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Modou Diagne Fada : «C’est totalement faux de dire que l’Etat doit des bons impayés»

Directeur général de la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos), Modou Diagne Fada revient dans cet entretien sur le déroulement de la campagne arachidière 2021-2022. Il dément les accusations de bons impayés de l’Etat et affirme que la Sonacos est liquide. Il revient aussi sur les instructions du président de la République s’agissant de la première partie du plan de relance de la Sonacos qui doit être financée à hauteur de 20 milliards FCfa.

Comment se déroule la campagne arachidière qui a débuté depuis le 25 novembre 2021?
La campagne se déroule très bien. Nous avons démarré très tôt avec les points de collecte Sonacos, mais aussi avec les points de collecte gérés par les Ops (Opérateurs privés stockeurs). Et depuis que le Président Macky Sall m’a nommé à la tête de la Sonacos, c’est la première fois que je pense pouvoir dire que la Sonacos va faire une bonne campagne de collecte de graines. Parce que l’affluence est énorme au niveau de nos différents sites de réception, ce qui nous a d’ailleurs obligés à augmenter les cadences dans nos sites de réception. Aujourd’hui, sur certains de nos sites, nous déchargeons jusqu’à 1 000 tonnes par jour, parfois 800 tonnes, et nous avons encore des camions qui sont en attente dans les différents sites. Dernièrement, nous étions à plus de 400 camions en attente dans les sites de la Sonacos. C’est vous dire que la campagne se passe bien, sans grosses difficultés et sans bruit, et cela devrait permettre à la Sonacos de s’approvisionner en matières premières, parce que nous devons disposer de bonnes quantités de graines pour pouvoir les triturer et les transformer en huile brute, qui sera ensuite raffinée en huile de table. C’est ça en vérité le cœur de métier de la Sonacos. Donc, nous espérons que ces mêmes tendances vont se poursuivre jusqu’à la fin du mois de janvier 2022.

Pour la présente campagne, combien la Sonacos prévoit-elle pour l’achat des graines d’arachide sur l’ensemble du territoire ?
Le financement de la campagne de collecte a été déjà bouclé depuis longtemps, comme les années passées. Cette année aussi, le financement a devancé la date d’ouverture officielle de la campagne, et aujourd’hui, nous attendons 47,5 milliards FCfa, dont 6,5 de reliquat de la campagne précédente avec lesquels nous avons démarré la campagne 2021. Cette année, avec le soutien des ministères de l’Economie et des finances, nous avons mobilisé 40 millions d’euros (26 milliards Fcfa) auprès de ITFC (Société internationale islamique de financement du commerce), et nous avons introduit des requêtes auprès de certaines banques locales, et nous pensons pouvoir obtenir au total 15 milliards FCfa. Globalement, nous aurons 47,5 milliards FCfa, ce qui devrait nous permettre de faire face aux besoins de financement de cette campagne. Parce que, je le rappelle, la Sonacos n’est pas seule, il y a d’autres huileries et d’autres acteurs qui sont en train d’acheter des graines d’arachides. Donc, nous pensons que nous disposons de suffisamment de liquidités pour prendre en charge la campagne de commercialisation.
Pourquoi la campagne de commercialisation est encore timide dans certaines zones du sud, comme Kolda par exemple ?
La campagne bat son plein à Kaolack, à Diourbel et à Louga. Elle a aussi bien commencé à Ziguinchor et à Tambacounda. Pour Kolda, il restait à finaliser le chantier de la nouvelle unité Sonacos que nous sommes en train d’y réaliser. Le Président Macky Sall nous avait demandé de créer de petites unités de collecte, de décorticage et de transformation des graines dans certaines zones, et c’est ce que nous avons réalisé cette année à Dioulacolon, à Kolda. Les travaux d’aménagement et de construction avaient débuté depuis longtemps, nous avons réceptionné le chantier il y a quelques jours, et aujourd’hui, nous pouvons vous dire que la collecte va bientôt démarrer dans ce site de Kolda qui fait partie des plus importants. Donc, cela peut expliquer la timidité de la campagne dans la zone sud du pays, mais il y a aussi le fait que les travaux champêtres prennent fin assez tard en Casamance de manière générale. La campagne démarre d’abord dans les zones nord et centre.

