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[DOSSIER] Le Notariat : Une profession en quête d’un nouveau souffle

L’exercice de la profession de notaire au Sénégal remonte à plus de deux siècles. Le métier est passé de « greffier notaire » à « notaire à temps plein ». L’exercice de la profession requiert des exigences, des prérequis. Le Sénégal compte actuellement 86 notaires. De 42, les charges notariales sont passées à 62 à travers le pays. Dakar en concentre 31, soit la moitié.

Le notariat a existé bien avant l’indépendance de notre pays.. Il est passé de « greffier notaire » à « notaire à temps plein ». Historiquement, la fonction de notaire découle de la loi Ventôse adoptée en France (17 mars 1803) et instituant l’officier ministériel qui est un magistrat de l’amiable, précise le Président de la Chambre nationale des notaires du Sénégal (Cnds).

Me Alioune Kâ explique que l’article premier du statut de notaire le définit comme un officier public ministériel dédié à recevoir les actes et les contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique. Le notaire assure également le dépôt, la conservation et la délivrance de copies d’actes et d’expéditions. C’est « un service public de l’authenticité », résume-t-il. À travers cette définition, indique Me Kâ, on retrouve le caractère obligatoire et facultatif de l’intervention du notaire dans certains actes : le rôle de conservateur des actes et celui de délivrance des copies des actes établis. « En matière immobilière sous peine de nullité, l’intervention du notaire est obligatoire », dit-il. Les immeubles immatriculés doivent, selon lui, faire l’objet, en cas de transaction, d’acte notarié.

« Quand un acte est notarié, il ne peut pas être contesté », assure Alioune Kâ. « Sauf dans le cadre d’une procédure spéciale qu’on appelle la procédure d’inscription de faux qui est très longue et très difficile à mettre en œuvre », précise-t-il. À l’en croire, l’intervention du notaire n’est pas obligatoire concernant les actes de prêt à usage, les testaments, etc. À la différence des avocats, les actes des notaires visent « à prévenir » les conflits. « C’est pourquoi on dit que le notaire est un magistrat de l’amiable. Il joue un rôle en amont qui peut être méconnu parce qu’il n’est pas au-devant de la scène », affirme le Président de la Cnds. Toutefois, rappelle-t-il, « vous verrez, de temps en temps, dans les procès, la présentation d’actes notariés ». Contrairement aux avocats, les notaires ne sont pas « exposés au grand public », notamment dans les juridictions. Si cette profession est peu connue au Sénégal et dans certains pays africains, ce n’est pas le cas ailleurs, constate Me Alioune Kâ, particulièrement en Europe où elle est très recourue.

 « Détenteur de deniers publics » 

Le Président de la Cnds rappelle que le notaire est également un « collecteur d’impôts ». Sur la cherté des services du notaire, il pointe les impôts qui s’adjoignent aux émoluments notariaux. Par exemple, en matière immobilière, il y a les droits d’enregistrement, de mutation, de timbre, etc. C’est la raison pour laquelle on dit, selon lui, que le notaire est « détenteur de deniers publics ». « Exercer ce métier est plus ou moins dangereux », prévient Me Kâ, car à travers les montants encaissés par le notaire, il y a l’épargne du citoyen et les taxes de l’État. C’est toute la pertinence du contrôle que subit le notaire et visant à vérifier si les comptes sont à jour, s’il accomplit légalement les actes. « S’il y a un manquement dans l’exercice du métier, il doit être mis automatiquement sous mandat de dépôt », fait-il remarquer.

Avant la création de la Caisse des dépôts et consignations (Cdc), les montants remis au notaire étaient virés au Trésor public au bout de six mois pour éviter une utilisation de l’argent à titre privé. « Aujourd’hui, les montants reçus à titre d’impôts sont automatiquement reversés à la Cdc », avance Me Kâ. Pourtant dans le passé, se souvient le notaire, des difficultés matérielles subsistaient à la Cdc qui n’était pas considérée comme un établissement financier. Elle n’était pas en mesure de délivrer des chéquiers aux usagers (notaires) leur permettant de s’acquitter des taxes d’enregistrement, de mutation, etc. L’autre difficulté, informe-t-il, était la non disponibilité du signataire des chèques. « Nous avons réglé ces problèmes avec la plateforme des opérations financières des notaires convenue avec la Cdc », se félicite le Président de la Cnds.

Contraintes et exigences d’une profession

L’exercice du métier de notaire requiert des exigences, des prérequis. D’abord, il faut être juriste et avoir un Master en Droit au moins. « La matière du notariat, c’est le droit transversal », affirme Me Alioune Kâ, précisant que le candidat n’est pas obligé à suivre le droit notarial. « En faisant du notariat, vous faîtes le droit immobilier, le droit des sociétés, le droit des familles, le droit patrimonial, etc. », explique-t-il. Sa conviction est qu’un notaire ne peut pas être carent du fait de la transversalité de la matière notariale. C’est pour cette raison que le candidat à ce métier doit être titulaire d’une Maîtrise ou d’un Master en Droit, réussir le concours d’aptitude au stage organisé, chaque année, en fonction des besoins exprimés par la Chambre nationale des notaires.

