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Failles dans le montage financier : Péage, l’autoroute des déséquilibres

Après un débat multi-acteurs sur la redevabilité de la gouvernance des infrastructures et PPP : suivi et vulgarisation de l’étude d’impact socio-économique et environnemental de l’exploitation de l’autoroute à péage organisé par Legs-Africa, un rapport a été élaboré pour contribuer dans la renégociation des contrats de concession de l’exploitation de l’ouvrage, au profit de l’Etat et des usagers.

C’est un truisme de dire que les conditions d’exploitation de l’autoroute à péage Dakar-Aibd sont plus favorables à la société Eiffage de la concession de l’autoroute de l’avenir – Secaa Sa qu’à l’Etat du Sénégal. Le déséquilibre financier est tellement flagrant que l’Etat a décidé de rouvrir les négociations avec l’entreprise contractante. C’est ainsi que Legs-Africa, un Think Tank d’orientation scientifique, après avoir réalisé l’étude d’évaluation économique, sociale et environnementale de l’impact de l’exploitation de l’autoroute à péage, donne des pistes de solutions à l’Etat. Une contribution citoyenne décisive dans la renégociation des contrats de concession de l’exploitation de l’ouvrage, au profit de l’Etat et des usagers. Elle est issue du débat multi-acteurs sur la redevabilité de la gouvernance des infrastructures et PPP : suivi et vulgarisation de l’étude d’impact socio-économique et environnemental de l’exploitation de l’autoroute à péage, tenu autour de 3 panels les mardis 6, 13 et 27 juillet dernier. Le rapport final tient sur 22 pages.

«Un manque de contrôle et d’efficience du Sénégal sur ses propres infrastructures»
Pour le premier panel, les intervenants, dont Dr Mor Bakhoum, juriste et enseignant chercheur à l’Université virtuelle du Sénégal (Uvs), Dr Khadim Bamba Diagne, économiste, ont traité les aspects juridiques et financiers de l’exploitation de l’autoroute à péage Dakar-Aibd : Quelles leçons tirer des contrats Cet ? Dr Khadim Bamba Diagne a axé son intervention sur le montage financier dont a été victime l’Etat sénégalais pour l’exploitation de l’autoroute à péage Dakar-Aibd. Ce qui, selon lui, met en exergue le déséquilibre considérable entre la subvention publique et le montant du financement privé. En effet, le total d’investissement de cette autoroute tourne autour de 380 milliards F Cfa. 83, 95 % du financement de ce projet, soit 319,2 milliards FCFA, ont été octroyés par l’Etat sénégalais (193, 5 milliards F Cfa) et les institutions publiques telles que la Banque Mondiale (52,5 milliards), l’AF (40 milliards F CFA) et la Bad (33,2 milliards F CFA). Seuls les 61 milliards restants ont été subventionnés par la société Eiffage qui n’a d’ailleurs alloué, en fonds propres, que 20,8 milliards F Cfa et levé sa contribution financière restante auprès de la Boad (15 milliards F Cfa), l’Ifc (13,4 milliards F Cfa), la Bad (6,8 milliards F Cfa) et la Cbao (5 milliards F Cfa). Le rapport note qu’avec une rentabilité de l’autoroute estimée à 140 milliards F Cfa sur une période de dix ans, le gouvernement sénégalais n’a encaissé que 28 milliards F Cfa. De plus, une hausse des charges d’exploitation de la part de Eiffage a été notée. Celles-ci passent de 36, 652 à 56, 526 milliards F Cfa. Aussi, sur les 143 750 milliards F Cfa de chiffre d’affaires, les résultats courants avant impôts sont estimés à 10 milliards, ne faisant ainsi gagner à l’État sénégalais que 3 milliards 200 M comme impôts sur le bénéfice. Ce qui fera dire à l’économiste Dr Diagne que cette gestion non optimale de l’Etat sénégalais est illustrative du manque de contrôle et d’efficience sur ses propres infrastructures. Il appelle ainsi ce dernier à songer davantage à la mise en place de stratégies défensives et offensives afin de gagner plus et de dépenser moins dans l’exploitation de ses propres infrastructures et plus largement ses ressources. Celle-ci, souligne-t-il, devrait passer inéluctablement par l’inclusion des experts financiers dans ses projets afin qu’ils puissent donner des avis consultatifs ou mettre des entreprises de gestion qui auront l’initiation des dépenses de sorte que les recettes fiscales de l’Etat ne soient pas diminuées. Mais aussi, par un suivi et une continuité étatique qui devraient être permanents même lorsque l’alternance politique se produit.