Il se dit que l’Etat doit 5 milliards FCfa en termes de bons impayés, qu’en est-il exactement ?
C’est totalement faux, la Sonacos est liquide. Pas plus tard qu’hier, nous avons donné des instructions pour que 750 millions FCfa soient versés à la Sonacos de Diourbel et le même montant à la Sonacos de Lyndiane à Kaolack. Nous avons déjà mobilisé plus de 20 milliards FCfa que nous sommes en train d’utiliser pour la présente campagne. Ce qui se passe, c’est qu’il y a un rush au niveau de la Sonacos. Il y a beaucoup de camions qui arrivent parce que nous avons décidé d’augmenter les cadences de réception de graines, et cette affluence au niveau de la Sonacos fait que les services de facturation et de comptabilité sont plus ou moins débordés. Et comme il ne faut pas faire d’erreurs, il se peut qu’il y ait des retards de paiement, c’est-à-dire des factures qui attendent une semaine à 10 jours avant d’être liquidées, mais on ne peut pas parler de dettes. Nous ne devons rien à personne. Leurs factures sont là-bas, nous sommes en train de les traiter et ils recevront leurs chèques. C’est vrai que l’année dernière, les délais d’attente étaient de 48 ou 72 heures, mais à ce moment, nous ne recevions pas beaucoup de camions comme maintenant. Là, nous recevons des centaines de camions par jour et nous facturons plus de 800 millions FCfa par jour, il va de soi qu’à ce rythme, les services soient plus ou moins débordés. Mais, je crois que les opérateurs le savent, ils connaissent les procédures et savent qu’il n’y a pas de problème au niveau de la Sonacos, parce que nous payons régulièrement nos factures. Il n’y a pas de dettes dues aux opérateurs et il n’y en aura pas. C’est parce qu’ils savent qu’il s’agit juste de retard qu’ils continuent à nous livrer leurs graines.
L’Etat a fixé le prix plancher du kilogramme d’arachide à 250 FCfa, pourquoi dans certains points de collecte, la Sonacos achète à 260 FCfa ?
Conformément aux instructions du président de la République, cette année, la Sonacos s’est déployée à travers ses propres points de collecte, il y a des critiques ça et là de certains opérateurs qui disent que la Sonacos ne peut pas être à la fois industriel et opérateur, mais quand des opérateurs se permettent de garder leurs graines pour ne pas les livrer à la Sonacos ou de livrer leurs graines à d’autres acteurs de la filière, la Sonacos qui est une industrie nationale qui gère beaucoup d’emplois, est obligée de déployer sa propre stratégie pour au moins disposer d’un quota de sécurité qui lui permettrait de fonctionner, quelle que soit la qualité de la campagne de commercialisation. Si nous avons une bonne campagne de commercialisation tant mieux, mais si comme ce fut le cas en 2019-2020 et 2020-2021, il y a d’autres acteurs qui nous dament le pion parce que soutenus par certains opérateurs, même dans un tel cas de figure, nos points de collecte devraient pouvoir nous permettre de disposer du minimum. C’est la raison pour laquelle cette année, nous avons déployé nos propres points de collecte, et nous avons décidé d’aller au-delà du prix plancher dans les points de collecte Sonacos. Nous n’achetons pas à 250 mais à 260 FCfa. Et nous profitons de l’occasion pour lancer un appel à tous les opérateurs, à tous les ‘’bana bana’’, à tous les acheteurs, d’abord de se ravitailler à partir des points de collecte officiels, et ensuite de payer au minimum le prix plancher. Cette pratique d’acheter les graines en-deçà du prix plancher est prohibée, et le service du Commerce intérieur est en train de veiller au grain pour traquer tout opérateur fautif. Il faut que les uns et les autres comprennent que la politique de l’Etat est de faire de telle sorte que le paysan puisse trouver son compte dans la commercialisation de ses graines, faire de telle sorte que le producteur soit au cœur de la filière arachidière. Et c’est la raison pour laquelle la Sonacos n’acceptera pas que certains de ses partenaires achètent les graines à moins de 250 FCfa. Nous avons donné l’exemple au niveau de nos points de collecte en allant au delà de ce prix plancher.