À l’issue de la formation, les stagiaires passent dans des cabinets de notaires pour parfaire leur initiation. Quant à la nomination du notaire et à la désignation d’une charge notariale, elles n’interviennent que par décret. Il s’agit là, regrette Me Kâ, de « contraintes » d’ordre juridique. Parmi les autres contraintes, figure l’obligation de prudence, de sécurité juridique, d’authenticité. « C’est vraiment une contrainte majeure puisque le notaire est considéré comme l’assureur du citoyen », dit-il.

 

 De 42, les charges notariales sont passées à 62

Le Sénégal compte actuellement 86 notaires. De 42, les charges notariales sont passées à 62 et réparties à travers le pays. Aussi, 31 sont établies à Dakar et le reste dans les autres régions. « Nous avons des notaires dans toutes les régions. Nous sommes la seule profession, en si peu de temps, qui soit dans toutes les régions du Sénégal », se félicite Me Alioune Kâ, soutenant qu’on ne peut prétendre à une charge que quand celle-ci est créée ou vacante.

Après l’existence de la charge, dit-il, le premier critère mis en avant, c’est l’ancienneté, « en règle général, bien que l’État ne soit pas tenu par cela ». Le seul hiatus demeure l’insuffisance de charges notariales parce que, souligne-t-il, « c’est un métier assez sensible et où on gère des deniers publics ». À son avis, l’ouverture des charges semble assujettie au dynamisme économique. « Plus il y a des activités économiques, plus il y a besoin de créer des charges », avance le Président de la Cnds. Toutefois, regrette-t-il, dans certaines zones de Dakar, l’activité économique ne permet pas aux notaires « de vivre de leur métier ». « Ils restent parce qu’ils ont l’obligation de rester. Il y a aussi d’autres mécanismes d’entraide des notaires, mais il faut que l’État aide la profession dans le cadre d’une subvention ou de l’aide juridictionnelle qui est captée quasiment par la profession d’avocat alors que nous assurons le service public de l’authenticité », indique Me Kâ.

Les notaires exercent la profession de plusieurs manières. « Vous avez les salariés qui n’ont pas de charge particulière, mais ils ont les mêmes responsabilités qu’un notaire plein. Le salarié peut signer les actes et recevoir les clients. Cependant, ce sera toujours sous la responsabilité du notaire titulaire. S’il y a un problème, c’est le notaire titulaire qui est responsable, sauf si c’est une faute pénale parce que la responsabilité pénale est individuelle », précise le Président de la Cnds.

À côté des notaires qui n’ont pas de charges, il existe maintenant des notaires associés qui se regroupent pour mettre sur pied une Société civile professionnelle (Scp). « Aujourd’hui, on en retrouve plusieurs, mais compte tenu de l’évolution de la loi, nous allons vers des regroupements », explique-t-il.

Un métier qui nourrit son homme si…

À la question de savoir si le notariat nourrit son homme, Me Alioune Kâ répond par l’affirmative. La preuve, dit-il, l’attrait que la profession exerce sur les étudiants en Droit. Bien qu’il soit un métier comme les autres, il faut remarquer que beaucoup de pères de famille incitent leurs enfants à passer le concours du notariat. Les cabinets de notaires étaient submergés par des dossiers de demande de stage. « Il faut faire donc preuve de compétence et de diligence dans l’exercice de la profession pour pouvoir avoir de la clientèle ; ce qui pourra vous permettre de bien gagner votre vie », souligne-t-il, précisant que les honoraires des notaires sont encadrés par un barème. C’est la raison pour laquelle, de son point de vue, celui-ci n’a pas le droit de faire n’importe quoi. « Il n’a pas la possibilité de marchander comme les commerçants. C’est pour éviter la concurrence déloyale et assurer la qualité du service public », note le Président de la Cnds.

D’après Me Kâ, il y a une péréquation entre les actes dans le tarif des notaires, déplorant ainsi l’absence de communication autour de la baisse des honoraires qui sont passés de 200 000 à 10 000 FCfa. Cette mesure vise, selon lui, « à accompagner l’État à faire venir les investisseurs ». « Maintenant qu’un client achète un bien immobilier surtout d’une certaine catégorie, il peut se retrouver à payer trois millions de FCfa d’honoraires. Mais, ces trois millions vont servir de péréquations, 10 000 FCfa pour la société et 20 000 FCfa pour la procuration. C’est un métier correct et où on peut gagner sa vie sans difficulté », explique-t-il. Le Président de la Cnds pense que le maillon faible de la profession, c’est l’absence de communication autour de l’intérêt et le coût en requérant les services du notaire. Pour y remédier, la Cnds mise, dit-il, sur les journées portes ouvertes.

