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Contribution du journaliste Elhadj Ibrahima THIAM sur la crise au Tchad : “Tu seras Président mon fils”

«La France ne laissera jamais personne, ni aujourd’hui, ni demain, remettre en cause la stabilité et l’intégrité du Tchad». Si Mahamat Déby Itno, chef de la junte militaire qui a pris le pouvoir au Tchad après le décès de son père de Maréchal-président a eu à nourrir quelques craintes sur son adoubement par la France, cette phrase d’Emmanuel Macron contenue dans son oraison funèbre au cours des funérailles d’Idriss Déby Itno devrait définitivement le rassurer.


On peut en préjuger car, dès le lendemain, c’est un Comité militaire de transition visiblement ragaillardi alors qu’il faisait jusqu’ici profil bas, qui a rejeté la proposition de trêve des rebelles du Fact. Le timing interpelle.

En jouant ainsi la carte d’une supposée stabilité au détriment de la légalité constitutionnelle, la France «valide» le coup d’Etat au Tchad. Le silence assourdissant de l’Union africaine dirigée par le Tchadien Moussa Faki Mahamad résonne comme une légitimation du jeune général. Vu de Paris, Déby fils constitue le meilleur parapet face au terrorisme qui sévit dans la zone du Sahel. Comme Déby père fut présenté ces dernières années.

Les mouvements de la société civile et les partis de l’opposition peuvent bien éructer de colère, battre le macadam jusqu’à s’user les plantes des pieds, les dés semblent jetés. Tout porte à croire que Mahamat Déby Itno est parti pour régner longtemps sur le Tchad.

La promesse d’une transition de 18 mois passe pour une mise en bouche, le temps que le jeune galonné prenne ses marques, avant d’asseoir définitivement son pouvoir. C’est connu, le pouvoir peut causer autant le vertige que l’ivresse.

C’est au nom de ce même mantra de la stabilité et d’une loi salique non écrite que d’autres fils de présidents, par le passé, ont réussi à prendre la place de leur père avec l’onction de la communauté internationale qui, comme le souligne Vincent Hugeux dans son nouvel ouvrage qui vient de paraître «Tyrans d’Afrique : les mystères du despotisme post-colonial», «conforte l’assise du primus inter pares parvenu aux commandes, perçu comme le garant d’une forme de stabilité».

Le cas qui se rapproche le plus de la pantomime tchadienne en termes de déroulé et de mise en scène, c’est celui du Togo. Comme avec Mahamat Déby Itno, c’est le jour-même du décès de son père, Gnassingbé Eyadema, que Faure Gnassingbé a été choisi par le Haut état-major de l’armée togolaise pour succéder à celui qui venait de passer 38 ans au pouvoir. À la seule différence qu’au Togo, le dauphin constitutionnel n’avait pas renoncé volontairement à sa charge comme au Tchad, il avait été, par une procédure d’urgence digne d’un oukase, destitué de son poste de président de l’Assemblée nationale dès le lendemain. Laissant ainsi le perchoir au jeune Faure qui, de fait, devenait le président de la République. On peut tout faire avec les textes.

Au Gabon, en 2009, le vaudeville successoral entre père et fils prendra une forme moins brute et plus policée qu’au Togo. Ici, la dévolution dynastique revêtira des atours «républicains». Aly Bongo prendra les rênes du pays via une élection présidentielle dont personne n’était dupe de l’issue, quatre mois après le trépas de son père Omar Bongo et un intérim assuré par le dauphin constitutionnel Rose Rogombé.

L’autre fils de président qui a eu à occuper le fauteuil présidentiel immédiatement après le décès de son pater, c’est Joseph Kabila de la République démocratique du Congo, en 2001. D’ailleurs, il est le premier de cordée de cette liste. Son géniteur, Laurent Désiré Kabila, tombeur de Mobutu quatre ans plus tôt, venait d’être assassiné par son garde du corps.

Sur le continent, un fils d’ancien président qui a accédé au pouvoir sans entourloupes, c’est Seretse Ian Khama du Botswana, en 2008. Et il a dû attendre 28 ans et deux régimes plus tard avant d’occuper, par la voix des urnes, le poste que son géniteur, Seretse Khama, père de l’indépendance, avait eu à occuper entre 1960 et 1980. Au Kenya, il y a eu le cas Uhuru Kenyatta, actuel lointain successeur de son père Jomo, premier président de ce pays d’Afrique de l’Est.

La persistance de la tentation du coup de force en Afrique est une réalité. Dans son livre évoqué supra, le journaliste Vincent Hugeux souligne qu’entre 1956 et 2001, le continent a été le théâtre d’environ 180 coups d’État ou tentatives de coup d’État. Et depuis ces 20 dernières années, il a été dénombré 15 putschs réussis et 12 avortés. C’est à se demander si le soleil des aventures putschistes se couchera un jour sur l’Afrique.

Elhadj Ibrahima THIAM 
Mail : thiambailo@gmail.com

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