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Doublés par le Ter dakarois : Les taxis cherchent la voie

A Dakar, le Train express régional (Ter) est sur les rails. Son attractivité et l’affluence suscitée déroutent les chauffeurs de taxi de la ville et de la banlieue. Avec la baisse du nombre quotidien de clients et du chiffre d’affaires, ils pédalent dans le vent, cherchant la voie du salut. 

Le vent sec et frais souffle en cette matinée du jeudi. À Poste Thiaroye, on est déjà plongé dans la ferveur de la demie finale de la Coupe d’Afrique des Nations (Can) opposant le Burkina Faso au Sénégal. Ngoné expose des maillots verts et blancs des « Lions » à la porte de son magasin sis près du garage des taxis clandos. À côté de la commerçante, des acteurs du transport vivent déjà les instants décisifs d’une rencontre. C’est le cas d’Adama Faye dont le drapeau national fixé sur le rétroviseur flotte au gré du vent. Un autre décore le tableau de bord. Adossé au portail de son véhicule, il attend des clients pour rallier le centre-ville. Ayant déjà un à bord, il lui faut trois autres passagers pour faire le plein. L’attente est longue, mais il ne perd pas espoir. Il reste debout, le visage éclairé de temps en temps par les blagues entre camarades. « Je suis là depuis plus de 45 mn, mais je n’arrive pas à faire le plein », regrette l’homme vêtu d’un pull noir, le portefeuille attaché à la ceinture. L’origine de sa galère n’est pas à chercher loin. Il s’agit, selon lui, du garage des cars « Ndiaga Ndiaye » qui est à quelques pas et de la concurrence du Ter dont la gare est à moins de 10 mn. « Les cars « Ndiaga Ndiaye » rodent autour. L’exploitation du Ter aggrave notre situation. Nous perdons du temps et peinons à faire le plein », explique-t-il. Son analyse, dit Adama, est basée sur les confidences des clients. « Plus d’une dizaine de passagers disent préférer dépenser 500 FCfa pour rentrer en moins de 25 mn au lieu de 1100 FCfa et souffrir dans les bouchons de la circulation pendant plus d’une heure », rapporte le chauffeur de taxi.

« Le Ter nous a assommés » 

Non loin du terminus de la ligne 73, quelques acteurs du transport prennent le petit déjeuner devant une gargote. Parmi eux, le chef de garage, Mbaba Faye. La moustache poivre et sel et muni d’un cahier où il rapporte les immatriculations des véhicules, il dresse un bilan sombre des dernières semaines d’activité du garage clando. Mbaba est plus préoccupé par la baisse du nombre de véhicules qui s’inscrivent quotidiennement auprès de lui. « En moyenne, nous sommes passés de 19 à 11 véhicules ces dernières semaines. Il y a des chauffeurs portés disparus, ils ont, sans doute, préféré les courses ou ont changé d’itinéraires », explique le chef de garage.

À Dakar, le garage du « Port » est réputé pour son affluence, notamment aux heures de pointe. Ce matin, c’est le grand vide. Aucun voyageur sur place à 11 h 03 mn. Une dizaine de taxis stationnés en face de la station-service. Désemparés, les chauffeurs se rongent les ongles sous l’ombre d’un arbre. Ils ne se font pas prier pour aborder les impacts du Ter sur leurs activités. « Le Ter nous a assommés », disent-ils en chœur avant de laisser le chef de garage, Talla Diaw, porter leur parole. « Près de la moitié des chauffeurs ont quitté le garage. Ils ne peuvent pas travailler à perte. Ils circulent en ville, proposant leurs services aux différents arrêts. Force est de constater que les passagers qui rentrent en banlieue ont une préférence pour le Ter. Et nous l’avons senti dès le début de l’exploitation. Maintenant à nous d’explorer les pistes de sortie de crise », dit-il fortement appuyé par ses camarades. « Nous sommes au début de la galère. Imaginez ce que nous deviendrons lorsque le Bus rapid transit commencera à desservir des zones comme Guédiawaye et les Parcelles assainies ! », s’inquiète Ousmane Diagne.