«L’Etat valide tous les projets soumis par les acteurs économiques étrangers, pendant ce temps, les acteurs locaux peinent à voir leurs ministres»
Son argumentaire est soutenu par le Président du conseil national des dirigeants d’entreprises du Sénégal, Birane Yaya Wane, qui estime que le gouvernement de Macky Sall aurait dû travailler avec les Chambres de Commerce (une main d’œuvre locale). Ce qui aurait aidé à minimiser les gains de Eiffage et maximiser ceux de l’Etat sénégalais, car selon lui, «Enrichir Eiffage c’est enrichir la France.» M. Wane constate pour le déplorer qu’aujourd’hui l’Etat valide tous les projets qui sont soumis par les acteurs économiques étrangers, pendant ce temps les acteurs locaux peinent à voir leurs ministres.» Expert financier à la Banque islamique de développement El Hadj Ibrahima Thiaw appelle quant à lui, l’Etat à se doter d’entités disposant de tous les outils et techniques nécessaires pour conduire ses projets à terme. Selon lui, le fait que par exemple, une disposition du contrat de l’autoroute à péage stipule que ce dernier est ferme et non révisable est problématique. Il faudrait donc, explique-t-il, des arbitrages et expertises à l’avenir en vue de permettre à l’Etat de tirer le meilleur profit dans l’exécution de ce genre de projets. Une recommandation similaire a été émise pour le secteur privé qui gagnerait à se mettre à niveau en établissant un pedigree technique et financier, lequel pourrait d’ailleurs favoriser l’employabilité.

Responsable Opération à l’Ageroute, Abdoulaye Thiam croit dur comme fer que l’Etat du Sénégal aurait dû faire de l’exploitation Dakar-Aibd un contrat à régie intéressée surtout compte tenu de l’ampleur des transactions journalières estimées à 200.000 qu’Eiffage gagne actuellement. Toutefois, contrairement à Dr Khadim Bamba Diagne et Birane Yaya Wane, il estime que le gouvernement sénégalais n’a pas manqué d’experts financiers durant la signature de ces contrats, car celui-ci a tout de même réussi à renégocier les 25 % dans le capital, ce qui est salutaire. M. Thiam, enjoint le gouvernement de demander au concessionnaire de financer sur fonds propres une troisième voie à partir de Thiaroye, qui jusque-là, est inexistante. Celle-ci devrait être actionnée par les critères suivants : l’occupation de la zone et le délai 2023.

«Se positionner de manière plus judicieuse à l’avenir afin d’anticiper les pertes»
Le deuxième panel a porté sur Impacts socio-économiques de l’autoroute à péage Dakar-Aibd : Quels enseignements sur l’implication des communautés, la gestion des compensations, la préservation des moyens d’existence et la qualité de vie des populations riveraines, particulièrement les jeunes et les femmes ? Le troisième panel sur les aspects environnementaux et sécuritaires des infrastructures de l’exploitation de l’autoroute à péage Dakar-Aibd : Quels enseignements pour des infrastructures de transport public écologiquement durables ? Les discussions générales ont porté sur l’impact de l’éventuelle mise en circulation du Ter, sur la rentabilité de l’autoroute à péage, l’ouverture de la sortie Diamniadio Sangalkam par Keur Ndiaye Lo, l’obligation d’Eiffage de réaliser une troisième voie à partir de Thiaroye qui jusque-là; est inexistante, la (non) prise en compte de la dimension genre dans le projet autoroutier, les problèmes d’assainissement auxquels font face les populations riveraines, l’amélioration de leurs conditions de vie ainsi que l’importance pour le maire de se rapprocher de la préfecture afin de sécuriser les zones délaissées. Plusieurs recommandations ont été faites par les intervenants : garantir au préalable de la transparence dans le processus de négociations des contrats, se positionner de manière plus judicieuse à l’avenir afin d’anticiper les pertes, éviter l’importation des procédés et modèles de projets sans tenir en compte de nos réalités socioculturelles, inclure les expertises sénégalaises dans les négociations de projets, réaliser des entrées et sorties au niveau de la sortie 10, équiper d’écoles et autres commodités les zones traversées par l’autoroute, garder en tête que l’autoroute à péage n’est pas un projet fini et suivre et contrôler 
l’exécution et la régularité des investissements en cours, élargir la discussion sur d’autres projets d’infrastructure afin de ne pas reproduire les 
mêmes erreurs, entretenir des canaux atténuant les effets des inondations dans les zones où les eaux 
de ruissellement sont piégées, entres autres.

(iGFM)

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