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Interconnexion des bourses africaines : Entretien avec Tom Minney, gestionnaire du projet AELP Link

Le vendredi 30 juillet dernier, l’African Securities Exchanges Association (ASEA) a signé un accord avec l’entreprise Direct FN pour la mise en place d’une plateforme de cotation transfrontalière, dans le cadre du projet d’interconnexion des bourses africaines (AELP) portée conjointement par l’ASEA et la Banque africaine de développement (BAD). Dénommée AELP Link, cette plateforme qui vise dans un premier temps 7 places boursières africaines, est destinée à servir un but ambitieux : permettre aux investisseurs des marchés boursiers africains, de mener des opérations sur n’importe quelle place boursière du continent, à partir de leur propre pays.

Dans un contexte de mutualisation des efforts des pays africains pour accélérer le développement du continent, notamment à travers la mise en œuvre de la Zone de libre échange continentale africaine (ZLECAf), cette idée novatrice vise à renforcer la participation du secteur de la finance aux progrès économique du continent. Gestionnaire de projet à l’AELP, Tom Minney a répondu aux questions de l’Agence Ecofin.

 

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Agence Ecofin : En quoi consiste concrètement le projet AELP Link ?

Tom Minney : L’AELP Link sera une solution informatique basée sur le cloud qui sera reliée au système de gestion des ordres exploité par un courtier africain, où le courtier pourra y accéder directement. Le courtier sur le marché national sera relié à un courtier sur un marché étranger dès qu’ils auront conclu un accord. Si un client local souhaite acheter ou vendre un titre coté sur une autre bourse AELP, par exemple un client kenyan souhaitant acheter des actions cotées au Nigeria ou en Egypte, son courtier local utilisera le lien AELP pour envoyer les détails des ordres d’achat ou de vente du client au courtier étranger, dans cet exemple au Nigeria ou en Egypte, pour exécution sur cette bourse. Les informations relatives à la confirmation de la transaction reviendront après l’exécution de la transaction. L’AELP Link fournira des données en direct sur les prix des transactions dans les différentes bourses pour les courtiers qui sont inscrits pour accéder à ce marché.

AE : Quels sont les principaux changements que cette plateforme apporte non seulement aux investisseurs mais aussi aux entreprises en Afrique ?

Tom Minney : L’AELP Link permettra à un investisseur basé sur un marché de capitaux africain d’investir plus facilement sur les autres marchés de capitaux africains de premier plan. De cette façon, l’investisseur pourra accéder à un plus grand nombre d’opportunités d’investissement, y compris des entreprises africaines de croissance de premier plan et bien d’autres opportunités. Cela leur donne un choix beaucoup plus large d’entreprises et les aide à diversifier leurs portefeuilles pour différents pays et secteurs.

Cela crée également une opportunité importante pour les épargnants institutionnels africains à croissance rapide, tels que les fonds de pension. Ceux-ci ont besoin d’investissements de croissance à long terme et d’opportunités de diversification pour s’assurer qu’ils continuent à répondre aux objectifs de leurs membres, par exemple pour le financement de la retraite.

L’AELP vise à aider les entreprises africaines en croissance, ainsi que les gouvernements et les projets d’infrastructure, à accéder au capital-risque à long terme, y compris le capital géré par les investisseurs institutionnels. En permettant davantage de flux transfrontaliers, nous souhaitons faciliter la levée de capitaux par les entreprises africaines sur le continent.

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AE : Comment cette initiative contribue-t-elle à accélérer la mise en œuvre du marché unique africain ?

Tom Minney : Le projet de liaison des bourses africaines est une étape clé de l’intégration de l’Afrique. Il soutient la libre circulation des capitaux et concrétise les idéaux de commerce et d’investissement panafricains inscrits dans le traité d’Abuja (1991). Il vient compléter la forte impulsion donnée par l’accord de libre-échange continental africain (ZLECAf), qui est devenu opérationnel en janvier 2021. Il s’appuie également sur d’importantes initiatives panafricaines en matière de commerce et d’investissement au fil des ans.

