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Des villages du delta du Saloum s’allient pour un développement local durable

Quatre villages du département de Foundiougne (Fatick), regroupés au sein d’une association, ont décidé de passer à une coopérative élargie à trois autres localités, pour mieux valoriser les importantes performances économiques qu’ils ont enregistrées en 13 ans, a appris l’APS.

Les villages côtiers de Dassilamé Sérère, Bani, Sourou et Néma Bah, dans l’arrondissement de Toubacouta, ont obtenu des résultats jugés remarquables dans des secteurs porteurs et dans la protection de l’environnement, grâce à une dynamique communautaire enclenchée à travers l’Association inter-villageoise de développement (AIVD), créée en 2008.

L’objectif initial de l’AIVD était la conservation, la réhabilitation et la restauration de l’écosystème de mangrove, au large de ces villages du delta du Saloum, dans un souci à la fois écologique et économique, a expliqué à l’APS, son coordonnateur Mamadou Bakhoum.
Au regard des résultats enregistrés, l’association a revu ses ambitions à la hausse, en décidant de se muer en coopérative.
“Hier on était (un) GIE, ensuite une association, aujourd’hui, on est dans un système coopératif qui s’élargit presque à sept villages du bassin versant du village de Dassilamé. Ça fait vraiment notre fierté”, a dit M. Bakhoum.
Dans le cadre de cette nouvelle coopérative, les villages de Bamako, Firdawsi et Daga Babou vont rejoindre le groupe. Ce qui porte à sept le nombre de villages membres, pour des objectifs qui concernent l’ensemble du bassin versant de Dassilamé.
“L’ambition est plus grande. Aujourd’hui, on cible au moins 3.000 à 4000 personnes à impacter nécessairement”, relève Mamadou Bakhoum, parlant de nouveaux objectifs à “moyen terme” que se fixe l’association de plus de 200 membres, devenue désormais une coopérative.
Conformément à la vision initiale, l’objectif principal de cette coopérative est de “retenir le maximum possible les gens sur le continent”, pour réduire la pression exercée sur la mangrove et sur la biodiversité marine.
Pour ce faire, les nouveaux chantiers portent sur la maîtrise de l’eau, à travers la réalisation de digues de rétention, pour récupérer les eaux de pluie dans la vallée de Dassilamé. Il est aussi prévu des digues anti-sel en aval, en vue de mettre en œuvre un programme de riziculture de vallée et d’augmenter les périmètres maraîchers.
La coopérative s’est inspirée d’une idée datant de l’époque de la deuxième Guerre mondiale, qui consistait à produire dans cette vallée des légumes destinés à la métropole française.
Elle a aussi été inspirée du projet du bas-Saloum et celui de maïsiculture de Keur Samba Guèye, a expliqué le responsable.
Il a aussi évoqué le projet sénégalo-chinois de riziculture de Toubacouta, autre source d’inspiration inscrite dans l’histoire agricole de la zone.
Fodé Diamé, responsable de la production de l’Association inter-villageoise de développement, avait indiqué en marge du séminaire annuel de l’APS, tenu le week-end dernier à Toubacouta, que la coopérative a déjà débloqué 450.000 FCFA le 30 octobre dernier, pour l’achat de semences de pomme de terre.
Elle compte ainsi aider les producteurs à être autonomes en intrants, a-t-il relevé.
Dans cette perspective, elle va acquérir les intrants nécessaires pour ensuite les revendre à ses membres avec une légère marge bénéficiaire.
Des parts sociales à hauteur de 5.000 francs CFA l’unité sont cédées à ses membres, et les bénéfices sont partagés au prorata, à la fin de l’année.
La coopérative devrait dans le même temps aider aussi à booster l’écotourisme dans le bassin versant du delta du Saloum, où l’association a déjà construit un campement et reçoit des touristes, des étudiants et chercheurs.
En plus de la préservation de la mangrove, l’Association inter-villageoise de développement a développé des projets d’apiculture, d’ostréiculture, d’horticulture et d’arboriculture, contribuant à augmenter les revenus des villageois.
La structure a commencé par des actions de régénération naturelle assistée (RNA) de la mangrove. “Aujourd’hui, nous avons réhabilité 97 hectares dans un rayon de 15 km”, où des “poches de dégradation sont comblées et fermées”, a dit le coordonnateur de l’AIVD.
L’association a en outre aidé au curage de 200 mètres de chenaux, qui étaient ensablés, en vue de contribuer à restaurer et à faire revenir la biodiversité.
Consciente de l’ampleur des défis auxquels elle se trouvait confrontée, l’Association qui a vu le jour dans le seul village de Dassilamé Sérère, a privilégié des actions portées par les communautés, pour intéresser le plus grand nombre.
“Très vite, on s’est rendu compte que les actions de réhabilitation sans les populations ne pouvaient prospérer”, se souvient Mamadou Bakhoum.
