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Dr Franck Bassambié Bationo de la Bceao: «aucun pays de l’Uemoa n’est en situation de surendettement»

Après la Conférence-actualité qu’il a animée, le 30 septembre dernier, sur le thème : « Soutenabilité de la dette publique et relance des économies de l’Uemoa dans un contexte de crise », à l’invitation du Cofeb, Dr Franck Bassambié Bationo, Directeur général de l’Économie et de la Monnaie à la Bceao, a accepté, dans cet entretien accordé au « Soleil », de revenir en profondeur sur le lien entre dette et développement surtout comment éviter le « piège » de la dette.

 

Vous avez montré comment la dette a permis aux pays de l’Uemoa d’engranger des progrès en matière d’éducation, d’accès à l’électricité ou encore de réduction de la pauvreté. Pouvez-vous nous expliquer le lien entre dette et développement ? Que répondez-vous à ceux qui disent que la dette n’a jamais développé un pays ?

Le développement d’un pays nécessite la mise en place d’infrastructures importantes, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé, des transports et de l’énergie ; ce qui contribue à l’amélioration des conditions de vie des populations. La réalisation de ces infrastructures requiert des dépenses d’investissement dont la taille dépasse souvent les ressources disponibles (recettes publiques et dons) au niveau des États. C’est ainsi que les pays s’endettent pour couvrir les besoins de financement nécessaires à la mise en œuvre de leurs programmes de développement. La dette ne peut pas développer un pays à elle seule, mais elle peut être un bon levier pour le développement, à condition de gérer, de manière transparente, les ressources empruntées et de les investir dans les secteurs les plus productifs pour la réalisation des objectifs de développement. Un endettement public doit toujours être maîtrisé et contrôlé afin de permettre au Gouvernement de poursuivre la mise en œuvre de son agenda de développement sans difficulté.

Si la dette est utile, elle cristallise beaucoup de débats et de critiques. Comment éviter le « piège » de la dette ? Et surtout quelle alternative à la dette ?

Pour éviter le cercle vicieux de l’endettement, il faut avant tout s’endetter en fonction de ses capacités de remboursement. La dette doit être, dans la mesure du possible, concessionnelle, à savoir des taux d’intérêt faibles et des maturités longues. Elle doit servir, en partie, à financer le potentiel de croissance pour permettre de disposer de plus de ressources dans le futur pour faire face aux échéances de remboursement. C’est pourquoi il apparaît important pour les pays de se doter d’une bonne stratégie d’endettement et d’un cadre performant de suivi de la dette publique.

Quant aux sources alternatives à la dette, elles concernent l’augmentation des ressources propres de l’État, notamment les recettes budgétaires et les dons octroyés par les partenaires financiers. À titre d’illustration, les recettes fiscales globales des États membres de l’Union sont ressorties à 12,8 % du Pib en 2020, contre une norme communautaire de 20 % au minimum. Des marges de progrès existent encore pour renforcer la mobilisation des ressources à l’interne surtout dans le contexte actuel de baisse tendancielle de l’aide publique au développement.

Aujourd’hui, quel est le profil de la dette publique des pays de l’Uemoa ?

 

L’encours de la dette publique totale des États membres de l’Uemoa est évalué à 50,4 % du Pib de l’Union en 2020, soit environ à 46 242,9 milliards de FCfa. La dette extérieure constitue 63,9 % du stock total, contre 36,1 % pour la dette intérieure. En outre, les informations disponibles sur l’analyse de viabilité de la dette des États membres montrent qu’aucun pays de l’Union n’est en situation de surendettement. Le risque de surendettement extérieur est modéré dans sept pays sur huit.

Beaucoup ne le savent pas, mais les récentes ressources apportées par le Fmi dans la gestion de la crise de la Covid-19 y compris la récente allocation de Droits de tirages spéciaux (Dts), constituent une dette. Pour les pays de l’Uemoa, comment se fera le remboursement et à quelle échéance ?

Comme vous l’avez souligné, les ressources apportées par le Fmi constituent une dette, mais elle est concessionnelle. Les conditions liées au remboursement et aux maturités sont les mêmes pour tous les pays bénéficiaires et sont accessibles sur le site internet du Fmi. Il en est de même pour les principes de fonctionnement des allocations Dts. Pour les ressources accordées dans le cadre des différentes facilités du Fmi en 2020 (Facilité de crédit rapide, Instrument de financement rapide…), le taux d’intérêt est nul (zéro) et la maturité est de 10 ans, avec cinq ans et demi de différé. Pour les allocations de Dts, c’est une dette très concessionnelle pour les pays de l’Uemoa avec un taux d’intérêt de 0,05 % (taux de la commission des Dts) et une maturité de 20 ans.

Depuis le début de la Covid-19, la Banque centrale, en rapport avec Umoa-Titres, a mis en place un certain nombre de mécanismes comme les Bons Covid-19, les Obligations de relance (Odr) et, plus récemment, les Bons de soutien à la résilience pour aider les États à mobiliser des ressources sur le marché domestique. Quel bilan tirez-vous de la mise en œuvre de ces mécanismes ?

Le bilan est très positif et les résultats en témoignent. Les États ont mobilisé 3235,5 milliards de FCfa en 2020 dans le cadre des Bons Covid-19 au taux de 2,65 %. Les Obligations de relance lancées en février 2021 ont permis aux États d’engranger 2658,2 milliards au taux de rendement de 5,75 %. Les Bons de résilience qui ont été lancés le 16 août 2021 ont permis de collecter 362,1 milliards au taux de 2,75 %. Tous ces instruments, initiés par le Gouverneur de la Bceao, ont permis de mobiliser des ressources importantes, à des conditions plus favorables, pour couvrir les besoins de financement résultant des mesures de riposte contre la Covid-19 et des plans de relance des États membres de l’Union. Le taux de couverture desdits instruments excède, en général, 200 %, traduisant l’engouement des investisseurs pour ces titres. Enfin, la célérité de la mise en place de ces instruments et les succès enregistrés dans la mobilisation des ressources montrent l’important rôle stratégique joué par les institutions de l’Union dans la gestion de la riposte à la crise sanitaire.

(LESOLEIL)

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