L’école des notaires

Dans le cadre de l’harmonisation des règles relatives à la profession de notaire dans l’espace Uemoa, la Cnds envisage, en collaboration avec les autorités compétentes, de créer une école régionale des notaires, estimant que celle-ci sera établie au Sénégal. Au cours d’une audience, le Chef de l’État, Macky Sall, avait demandé à la Cnds de se rapprocher de la Délégation générale du Pôle urbain de Diamniadio pour l’attribution d’un terrain dédié à cette initiative. Me Alioune Kâ souligne qu’il s’agit d’un projet ambitieux qui nécessite beaucoup d’investissements. « Compte tenu de la nature et de la complexité de la matière notariale, il est important qu’on ne se limite plus à un Master en Droit, mais qu’on puisse également avoir un diplôme spécifique en matière de notariat », estime-t-il.

 

Le foncier, source de la plupart des litiges

La plupart des litiges fonciers devant un Tribunal portent sur des transactions qui n’ont pas été effectuées chez le notaire. Donc, sur des terrains qui ne sont pas immatriculés. Des terrains du Domaine national. « La loi du 17juin 1964 relative au Domaine national est devenue obsolète. Il est impératif qu’on puisse faire cette réforme du droit foncier », déclare le Président de la Cnds, rappelant que les travaux ont été effectués et des conclusions déposées sur la table de qui de droit.

Même s’il y a des choses qui sont applicables dans l’immédiat et d’autres non, Me Kâ précise que personne n’a demandé l’avis des notaires sur la mise en œuvre des recommandations. « Nous avons certes participé aux travaux de la Commission nationale de la réforme foncière, mais nous ignorons les raisons de la mise en œuvre des recommandations », insiste-t-il.

Convaincu qu’il est urgent de trouver des solutions aux terres non immatriculées, le notaire renchérit que celles-ci n’ont pas de registres. Avec la décentralisation, constate-t-il amèrement, « elles sont tombées entre des mains inexpertes », notamment certains maires qui ne maîtrisent pas souvent le droit. C’est la raison pour laquelle, fait-il remarquer, « très souvent, on peut vendre un terrain à plusieurs personnes parce que n’ayant pas été identifié ni n’ayant de carte grise ». À défaut de disposer de titres fonciers en bonne et due forme, Me Alioune Kâ prône la création de titres simplifiés, des certificats simplifiés enregistrés dans des registres pour mieux encadrer la circulation de ces biens. « La terre et l’état civil sont devenus, aujourd’hui, des poudrières. Nous sommes prêts à faire des propositions à l’État pour trouver des solutions à ces préoccupations », propose-t-il.

Les sanctions encourues en cas de faute professionnelle

Au cas où le notaire commettrait une faute dans l’exercice de son métier, il est prévu deux types de sanctions, d’après le Président de la Cnds, citant ainsi les dispositions de l’article 88 sur le statut des notaires relatif au Code de déontologie. Selon lui, ce dispositif fait état aux interdictions qui s’appliquent à l’exercice du métier du notaire. Il est interdit au notaire, directement ou même indirectement, de se livrer à des spéculations, de s’immiscer dans l’administration d’une société ou entreprise de commerce, de faire des spéculations relatives à l’acquisition et à la revente d’immeubles, de contracter des emprunts par succession de biens, de consentir avec ses deniers personnels des prêts (…), énumère Me Alioune Kâ. Celui qui enfreint les lois et règlements, précise-t-il, sera poursuivi par le Procureur général de la Cour d’appel, même s’il n’y a pas une partie plaignante.

Au même moment, dit-il, la Chambre des notaires peut infliger des sanctions (la censure) au mis en cause, le rappeler à l’ordre, etc. Il fait Savoir que si la faute est assez grave, le Ministère de la Justice peut s’autosaisir et convoquer la Commission de discipline qui proposera des sanctions comme la suspension, voire la destitution contre le contrevenant. « Il y a une classification des sanctions, tout dépend du degré de la faute », avance-t-il.

Le notaire peut manquer aux règles de déontologie ou bien ne pas respecter les règles vis-à-vis de son confrère (insultes, …). Par contre, soutient Me Kâ, s’il détourne de l’argent, le Procureur général de la Cour d’appel s’autosaisit et demande à la Commission de proposer des sanctions qui peuvent aller de la suspension à la radiation ou à la destitution définitive. En cas de manquement, prévient-il, le notaire peut être convoqué à tout moment parce que « l’immunité juridictionnelle n’est pas intégrée dans le Code de procédure pénale ». Il s’agit, rappelle Me Alioune Kâ, d’une « demande de la profession qui souhaite être régie par une loi ». Et d’ajouter : « On ne doit pas aussi permettre qu’on saisisse les comptes du notaire parce que nous gérons des deniers publics ».

(LESOLEIL)

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