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[Focus]Transfert d’argent: les nouveaux tarifs des prestataires diversement appréciés

Le Cadre des prestataires de services (Cpcp) a décidé de mettre en place une nouvelle grille tarifaire qui s’effectue au sein de leurs établissements de services. En effet, les clients devront s’acquitter de frais de dépôt et de retrait pour disposer de leurs fonds. Une décision prise de manière unilatérale et qui est diversement appréciée.

La note est effective depuis la première semaine de juin. Ainsi, pendant que les deux grands opérateurs se mènent une guerre pour casser les frais et gagner plus de clients, les prestataires de services ont mis en place une grille tarifaire. « C’est une arnaque », lâche Arame Lô, visiblement pas au courant jusqu’au moment d’effectuer un dépôt dans un point de service à Yoff. Elle ne s’est pas gênée à traiter le gérant de « complice d’une grande escroquerie ». Elle se résigne à ne pas se soumettre à la nouvelle règle pourtant affichée dans le local.

Pendant qu’elle crie au scandale, Mor Samb brandit son téléphone portable en vue d’informer ceux qui, visiblement, n’étaient pas au courant. Il aurait reçu l’information près de cinq jours avant. Le gérant de la structure préfère orienter la presse vers ses représentants ; ne répondant à aucune de nos questions.

Un peu plus loin de Yoff, le marché de Grand Yoff accueille un monde fou en ce dimanche. La forte canicule colle les chemises aux peaux déjà couvertes de sueurs. Les quelques points de transfert d’argent ouverts sont formels vis-à-vis des clients : le respect de la nouvelle grille tarifaire affichée dans les sites avec toutes les informations sur les prix.

L’État vient en arbitre…

L’Observatoire de la qualité des services financiers (Oqsf) estime que la solution réside dans les discussions avec toutes les parties prenantes.

L’Observatoire s’est saisi de l’affaire après avoir reçu un mémorandum du Cadre permanent de concertation des prestataires de transfert d’argent regroupant notamment les associations Renapta (Réseau national des prestataires du transfert d’argent), à la suite de la publication des nouveaux barèmes des frais pour les opérations de monnaie électronique.

Selon le Secrétaire exécutif, Abib Ndao, la démarche de l’Observatoire au nom de l’État, par le biais du Ministre des Finances et du Budget, est de protéger les usagers des services financiers et veiller à la viabilité financière des acteurs de l’écosystème. En plus d’observer la qualité des services financiers, l’Observatoire a donc réuni les directions générales d’Orange finance mobile Sénégal et de Wave, le Cpcp et l’Association des acteurs sénégalais de transfert d’argent. Et ce, en présence des Associations des consommateurs.

« Dans leur mission de promotion de l’inclusion financière, nous souhaiterions que tous ces acteurs se retrouvent financièrement dans leur cœur de métier. Pour assurer la solidité de l’écosystème, nous déroulons des programmes éducatifs, afin que les couches vulnérables intègrent les systèmes financiers. Ainsi, les établissements financiers sont un levier pour remplir cette mission et prendre en compte les couches de la société », affirme Abib Ndao. Il souligne que les démarches sont entreprises afin de trouver une solution qui plaise à tous.

Les opérateurs ne sont pas d’accord…

Ramatoulaye Diallo, Directrice d’Orange finances mobile Sénégal, dans une émission sur Iradio, déclare que c’est une chose nouvelle et il faut qu’on regarde de plus près ce que ces distributeurs proposent. « Avec un plan d’accompagnement, nous allons assurer l’activité pour les clients et pour les partenaires », ajoute-t-elle. Mme Diallo annonce ainsi la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement sans dévoiler les grands axes, car la situation est difficile. « Il faut prendre du recul dans cette affaire », ne cesse-t-elle de marteler avant d’indiquer que le dialogue sera pérennisé.

Une démarche que Wave semble partager. Après la réunion avec les différents acteurs, la Directrice générale de Wave Sénégal, Coura Sène, déclare : « Nous avons toujours accepté de discuter, car nous favorisons le dialogue entre nous. Mais, ils ne nous ont pas parlé de cette augmentation ». Elle informe que « Wave n’a pas diminué ce qu’il payait aux agents » et dit ne pas comprendre « cette action de la part des agents ». Mme Sène souligne que « depuis février 2018, Wave a appliqué les mêmes tarifs aux clients, c’est-à-dire 1 % pour le transfert ». En plus, « Wave propose la même rémunération aux agents », précise-t-elle.