Les exportateurs chinois qui achetaient l’arachide à un prix supérieur à celui fixé par l’Etat ne sont pas sur le marché cette année, est-ce parce que les exportations ne sont pas autorisées ?
Les exportations sont autorisées, il n’y a aucune mesure prise par le gouvernement pour les empêcher. Les mesures prises sont les mêmes que celles prises l’année dernière, et je crois même qu’au niveau du comité d’exportation créé au ministère de l’Agriculture et de l’équipement rural, nous sommes en train de mener des réflexions pour alléger le cahier des charges des exportations, pour permettre aux Chinois, aux Indiens et aux exportateurs locaux de pouvoir mener correctement leurs activités d’exportation. Donc, il n’y a pas de limitation. En tous cas, nous n’avons jamais dit que les Chinois ne doivent pas être là. Nous avons toujours dit qu’ils peuvent être là, mais qu’on devrait encadrer leur présence au Sénégal, pour permettre à la Sonacos qui est une industrie nationale de pouvoir disposer de bonnes graines et en grande quantité. Je crois que les exportations vont démarrer sous peu, parce que le ministère de l’Agriculture a donné des instructions à la Dpv (Direction de la protection des végétaux) et aux structures concernées pour que les prélèvements et autres mesures d’accompagnement puissent être prises pour permettre aux exportateurs de commencer à participer à la campagne de collecte.

Les emplois sont menacés dans le secteur des huileries, qu’en est-il pour la Sonacos ?
La Sonacos a beaucoup d’emplois permanents et emploie beaucoup de saisonniers. Au total, il y a plus de 2 000 travailleurs, sans compter les emplois indirects que nous générons. Tous ceux qui s’activent dans la transformation artisanale, notamment à Touba et dans le Sine-Saloum, sont souvent alimentés par la Sonacos. Si la Sonacos a un trop plein de graines, elle va louer des services, accorder des prestations de services à ses partenaires transformateurs artisanaux. Mais si elle n’a pas suffisamment de graines, elle ne pourra pas les faire travailler. Et c’est la raison pour laquelle nous disons qu’avec ce système, une Sonacos qui fonctionne bien peut générer plus de 15 000 emplois indirects. Nous avons maillé le territoire national. Nous sommes présents dans presque toutes les régions. Si nous fonctionnons bien, nous pouvons être l’une des boîtes qui emploie le plus au Sénégal. Donc, s’il y a une menace dans l’approvisionnement des graines d’arachide, dans la constitution de notre matière première pour faire de l’huile et des tourteaux, nous n’allons pas pouvoir employer beaucoup de personnes. Nous serons même obligés de ne pas prendre beaucoup de saisonniers.

Comment se porte la Sonacos aujourd’hui et quelles sont vos ambitions ?
La Sonacos est une structure nationale importante. Aujourd’hui, nous l’avons redressée. Je rappelle qu’en 2018, nous avions un déficit de moins 7 milliards FCfa. J’ai été nommé en avril 2019 et à la fin de mon premier exercice, j’ai pu réaliser un bénéfice de plus de 300 millions FCfa. A la fin de l’exercice 2020, nous avons pu réaliser 1 milliard FCfa de bénéfice. Donc, aujourd’hui, nous sommes sortis des cycles de déficit annuel. Mieux, depuis très longtemps, la Sonacos n’est plus en défaut de paiement, nous payons régulièrement nos dettes aux différentes banques. Nous n’avons aucun souci avec un partenaire financier. Maintenant, il reste à relancer la Sonacos, et pour cela, il fallait d’abord disposer de graines, et nous espérons en disposer en quantité suffisante cette année. Il faut aussi réhabiliter l’outil de production, acheter de nouveaux équipements, moderniser la Sonacos. Le président de la République a donné des instructions pour que la première partie du plan de relance de la Sonacos soit financée à hauteur de 20 milliards FCfa. Le plan de relance a été validé par le Conseil des ministres et par le Président. Dès que l’argent sera là, nous allons réhabiliter et moderniser la boite, pour d’abord augmenter nos taux de rendement, mais aussi moderniser le système de stockage de nos produits et avoir beaucoup plus de capacités qui nous permettront de recruter davantage de personnes. Nous pensons pouvoir, avec l’appui du chef de l’Etat, faire retrouver à cette grande industrie qu’est la Sonacos son lustre d’antan.

(L’OBSERVATEUR)

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