“Avec les autres villages, nous partageons les mêmes chenaux, les mêmes bolongs, les mêmes zones de pêche, de cueillette de fruits de mer, donc il faut aller ensemble nécessairement pour gérer ces espaces-là”, explique-t-il.
L’élargissement de l’association s’est fait naturellement, tout le monde étant conscient selon lui de la nécessité d’agir face à la rapide dégradation de l’environnement dans la zone.
Classé au patrimoine mondial de l’Unesco, le delta du Saloum, une des plus belles baies du monde, est considéré comme un “laboratoire du changement climatique”, vu les mutations notées dans sa biodiversité, estime Mamadou Bakhoum.
La zone a accueilli la première aire marine protégée (AMP), celle du Bamboung, dont le postulat de départ consistait à créer “un effet de source” et “un effet de débordement”.
L’idée était d’en faire un lieu de reproduction de diverses espèces de poissons pour qu’ils repartent peupler d’autres endroits en haute mer. Ce qui ne s’est “pas confirmé”, selon deux études successives évoquées par Mamadou Bakhoum.
 “On a choisi des activités qui ont des fonctions à la fois écologiques et économiques”, a-t-il expliqué, ajoutant que les populations ont, à partir de leurs “besoins clairement définis”, choisi la forme d’organisation qui “répond le mieux à leurs préoccupations”.
En s’ouvrant aux villages voisins, l’association qui a obtenu son récépissé en 2010, s’est lancée dans l’apiculture de mangrove, qui lui a valu des résultats encourageants, au point que son produit a été désigné “meilleur miel de la sous-région” en 2002-2003.
Avec l’appui de l’ONG Wetland International, qui avait mis 200 à 250 ruches à sa disposition en 2014, lesquelles ont été ensuite distribuées dans les villages, l’association se retrouve en moyenne avec une production annuelle de “400 à 800 kg” de miel.
Une miellerie a été installée pour un équipement de 15 millions de francs CFA, en vue d’obtenir un produit de qualité.
Ce miel très prisé se vend à 5.000 francs CFA le kilo, contribuant à l’augmentation du revenu des populations, note Mamadou Bakhoum.
Une ostréiculture de mangroves, utilisant des perches et des guirlandes, des méthodes jugées moins néfastes, a été promue, pour remplacer la pratique traditionnelle consistant à couper les tiges de mangrove auxquelles s’accrochent les huîtres.
Face à la faible rentabilité des huîtres séchées ou cuites, l’Association inter-villageoise de développement a décidé d’explorer le marché “très intéressant” des huîtres fraîches. En s’inspirant de ce qui se fait à Somone, l’AIVD a installé avec l’aide de partenaires, tout un dispositif d’amélioration de la qualité, dont un centre de dégorgement réalisé en 2020.
Il s’agit d’une infrastructure où les huîtres sont amenées à cracher toutes les matières nocives ingurgitées, pour plus d’hygiène. Grâce à cette professionnalisation, les producteurs concernés arrivent à écouler “toute leur production” dans les hôtels de Mbour, Somone et Dakar, explique M. Bakhoum.
“Cette année (2021), la production finie, tous calibres confondus, tourne autour de 3,7 tonnes, pour des ventes de l’ordre de 15 millions de FCFA”, renseigne le coordonnateur de l’AIVD.
Selon lui, toutes ces filières très porteuses permettent à la fois de régler des problèmes écologiques et économiques, et de mieux fidéliser les communautés aux objectifs de conservation, de restauration et de gestion des écosystèmes.
Sur le continent, l’AIVD exploite un périmètre maraîcher de 13 ha, comme “alternative à l’exploitation abusive de la mangrove”. Cette superficie est découpée en 659 parcelles, que l’association sous-loue aux femmes, a relevé Fodé Diamé, responsable de la production.
Avec l’argent collecté, l’AIVD amortit les 21 puits et 45 bassins réalisés à l’intérieur du périmètre, dont une partie a été équipée l’année dernière d’un système de pompes solaires par le Projet d’appui à la résilience des filières agricoles (PARFA), financé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM).
L’année dernière, en 2020, une production de 187 tonnes de légumes a été enregistrée sur cette superficie, selon son coordonnateur, Mamadou Bakhoum.
Parallèlement, une production de plants a été lancée, à travers une pépinière communautaire, avec une priorité accordée aux arbres à perche comme l’eucalyptus.
Cette pépinière collective s’est scindée en des pépinières individuelles privées, dont les plantes sont rachetées aux producteurs pour être utilisées comme piquets dans la pose de guirlandes autour de la mangrove.
Lors de la dernière campagne avec le projet de Wetland, une valeur de 2 millions de FCFA a été dépensée pour acheter ces arbres que les villageois avaient reboisés trois à quatre ans auparavant. Ce qui permet de réduire la coupe des perches de mangrove, tant convoitées.
Les 70.000 hectares de mangrove du delta du Saloum contribuent à la fois au ralentissement de l’avancée de la mer, à la reproduction des poissons et offrent un dortoir à des milliers d’oiseaux marins.
(APS)

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