Sur ses plateformes numériques, Wave, interpellé par les clients, martèle que les dépôts et retraits restent gratuits pour ses services. Il invite les clients à se rapprocher d’eux.

Dans le même sillage, Orange Money informe ses clients qu’ils peuvent effectuer les dépôts, retraits au tarif Orange Money sans autre frais de service dans les kiosques, agences Sonatel, stations-service et banques.

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KHALIL NDIAYE, PRÉSIDENT DU RÉSEAU NATIONAL DES PRESTATAIRES DU TRANSFERT D’ARGENT

« Il était devenu inadmissible d’être l’agneau de sacrifice »

Les prestataires de services se sont regroupés en un Cadre permanent de concertation des prestataires (Cpcp). Ils ont mis en œuvre des tarifs appliqués aux opérations des clients. Il s’agit de frais de service. Dans cet entretien, Khalil Ndiaye, Président du Réseau national des prestataires du transfert d’argent (Renapta), une des structures composant ce cadre, revient sur les raisons de cette manœuvre.

 

Quelles sont les raisons de la création du Cpcp ?

Le Cadre permanent des prestataires du transfert d’argent (Cpcp) est une organisation regroupant les trois groupes d’associations des entrepreneurs qui exercent dans le transfert d’argent. Il est né en 2020 pour répondre au besoin de fédérer les forces et agir ensemble pour la survie de notre secteur. Le Cpcp est composé des associations Renapta, « Nio Lank », « Asata ».

Pourquoi le Cpcp a œuvré sur de nouvelles tarifications ?

La tarification des frais de service est l’aboutissement d’un constat amer de l’exploitation des multinationales qui dominent le transfert d’argent local. Après avoir mis à genou tous nos champions nationaux du transfert (Wari, Joni) par une concurrence déloyale, au vu et au su de tout le monde, elles ont décidé de rendre tout service effectué dans nos points de service gratuit et payant tout service effectué à partir de leurs applications. Ainsi, le client paie des frais de système, mais ne paie pas des frais de service.

Sachant que nous sommes le carrefour de deux besoins- celui du client qui ne peut accéder à l’application de l’opération sans nous et de l’opérateur qui ne peut recevoir les flux des clients sans nous- il était devenu inadmissible d’être l’agneau de sacrifice quand ils se mènent une rude concurrence pour avoir le client.

N’êtes-vous pas rémunérés par les opérateurs ?

Nous sommes toujours les victimes collatérales de la rude concurrence des opérateurs. Si l’opérateur ponctionnait sur ses frais de système pour nous rémunérer du service que nous lui rendons, en cas de stratégie de concurrence, il n’a d’autre mesure que de prendre sur ce qu’il donnait comme rémunération du service rendu et l’accorder en diminution du prix fixé au client. Nous sommes rémunérés pour service rendu. Pour les deux opérateurs, la commission de retrait des sommes allant jusqu’à 500 FCfa est de 3 à 5 FCfa. (cf. tableau des commissions).

Comment avez-vous fixé vos tarifs et avez-vous eu l’aval de l’Artp ?

Les tarifs ont été fixés sur la base actuelle de 1 % facturé par les opérateurs pour leurs frais de système. Les clients paient ce pourcentage pour le service rendu dans nos points de service. Que ce soit un dépôt ou un retrait. Concernant l’Artp, elle n’est pas notre service de tutelle.

Vous êtes sous quel service alors ?

Il y a un imbroglio à ce niveau ; nous sommes entre la Bceao, la Direction de la monnaie et du crédit (Dmc) du Ministère des Finances et du Budget, le Ministère du Commerce et, enfin, l’Artp.

Les instructions 8 et 13 qui encadrent le secteur du transfert d’argent et de la monnaie électronique sont établies par la Bceao pour tous les pays de l’Uemoa.

Le Ministère des Finances, par son département Dmc, veille à l’application. Mais, la fixation de tout prix aux consommateurs est du ressort du Ministère du Commerce à travers sa Direction du Commerce intérieur. Et de l’autre côté, on utilise le numérique sur le plan technique.

(LESOLEIL)

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