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[Reportage] Vente de citron : La grippe redonne du punch au business

Dans la croyance populaire, le citron a des bienfaits insoupçonnés contre la grippe et la fatigue ; ce qui fait bien l’affaire des vendeurs de cet agrume et de son jus qui voient leurs bénéfices passer du simple au double durant cette période où sévit la troisième vague de Covid-19.

L’endroit, en proie aux flaques d’eau, est insalubre : conséquences des pluies de la veille. Le marché Thiaroye Gare refuse du monde en cet après-midi du jeudi 5 août. Des commerçants ont fini de disposer leurs légumes constitués essentiellement de carotte, citron, chou et manioc. Panier ou sac à la main, des dames défilent d’étal en étal. « Je veux cinq kilogrammes de citron », déclare l’une d’elle à un commerçant assis devant sa table bondée de cet agrume. En tee-shirt orange, Moussa interroge son interlocuteur sur ses préférences : « Tu veux le citron de la Casamance ou celui de la zone des Niayes ? » Yeux hagards, la dame y va plein d’humour. « Je ne connais pas trop la différence. L’essentiel est qu’il soit juteux et le prix abordable », sourit-elle. Le kilogramme lui est vendu à 550 FCfa après quelques minutes de négociation. « Le citron est très prisé en ce moment. Comme il devient de plus en plus rare, le prix du kilogramme est passé de 400 à 550, voire 600 FCfa », informe l’un des commerçants tout à en jetant une dizaine sur la balance.

Dans un capharnaüm indescriptible, les tricycles cherchent leur chemin, bousculant parfois commerçants et clients. Après s’être plainte de l’agressivité d’un jeune docker, Oulimata Fall engage des pourparlers avec un vendeur de légumes qui propose des carottes, des aubergines, des choux mais également du citron. Ce fruit, dit-il, est parmi les plus vendus. Une attractivité qui, à l’en croire, est à mettre en lien avec la persistance de la grippe saisonnière et de la Covid-19. « C’est l’un des produits les plus vendus actuellement sur le marché. Il est utilisé pour combattre la fatigue, prévenir la grippe, la Covid-19 mais également pour rehausser le goût des repas », liste-t-il. Des propos qui font écho à ceux de sa cliente, Aïda Mbaye. La vendeuse de légumes à Guinaw Rails Nord fait part d’un produit aux vertus connues de tous. « Depuis quelques années, le citron ne sert plus seulement à relever le goût des plats. Les gens en achètent beaucoup pour prévenir la grippe ou se désaltérer après une journée fatigante », dit-elle prête à repartir avec une bassine débordante.

Un fruit qui rapporte

Les vertus du citron sont tant vantées. Du coup, il constitue un filon pour plusieurs jeunes. Sous une chaleur de plomb, le trafic est dense sur la route nationale. À hauteur de Poste Thiaroye, de jeunes garçons à la fleur de l’âge, muscles saillants, se lancent dans une course poursuite avec les automobilistes. Visages perlant de sueur, ils proposent aux passagers des sachets contenant huit citrons. Le paquet est vendu à 600 FCfa, selon Ousseynou Samb. Natif de Sandiara, l’homme de 27 ans mène son activité selon la disponibilité des produits. Actuellement, c’est le citron qui est en vogue. Et c’est tout bénéfique pour lui. Chaque sachet vendu lui permet d’encaisser une plus-value de 100 à 150 FCfa. « Je peux vendre 20 à 25 sachets par jour. Comparé à l’année dernière, à la même période, je constate une activité plus importante et des revenus plus intéressants », dit-il. Son camarade y va d’une franche rigolade. « Limon moy bomb » [le citron fait recette] », chahute-t-il. Devant son étal au marché Thiaroye Gare, Moussa chante les vertus économiques du citron. « Avec le citron, le problème de conservation ne se pose pas. Contrairement à d’autres fruits ou légumes comme l’oignon et la pomme de terre. Actuellement, les ventes ont triplé », confie-il. Le vendeur parvient à écouler entre 15 et 25 kilogrammes par jour. « La plupart de nos clients le transforment en boisson pour prévenir la grippe », renseigne notre interlocuteur. Parmi ses plus fidèles clients figurent également les vendeurs de café. Son bénéfice journalier varie à ce moment entre 4000 et 6000 FCfa. Ibrahima Gningue corrobore ses propos. « La carotte se fait rare en période d’hivernage. Heureusement qu’avec le citron, nous parvenons à combler le manque à gagner », se réjouit le vendeur, le visage radieux. Il parvient à engranger jusqu’à 5000 FCfa de bénéfices par jour. Ainsi, comme bon nombre de ses camarades, Ibrahima ressent les vertus thérapeutiques et économiques du citron.

VENTE DE JUS DE CITRON

Les dames y trouvent leur compte

Sa capacité de production n’est pas encore très importante, car Aïda Fall n’a pas d’unité de transformation des fruits. Elle utilise encore des méthodes rudimentaires. Ainsi, elle compte sur ses mains pour presser le citron, le sucrer, le mettre dans le réfrigérateur avant de vendre la bouteille à 100 FCfa à ses voisins. Malgré un après-midi ensoleillé, la dame de grande taille, le teint clair, va de garage en garage. Les menuisiers, mécaniciens et vulgarisateurs établis à Poste Thiaroye sont ses principaux clients. Présentement, dit-elle, le jus citron fait partie des boissons les plus prisées. « Je vends, tous les jours, une cinquantaine de bouteilles de jus, dont 20 à base de citron.  Les clients parlent de vertus thérapeutiques et d’un fruit efficace contre la grippe », informe-t-elle, un seau vert sur la tête. Aïda gagne entre 4000 et 5000 FCfa par jour. « Certes, la boisson est très prisée, mais je trouve la matière première un peu cher. Acheter le kilogramme à 550 ou 600 FCfa et vouloir ensuite y mettre la dose de sucre qu’il faut, c’est un peu compliqué », souligne la dame, reprenant des bouteilles vides. Menant la même activité, Anta Goumbala abonde dans le même sens. Avec une importante demande, elle produit et vend 40 bouteilles par jour. « Le pain de singe et le tamarin sont rares sur le marché, j’ai jeté mon dévolu sur le citron. Entre 14 heures et 16 heures, toute la production est écoulée. Les affaires marchent », renseigne Anta. Elle espère une baisse du kilogramme de citron ou celui du sucre. « Ceci nous permettrait de mieux produire et gagner plus d’argent », préconise la vendeuse, assise sur une glacière beige.

(LESOLEIL)

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