L’AELP marque des progrès dans la réalisation des aspirations de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (en particulier le domaine prioritaire 1 de l’objectif 20 du plan décennal de mise en œuvre 2013-2023) dans le cadre des bourses de valeurs mobilières existantes. L’aspiration n°2 de l’Agenda 2063 est celle d’un continent intégré, y compris la libre circulation des capitaux. L’aspiration n°7 est « l’Afrique en tant qu’acteur et partenaire mondial fort, uni, résilient et influent » et, dans le cadre de cette aspiration, l’objectif 20 est « L’Afrique assume l’entière responsabilité du financement de son développement ». Les objectifs de l’AELP sont de réduire la fragmentation des bourses africaines, de faciliter l’efficacité des flux d’investissement transfrontaliers, de réduire les coûts de transaction et d’améliorer la diffusion d’informations de haute qualité aux participants du marché.

AE : L’AELP Link arrive dans un contexte mondial marqué par des cyber-attaques de plus en plus inquiétantes en Europe et aux Etats-Unis. Sachant que certains observateurs estiment que l’Afrique pourrait avoir du mal à se protéger contre des attaques similaires, dans quelle mesure votre plateforme prend-elle en compte ces risques, qui restent réels ?

Tom Minney : Les risques sont bien réels et les contrer est toujours une priorité absolue pour les acteurs clés des marchés financiers africains, en particulier les bourses, les dépositaires centraux et les courtiers en valeurs mobilières. L’AELP Link fonctionnera par le biais de connexions sécurisées aux réseaux des courtiers, plutôt que directement dans les bourses ou les dépositaires. La sécurité est un critère très important dans les exigences techniques préparées lors de la conception du projet et ces exigences ont également guidé les processus d’approvisionnement et de sélection. En particulier, l’AELP Link devra être conforme aux systèmes de gestion de la sécurité de l’information de toutes les bourses participantes.

AE : Plus généralement, pensez-vous que des solutions numériques comme celle-ci, adaptées aux secteurs économiques et financiers en Afrique, seront essentielles pour poursuivre le programme de développement des pays du continent tel que prévu dans l’agenda de l’Union africaine ?

Tom Minney : L’Union africaine ne cesse de souligner l’importance du capital-risque à long terme pour financer la croissance à long terme des emplois, des entreprises et des infrastructures dont l’Afrique a besoin. L’AELP Link est conçu avec les mêmes objectifs cadres que les autres parties du marché des capitaux, à savoir assurer l’efficacité, la transparence et la réduction des coûts lorsque les investisseurs cherchent à canaliser leur épargne vers des opportunités d’investissement rentables. Compte tenu de la taille considérable de l’Afrique, les solutions numériques sont la solution dans de nombreux pays, tant pour atteindre les marchés nationaux que pour traverser les frontières afin d’accéder à d’autres régions et à leurs opportunités de croissance. En fin de compte, le numérique n’est qu’une plateforme permettant de traiter les transactions et d’assurer de meilleurs flux d’investissement pour fournir des financements. Le véritable impact de l’AELP Link se fera sentir lorsque les investisseurs auront placé leur argent dans des entreprises et des projets qui contribueront à créer des emplois et à améliorer les conditions de vie des gens.

AE : Pour les prochains mois, voire les prochaines années, quel est le calendrier de l’AELP Link concernant son développement voire son extension à d’autres plateformes boursières ?

Tom Minney : Nous prévoyons que le déploiement soit terminé dans les six mois, d’ici février 2022. Une fois l’installation terminée, il y a une période de garantie de deux ans pour exploiter le système et installer les correctifs et les mises à niveau si nécessaire. Nous savons, grâce aux enquêtes menées auprès des utilisateurs, qu’il existe un intérêt important pour l’accès aux opportunités d’investissement transfrontalières.

La période initiale de l’AELP Link sera l’occasion de tester le fonctionnement du système pour les utilisateurs et d’apporter des améliorations pour qu’il fonctionne mieux. Nous évaluerons si le système attire des flux commerciaux importants après deux ans de fonctionnement. L’intérêt initial est très fort et nous savons que d’autres bourses de valeurs africaines demandent à rejoindre les sept bourses initiales. Nous prévoyons d’ajouter d’autres bourses et courtiers une fois que la phase pilote n° 1 aura bien fonctionné.

La participation et l’intérêt de tous les courtiers en valeurs mobilières des bourses participantes sont essentiels pour les mois à venir, afin de garantir que nous disposons du meilleur système pour apporter de la valeur aux courtiers en valeurs mobilières et à leurs clients, ainsi qu’au continent africain.

(AGENCE ECOFIN)

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