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Pression fiscale sur les entreprises : La colère du patronat sénégalais face à l’absence de concertations

Depuis 2014, avec l’avènement du Plan Senegal Emergent (PSE), c’est la premier fois en sept années que le patronat senegalais, dans un élan concerté, étale sa colère et ses griefs contre le gouvernement, accusé de prendre des mesures fiscales qui menace les entreprises industrielles, et fragilise les emplois.

C’est un communiqué alarmant qui a, en effet, ainsi marqué la fin d’un “Comité Extraordinaire”, une rencontre tenue entre diverses organisations patronales le lundi 7 juin, ayant regroupé les industriels du Syndicat Professionnel des Industries du Sénégal (SPIS) affilié au Conseil National du Patronat du Sénégal (CNP), les entreprises de la Confédération Nationale des Employeurs du Sénégal(CNES), de l’Union des Prestataires, des Industries et des Commerçants (UPIC) et les Travailleurs affiliés aux Centrales Syndicales des Travailleurs.

La pandémie du Covid-19 a mis à rude épreuve l’économie sénégalaise qui, dans une situation de récession, table sur une croissance 3,7% en 2021, après un taux de 0,7% en 2020, loin des pics flatteurs de plus de 6% enregistrés depuis le lancement du Plan Senegal  Emergent (PSE).

Croulant sous une dette autour de 60% du PIB, le pays de la Téranga espère une annulation de la dette des pays en développement, initiative dont le président Macky Sall est un des porte-voix. On peut donc comprendre que l’Etat utilise tout moyen à sa portée pour collecter des ressources intérieures qui se font rares.

Surenchère fiscale

“Depuis 3 ans les industriels observent avec une inquiétude croissante et une grande surprise une surenchère de la fiscalité, en-dehors de tout cadre de concertation et de dialogue préalable” explique les patrons industriels, dans leur communiqué rendu public. Leur sortie de lundi fustige donc ce comportement cavalier de l’Etat que dénoncent certains industriels.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase de colère des patrons sénégalais est la décision récente prise par le gouvernement de taxer les bouillons de cuisine largement utilisés dans les ménages, avec un impôt de 25%… qui devrait rapporter annuellement plus de 25 milliards au Trésor public sénégalais.

Conséquences désastreuses du Covid-19

Les industriels ruminent leur colère parce que la décision non concertée avec le patronat intervient au moment où les entreprises senegalaise vivent dramatiquement les conséquences désastreuses de la pandémie du Covid-19. Les patrons se désolent que “pire, la situation du Covid 19 n’a malheureusement pas freiné ni suspendu cette politique fiscale qui asphyxie l’entreprise industrielle sénégalaise”

Leur sentiment est qu’en l’état actuel de la pandémie, les “entreprises sénégalaises sont dans une situation dangereusement préoccupante sous le poids de facteurs tels que la hausse des prix des matières premières, l’augmentation des coûts du fret maritime et du transport en général, les délais de livraisons de plus en plus longs entrainant des ruptures et des arrêts de  production, la perte de compétitivité”, etc.

Relance économique

“Pourquoi, dans une telle situation peu reluisante, décider unilatéralement d’instaurer des taxes même si pour certaines comme la TVA c’est le consommateurs qui paient la note finale, s’interroge un chef d’entreprise ?

Ainsi, le patronat souligne qu’en depit de ce contexte peu reluisant et de ces conditions difficiles, “les entreprises industrielles sénégalaises se sont toujours montrées responsables et citoyennes, en soutenant l’Etat dans toutes ses initiatives de gestion de la pandémie et de relance de l’économie”.

Préservation de l’emploi et maintien des prix

Rien que dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, le patronat senegalais stait vaillamment distingué à travers des actions patriotiques que beaucoup avaient magnifié comme “le soutien à la protection de l’emploi (ordonnance n°1-2020 du 8 avril 2020 portant mesures dérogatoires aux licenciements et au chômage technique), le soutien financier au fonds Covid-19, le soutien à la garantie du maintien des prix des denrées de première nécessité”.

Aujourd’hui, le patronat regrette que l’Etat n’ait pas tenu compte de ces sacrifices des chefs d’entreprises, supportés par elles, dans le contexte de solidarité rendu indispensable par la crise.

Accentuation de la pression fiscale

Rappelant cet engagement citoyen, les industriels ne comprennent pas, en comparaison avec les mesures de résilience mises en place dans la plupart des pays de la zone UEMOA / CEDEAO, “que l’Etat du Sénégal accentue la pression fiscale, en dehors de toute logique de protection de la survie des entreprises et des emplois des sénégalais, un sujet pourtant censé être au cœur du Plan Sénégal Emergent”.

Pour illustrer ces mesures prises par l’Etat central qui exclut toute rationalité, le patronat égrène ces dispositions tueuses d’entreprises : la taxe spécifique de 5% sur les boissons gazeuses et les jus de fruits contenue dans la loi de finances de 2018 ; la taxe sur les contenants plastiques à usage unique (loi de finances de 2021) et la
taxe spécifique de 25% sur les bouillons (projet de loi de finances rectificative pour l’année 2021).

Appel à la concertation Etat / secteur privé

Pour se dédouaner et mettre toutes ces décisions inflationnistes sur le dos de l’Etat, le patronat prend à témoin “les consommateurs, les travailleurs, les partenaires techniques au développement du Sénégal, sur les conséquences désastreuses de telles mesures en termes de hausse de prix sur les marchés, de perte de compétitivité et d’attractivité et de perte d’emplois”.

Afin de faire revenir les autorités publiques à plus de réalisme, les industriels invitent “le gouvernement à bien vouloir reconsidérer la situation de façon globale, à sursoir à l’application de ces mesures et à ouvrir le plus tôt possible les concertations les plus larges avec l’ensemble des acteurs de l’industrie”.

Dans la dernière note de ce communiqué, le patronat insiste sur le fait que “l’industrie sénégalaise, comme à l’accoutumée, soucieuse du maintien des emplois et de sa compétitivité, se tient disposée à toute rencontre et discussion en vue d’apporter sa contribution pour l’atteinte des objectifs de l’Etat dans l’intérêt supérieur et exclusif des sénégalais”. Cet appel à la concertation a conclu document du patronat.

Sidy Babou (Business News Africa)

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