (pour une convention qui date de 1984), le Burkina, lui, a retenu l’Etat de source (alors que sa convention a été signée juste après les indépendances, en 1964). En langage plus simple, le Sénégal permet aux Français, personnes physiques ou morales, qui ont pour résidence la France, de payer leurs impôts – sur les intérêts, les dividendes et les revenus – dans leurs pays, même si les revenus sont réalisés au Sénégal. Tout le contraire du Burkina Faso qui mise sur l’imposition selon l’Etat de source. Autrement dit, les Français qui tiennent leur business au Burkina paient ces impôts au Burkina et vice-versa.

Dans sa présentation, le consultant Elimane Pouye, inspecteur des impôts et domaines, n’a pas voulu trancher laquelle des deux méthodes est la meilleure. Selon lui, tout dépend de l’optique dans laquelle se trouvent les Etats. Il explique : ‘’Certains, parce qu’ils veulent attirer l’investissement direct étranger, ont opté pour la résidence. D’autres mettent en avant la mobilisation de ressources. Chaque modèle a ses avantages et ses limites… L’essentiel est qu’il faut faire des études plus poussées pour voir l’impact des conventions que nous signons. Est-ce que les objectifs visés ont été atteints et prendre des mesures en conséquence.’’

Aussi, souligne le consultant, ‘’il faut, dans tous les cas, des mesures d’atténuation. Dans le cadre de la convention France-Sénégal, les parties ont certes opté pour l’Etat de source, mais une retenue à la source de 15 % est également permise. Cela veut dire que l’Etat où les revenus ont été réalisés peut aussi prendre une retenue à la source jusqu’à 15 %’’.

Qu’à cela ne tienne, dans la convention signée avec la Tunisie, le Sénégal a changé de fusil d’épaule, constate l’étude. Ici, c’est principalement l’Etat de source qui a le privilège de l’imposition. Une doctrine à géométrie variable qui n’est pas pour faciliter la lecture des conventions signées par le pays. L’autre enseignement, c’est que là où le Sénégal signe à tout va des conventions (27 et d’autres en gestations), le Burkina semble nettement moins emballé avec deux seules conventions, plus une en négociation.

La finalité de l’étude, selon le coordonnateur du Forum civil, c’est principalement d’amener les gouvernements à éviter les pertes de recettes que peuvent occasionner les conventions, surtout celles signées avec les pays développés. ‘’Le Sénégal, dit-il, gagnerait à examiner les recommandations qui sortent du rapport. C’est un travail scientifique, effectué par d’éminents experts, un travail qui a permis de confronter ce que nous faisons dans le pays et ce que font d’autres pays, particulièrement le Burkina, mais aussi par rapport au modèle de l’Ataf’’.

Parmi les recommandations fortes de l’étude, il y a la nécessité de promulguer l’instrument multilatéral sur les BEPS, c’est-à-dire sur l’érosion de la base d’imposition et la lutte contre les transferts de bénéfices ; la prudence dans la signature des conventions ; la nécessité d’une harmonisation de la doctrine, entre autres.

(ENQUETE) 

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