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Osiwa-Problématique de l’autosuffisance alimentaire : L’Ita et l’Isra, des instruments de développement en mal de moyens

Depuis leurs créations respectives, en 1963 et ensuite en 1974, l’Institut de Technologie alimentaire (Ita) et l’Institut sénégalais de Recherches agricoles (Isra), bien que stratégiques dans l’univers technologique et du développement industriel du Sénégal, pour le premier nommé ; dans la conception et l’exécution de programmes de recherches sur les productions végétales, forestières, animales et halieutiques et en économie rurale, pour le second ; ces deux instruments de développement souffrent d’être délaissés. Et ce, malgré la mise œuvre d’importants brevets en matière d’innovations et de technologies. Faute de budgets dédiés à la recherche, au transfert de technologie, face à l’indisponibilité de ressources humaines et financières, ils voient tous les efforts réduits à néant, en termes de résultats probants en plus d’être méconnus des industriels.

En dépit des dispositifs de recherche-développement mis en place comme l’Institut de Technologie alimentaire (Ita) et l’Institut sénégalais de Recherches agricoles (Isra ), avec la mission de conduire à la souveraineté alimentaire, force est de constater que cette problématique est toujours d’actualité. L’Ita s’est ainsi illustré avec des réalisations majeures dans des domaines tels que : la laiterie, la charcuterie, l’amélioration de la transformation de l’huile d’arachide pour plus de revenus aux agriculteurs et une résistance à l’aflatoxine, la transformation et la commercialisation des produits halieutiques au plan international. Etablissement public œuvrant dans le secteur de la recherche-développement en alimentation et nutrition, l’Ita génère une valeur ajoutée aux produits alimentaires locaux. C’est ainsi qu’il œuvre, à travers la transformation et l’assurance qualité, à atteindre la sécurité alimentaire et à augmenter les exportations céréalières, laitières, avicoles, halieutiques, horticoles, fruitières.

Dans tous ces segments, il a été « mis au point des technologies et des innovations qui ont permis aujourd’hui à des porteurs de projets agroalimentaires de développer des petites, moyennes et même grandes industries compétitives », s’est réjoui le chargé des relations extérieures de l’Ita, Fallou Sarr. Il a invité les jeunes et les femmes en particulier, à profiter des formations et incubations d’entreprises offertes par l’Ita pour la promotion de l’entreprenariat dans le domaine de la transformation et de la conservation des produits agricoles.

S’agissant des produits d’élevage, l’expert en science des aliments a loué les progrès remarquables de l’Ita en ces mots : « Qu’il s’agisse du lait, de la volaille, de la viande, nous avons mis au point des procédés et produits innovants qui ont contribué au renforcement et/ou à la naissance d’unités industrielles de fabrication de produits laitiers et de charcuterie de qualité à base de produits locaux adaptés au goût et au pouvoir d’achat des Sénégalais. ».

Même chose dans le domaine de la biotechnologie : « le café Touba, très prisé par les Sénégalais a été rendu instantané par l’Ita pour faciliter sa préparation et le promouvoir sur le marché international », tient-t-il à préciser. Aujourd’hui, il reste à renforcer les capacités de l’Ita en mettant à niveau ses infrastructures de recherche, de formation et d’incubation d’entreprises afin de lui permettre de mieux contribuer au développement économique et social du Sénégal en général, et industriel en particulier. A cet effet, « il faut un renouvellement continu et une mise à niveau régulière du plateau technique de l’institut devant lui permettre de prendre en charge les problématiques de recherches qui aboutissent à la naissance d’autres technologies et d’autres innovations », a fait savoir Mr Sarr.

A l’en croire, « l’innovation et la technologie constituent l’intrant principal de l’industrie ». Pour s’en convaincre, il soutient que« point d’industrie sans innovation et technologie ». En plus de ces moyens précités, le renforcement des moyens financiers et logistiques s’avère incontournable parce que ces innovations et technologies n’auront réellement de sens que s’ils sont mis à la disposition des industriels et autres porteurs de projets agroalimentaires. Et pour que ces derniers puissent avoir accès à ces innovations et technologies, il faut assurer le transfert de technologie et la diffusion des résultats de recherche.

MAILLON FAIBLE

Aujourd’hui, le transfert de technologie est sans conteste un maillon très faible dans le dispositif de la recherche pilotée au service du développement durable. Pour autant qu’il existe, il faut noter que le budget dédié à la recherche dans les instituts et autres universités du pays est très faible, fait remarquer Mr Sarr. Ce qui montre à quel point le niveau de prise de conscience de l’importance de la recherche dans le développement est relayé au second plan. Et le directeur des relations extérieures de préciser , pour s’en désoler : « Aussi bien à l’Ita, à l’Isra et dans bien des universités, beaucoup de technologies ont été développées mais sont méconnues du public, faute de mécanismes et de moyens de transfert de technologie en leur sein. ». Il va donc falloir renforcer les capacités de ces institutions en les dotant d’un dispositif de transfert de technologie afin de compléter la chaine de recherche-développement.

