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Malick Diallo, directeur du Commerce extérieur : «La Zlecaf constitue une aubaine pour le devenir de nos exportations»

La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) est en train de devenir une réalité, avec l’entrée en vigueur du commerce sous ce régime, depuis janvier 2021. Même si jusqu’à l’heure, aucune activité commerciale n’a réellement été faite, la Zlecaf demeure un marché prometteur pour les pays africains. Malick Diallo, Directeur du commerce extérieur (Dce) au ministère du Commerce et des Pme, revient sur l’importance de ce marché. Dans cet entretien avec Le Quotidien, M. Diallo a aussi expliqué la démarche du Sénégal pour tirer un meilleur profit de la Zone de libre-échange, qui sera un marché de 1,2 milliard de consommateurs.

Le Sénégal, comme 38 autres pays, a déposé ses instruments de ratification pour la Zlecaf. Quel profit peut tirer notre pays de ce marché ? 
La Zlecaf est la plus grande zone de libre-échange au mon­de, dotée d’un marché de 1,2 milliard de consommateurs pour un Pib d’environ 2500 milliards de dollars Us. Selon le rapport de 2019 publié par la Cnuced, la Zlecaf devrait permettre aux pays membres, une fois tous les droits de douane supprimés, de voir leur Pib progresser de 1 à 3% et de porter de 15 à 33%, le commerce intra-africain pendant la période de transition. A cet égard, cette zone de libre-échange constitue une aubaine pour le devenir de nos exportations. Malgré son déficit chronique, la balance commerciale du Sénégal a toujours été excédentaire sur le marché africain. De ce point de vue, la Zlecaf peut se révéler être un catalyseur pour le développement industriel et économique de notre pays.  Néan­moins, pour en tirer le plus grand profit et faire face à la concurrence accrue qui va naître de l’ouverture des marchés, le Sénégal a élaboré depuis 2019, sa Stratégie nationale Zlecaf (Sn-Zlecaf). Celle-ci a identifié les forces et faiblesses, les menaces et opportunités liées à la mise en œuvre de la Zlecaf. Elle prévoit ainsi les actions à entreprendre et les défis à relever pour en tirer le maximum de profits. Le financement de la mise en œuvre de cette stratégie par l’Etat et les partenaires au développement, est ainsi crucial.

Quel rôle joue la direction du Commerce extérieur pour une présence correcte du Sénégal sur le marché ?  
La Dce a coordonné la participation de notre pays à tout le processus ayant abouti à la mise en place de la Zlecaf et continue d’assurer le suivi des négociations pour le compte du Sénégal. Les positions du Sénégal dans chaque domaine sont arrêtées au sein des différents sous-comités du Comité national des négociations commerciales internationales (Cnnci). Ces sous-comités re­groupent l’ensemble des parties prenantes intervenant dans les questions en négociation, notamment avec l’appui des ministères sectoriels. A titre d’exemple, le sous-comité commerce de marchandises est coordonné par l’administration des douanes et le sous-comité agriculture, par le ministère en charge de l’Agriculture. Pour chaque sous-comité, le secrétariat est assuré par des agents de la direction du Commerce extérieur.
C’est à travers ces cadres de concertation que les acteurs, en particulier les opérateurs économiques, font part de leurs préoccupations qui sont prises en charge au niveau des instances de négociation.
En plus de ce cadre, la Dce s’appuie sur de nombreux leviers et son expertise, afin d’identifier et évaluer les besoins des entreprises en matière d’accès aux marchés, de préparer les stratégies de pénétration des marchés internationaux, mettre en œuvre les mesures de régulation des importations en vue de promouvoir les filières et industries naissantes, identifier les obstacles au commerce et faciliter les échanges, promouvoir le commerce des services, diffuser l’information commerciale auprès des ac­teurs, etc.

Plusieurs entités économiques comme l’Uemoa, la Cedeao, existent en Afrique. Est-ce que ces entités ont un rôle important pour l’effectivité de la Zlecaf ?
La Zlecaf est bâtie sur des acquis des Communautés économiques régionales (Cer), dans l’optique d’aboutir à des règles communes. D’ailleurs, il est rappelé dans l’Accord cadre de la Zlecaf, que la libre circulation des capitaux et des personnes sera atteinte en s’appuyant sur les initiatives des Cer.  Les Cer servent donc de piliers à la Zlecaf. Certains des instruments nécessaires à la mise en œuvre de la Zlecaf, existent déjà au niveau de ces Cer. En effet, tout en visant une harmonisation règlementaire sur le continent, la Zlecaf compte renforcer les Cer ayant atteint des niveaux d’intégration élevés. A cet égard, l’article 19 alinéa b de l’Accord cadre de la Zlecaf, dispose que les Etats parties qui sont membres d’autres communautés économiques régionales, d’autres accords commerciaux régionaux et d’autres unions douanières, et qui ont atteint entre eux des niveaux d’intégration régionale plus élevés que ceux prévus par le présent accord, maintiennent ces niveaux entre eux. A titre d’exemple, les entreprises de l’espace Cedeao qui bénéficient actuellement du Schéma de libéralisation des échanges (Sle), pourront continuer à se référer aux exigences qui y sont prévues.

Quelles sont les grandes contraintes à lever par les Etats pour une Zlecaf compétitive ?
Afin de tirer pleinement parti des avantages potentiels de la Zone de libre-échange continentale africaine, les pays africains doivent relever de multiples défis, en recourant à un large éventail de politiques complémentaires aptes à renforcer le lien entre commerce et industrialisation. Il faut également disposer d’un secteur privé national à la fois fort, dynamique et compétitif ; d’une bonne politique de facilitation des affaires et des échanges ; d’un environnement des affaires attractif et capable de propulser les activités économiques ; d’infrastructures adap­tées et modernes, sans oublier des politiques efficaces et inclusives en faveur de l’entreprenariat. Il convient aussi de noter que la mise en place de la Zlecaf nécessite également un ajustement des politiques économiques, sociales et environnementales. La transition fiscale doit être réussie grâce au développement des activités économiques et à l’élargissement de l’assiette fiscale, afin d’éviter une plus forte pression fiscale sur les entreprises.

La part de l’Afrique dans le commerce international est minime. Quels rôles devront jouer les Etats et les privés africains dans le cadre de la Zlecaf, pour accroître la part de l’Afrique dans le commerce international ? 
L’Afrique fait partie des régions où les coûts des échanges, hors tarifs douaniers, sont les plus élevés. La suppression des barrières non tari­faires peut générer une importante réduction des coûts. A ce propos, une plateforme en ligne a été développée par la Cnuced et l’Union africaine, pour aider à supprimer les barrières non tarifaires au commerce en Afrique. Cet outil, tradebarriers.africa, aidera les gouvernements africains à surveiller et éliminer ces barrières qui ralentissent la circulation des marchandises et coûtent chaque année des milliards aux importateurs et exportateurs de la région. Le suivi des plaintes au niveau national est assuré par la direction du Commerce extérieur, en tant que point focal national.
Par ailleurs, avec le contexte actuel, l’économie mondiale est en proie aux bouleversements provoqués par la pandémie du Covid-19. La création de ce vaste marché régional constitue une occasion à saisir par les pays africains, pour diversifier leurs exportations, accélérer leur croissance et attirer les investissements directs étrangers.

(LEQUOTIDIEN)

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