Du temps perdu et des recettes en chute 

« C’étaient de longues files à tous les instants de la journée. On travaillait vite et bien. Mais actuellement, je peux rester plus d’une demie heure avant de faire le plein », constate amèrement Sidy Wagne. Le corps svelte couvert d’un boubou traditionnel rouge, il s’apprête à convoyer des passagers à la Place de l’indépendance. L’activité qu’il exerce depuis plus de 10 ans est au ralenti. Et sa poche en pâtit. « Il est hors de question de voyager avec deux clients. Sinon nous allons travailler à perte. Actuellement, je peine à faire six courses en une journée alors que je pouvais en faire jusqu’à neuf », témoigne Sidy.

Une baisse de régime qui a pour conséquence la baisse de ses revenus. « Hier, après l’achat de carburant, je me suis retrouvé avec 13 000 FCfa alors que je pouvais compter, en temps normal, plus de 20 000 FCfa de bénéfices », informe-t-il, le visage pâle. Talla Diaw, lui, fait part d’une chute du chiffre d’affaires de près de 45 %, empêchant ainsi plusieurs chauffeurs de son garage d’honorer le versement quotidien. « C’est dur pour tout le monde. On tire le diable par la queue », crie-t-il. Comme pour dire que « la révolution du transport par le Ter » ne fait pas que des heureux.

TALLA DIAW, CHEF DU GARAGE DU « PORT »

« Nous réfléchissons sérieusement sur un changement d’itinéraire » 

Le Ter a compliqué la situation pour un secteur qui était en difficulté, selon le chef de garage du « Port », Talla Diaw. Ainsi, souligne-t-il, les chauffeurs doivent irrémédiablement trouver une alternative. L’une des pistes les plus sérieuses est d’éviter autant que possible l’itinéraire du Train express régional. « Aujourd’hui, plusieurs chauffeurs tournent en rond parce que les gens préfèrent le confort et l’efficacité du train. Ainsi, nous songeons sérieusement à privilégier des zones comme Niary Tally, Sicap Liberté, les Parcelles Assainies, Yoff, Ngor et Almadies », explique Talla Diaw. Ce ne sera pas chose facile, selon Mbaba Faye. Le chef du garage de Thiaroye craint les embouteillages et les travaux du Bus rapid transit (Brt). « En desservant la banlieue, on comptait sur l’autoroute à péage. Pour les zones telles que les Parcelles Assainies, cela risque d’être plus compliqué à cause des travaux du Brt qui accentuent les embouteillages », craint-il. Dans ces moments de galère, Ousmane Diagne, lui, compte desservir l’axe Guédiawaye-Bambilor grâce à la Vdn prolongée. « Après le Ter, les choses risquent d’être corsées avec l’arrivée du Brt. La solution, à mes yeux, est d’exploiter la Vdn prolongée afin d’assurer le trajet Guédiawaye-Bambilor-Keur Ndiaye Lô », projette le taximan.

Une collaboration avec Seter souhaitée 

Les chauffeurs de taxi peuvent profiter pleinement de l’exploitation du Ter, selon le chef du garage du « Port ». Cela passe, selon Talla Diaw, par une collaboration avec la Société d’exploitation du Ter (Seter). Si ce partenariat devient une réalité, dit-il, un parking pourrait être aménagé dans les différentes gares pour permettre aux taximen de faire du covoiturage. « Au lieu de travailler avec la société publique Dakar Dem Dikk, la Seter peut collaborer avec les chauffeurs de taxi en aménageant pour eux des parkings. Ainsi, ils pourront convoyer certains passagers vers les zones enclavées comme l’hôpital Principal, la Place de l’Indépendance, entre autres », propose Talla.

(LESOLEIL)

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