Ainsi, ne s’agit-il pas simplement de produire des innovations et des technologies mais de les mettre à la disposition des utilisateurs. Et pour ce faire, il faut incontestablement des moyens humains, logistiques, financiers… Dans son plan stratégique, les besoins annuels de l’Ita sont estimés à 6 milliards. Cependant, la subvention annuelle allouée par l’Etat ne permet pas d’assurer « une mise à niveau technique et logistique, un recrutement adéquat de chercheurs et d’ingénieurs pour mettre au point des innovations technologiques », a-t-il expliqué. Aussi, poursuit-il : « La réponse à nos problématiques implique un financement autonome de la recherche, faute de quoi, pas de réponses exclusives à nos problématiques de développement ». Il souligne au passage que le budget dédié à la recherche et que l’Etat alloue aux instituts et universités « est très faible, comparé aux nombreux problèmes à résoudre ». Convaincu qu’aucun bailleur ne saurait financer gratuitement les recherches relatives à des problématiques spécifiques d’un pays, il explique que « tous les financements accordés aux chercheurs corroborent aux préoccupations des bailleurs et non forcément aux préoccupations de l’Etat sénégalais. Comme on le dit celui qui paie commande ».

«IL N’Y A POINT DE DEVELOPPEMENT DURABLE SANS INNOVATIONS ET TECHNOLOGIES»

Préposé à concevoir, organiser et mener à bien toutes les recherches relatives au secteur rural au Sénégal, l’Institut de recherches agricoles (Isra) peine à valoriser ses acquis en termes de potentiels dans les domaines de productions végétales, animales, forestières, halieutiques. Il en va ainsi au niveau socio-économique et par extension à la génération de connaissances et de technologies appropriées pour atteindre l’objectif de sécurité alimentaire des populations, la création d’emplois et de richesses, le développement économique, social, et scientifique. Cette maldonne est liée à l’insuffisance de moyens financiers que l’Etat octroie annuellement à l’Isra et qui sont quasi totalement absorbés par le paiement des salaires.

En effet, « avec un budget annuel de 4 475 milliards de francs CFA, les 4 milliards sont couverts par les salaires, et le reste pour la couverture des charges fixes », affirme le directeur général de l’Isra. C’est dire que les marges de manœuvres budgétaires sont assez faibles pour se donner les moyens de mener des recherches. Encore que le restant du budget n’arrive même pas à couvrir les charges relatives aux factures d’électricité, d’eau, de téléphone, de couverture de maladie entre autres. D’où le recours au développement des partenariats avec d’autres instituts de recherches scientifiques sur la base d’accords programmes ficelés à travers des conventions. Ce que confirme d’ailleurs, l’ancien directeur scientifique El Hadji Traoré. « Si on se limite uniquement à la recherche, la quasitotalité des recherches menées proviennent des conventions ». Ce qui laisse à penser que nos gouvernants n’ont jusqu’ici pas pris conscience de la nécessité sur certains domaines de la recherche scientifique encore moins celle impérieuse d’y être souverain. Et cela, pour un pays qui aspire au développement durable et qui ne peut pas ne pas s’investir dans la recherche. Ne serait-ce que du fait que la recherche précède le développement durable. « Il n’y a point de développement durable sans innovations et technologies. Et pour ce faire, il faut « financer la recherche qui coûte chère, mais est payante », soutient-il.

A cette problématique de la recherche avec le jeu de coopération, « l’Isra arrive à s’en sortir », affirme le Docteur Traoré. Toutefois, il fait remarquer qu’il y a « un réel besoin de compléter certaines disciplines en ressources humaines. Et cela, passe par le recrutement de chercheurs et surtout de techniciens pour répondre à certaines préoccupations ». Docteur El Hadji Traoré de préciser que le Sénégal développe deux types de partenariats « l’un relatif au partenariat international scientifique avec des instituts comme l’Ird, Coraf et Cirad, parce que travaillant sur les mêmes thématiques, et le second partenariat relevant du domaine politique. Ce type de partenariat est développé par le Sénégal dans le cadre des relations séculaires avec ledit pays. C’est le cas de la Corée du Sud avec le Sénégal ». Toutefois, il est d’avis que sur certaines questions ou domaines, « il faut une souveraineté ».

Souvent il est recommandé aux Etats africains d’injecter de l’argent dans « les programmes de recherche surtout dans les domaines relevant de la question de la souveraineté nationale », relève-t-il. Il souligne ensuite que pour ce qui concerne le volet halieutique, il y a un réel besoin de techniciens pour mener à bien le travail de collecte, de traitement et vulgarisation. Sur ce, il y a lieu de faire des efforts de recrutement du personnel, et par conséquent préconiset-il, « il faut un effort de recrutement dans ce sens ». En tout état de cause, que ce soit dans le volet végétal, animal, forestier, halieutique, des efforts importants ont été faits. Pour ce qui est de la production de semences maraîchères, rizicoles, l’Isra a fait d’importants progrès avec plusieurs variétés adaptées et productives. Mais, faute de maîtrise de l’eau, en plus de la boulimie foncière dans la zone des Niayes pour le soussecteur horticole, les difficultés de stockage, de conservation, de commercialisation, de programmation des cultures entre autres, ledit secteur peine encore. Même chose pour la culture du riz dans la vallée du fleuve Sénégal, la vallée de l’Anambé et les cultures sur les plateaux…qui commencent à se développer. Autant pour la production de vaccins pour les ruminants et volailles, mais également dans la foresterie…

(SUDQUOTIDIEN)

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