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Déficit d’oxygène dans les CTE : Les gaziers offrent un bol d’air

Les gaziers du Sénégal comptent appuyer l’Etat dans la lutte contre la Covid-19, en fournissant suffisamment d’oxygène aux centres de traitement épidémiologiques (CTE). Ils ont établi hier leur capacité de production. Reportage.

L’oxygène est sur toutes les lèvres. Ce liquide très précieux et vital est devenu une denrée rare, à cause de la Covid-19. Il est recherché partout et par tous. Au Sénégal, depuis quelques semaines, sa disponibilité fait l’objet de débat. Beaucoup assimilent le taux de décès élevé à une rupture ou absence d’oxygène, ce, malgré les moult assurances de l’Etat. Ce qui a obligé, hier, le ministre de la Santé et de l’Action sociale à faire le tour des gaziers : Sahel Gaz, Molécule gaz, Oxy Sen et Air Liquide, pour voir, de manière globale, la situation en termes de processus de production, mais aussi en termes de stockage.

Nichée au domaine industriel de Dakar (Sodida), Sahel Gaz œuvre, depuis 30 ans, dans la production d’acétylène et de l’oxygène industriel et médical. Compte tenu de la situation pandémique, l’entreprise a décidé de réserver, sur la production et le stock disponible, de l’oxygène à la riposte sanitaire dans les centres de traitement épidémiologiques (CTE) et dans le secteur privé.

Son directeur général, Ahmadou Sène, assure qu’ils ont la capacité de vaincre cette maladie. ‘’Entre la première et la deuxième vague, nous avons fait un investissement de plus de 150 millions sur des bombonnes de gaz, pour répondre à la demande. En plus de cela, nous satisfaisons la plupart de nos partenaires, soit 100 %, qui sont dans le domaine d’oxygène médical. Que cela soit les privés ou les hôpitaux publics’’, explique M. Sène.

Ce dernier en a profité pour démentir les rumeurs selon lesquelles le prix de l’oxygène aurait augmenté. ‘’On est une entreprise 100 % sénégalaise qui travaille très dur pour atteindre ses objectifs. Le prix de l’oxygène médical n’a pas subi une hausse, depuis 2009. Aujourd’hui, avec les partenaires avec qui nous travaillons, nous avons maintenu les mêmes prix et les conditions de vente n’ont pas changé. Au nom de tous les gaziers du Sénégal, je voudrais démentir cela devant le ministre. Les mêmes prix appliqués, depuis plus de 10 ans, sont maintenus pour la vente de l’oxygène au Sénégal’’, précise-t-il.

Après Sahel Gaz, cap à Air Liquide Sénégal, une société située à Colobane. Les lieux sont impraticables. L’allée principale de la société est couverte d’eau pluvieuse. A l’entrée, des bombonnes de gaz sont bien visibles. Ici, il est interdit d’utiliser son téléphone. Tout est gaz et bonbonnes. Avant même d’entamer la visite, il recommence à pleuvoir. C’est sous la pluie que la visite s’effectue.

Air Liquide est une industrie de production, de conditionnement et de distribution de gaz industriel. La société est également mise à contribution dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. Son DG, Souleymane Fofana, informe que l’entreprise livre aux CTE un besoin qui couvre 15 jours d’utilisation et souligne, ainsi, que la demande est multipliée par cinq. ‘’Nous allons recevoir, dans trois jours, deux Uso de la Côte d’Ivoire et deux autres de Paris. La chaine d’approvisionnement est rodée, pour amener, chaque semaine, deux Uso. Avant, c’était deux Uso par 10 jours. Mais aujourd’hui, c’est deux Uso par semaine. C’est ce qui nous permet de livrer, tous les jours, 2 500 m3 d’oxygène aux CTE et 200 pour les cliniques. Ce qui fait une capacité de 2 700 m3 par jour. La demande est en train de croitre, mais nous sommes en train de nous organiser’’, rassure M. Fofana.

‘’Nous sommes là pour sauver des vies’’

A cause de la pluie matinale, l’étape Oxy Sen a été dantesque. Les rues étaient inondées par les eaux de pluie. Là où il n’y avait pas d’eau, il y avait de la saleté. Après quelques kilomètres de route, voilà Pikine. Le département accueille la société. Une entreprise très aérée et propre. Cette société sénégalaise, gérée par Zayad, existe depuis environ 10 ans. Elle évolue, également, dans le domaine industriel et médical. Sa production sera entièrement dédiée au domaine médical.

‘’Nous sommes là pour sauver des vies. Nous allons continuer dans ce sens jusqu’à nouvel ordre. On est entre 65 et 70 m3 par heure. On a une capacité de production, en prenant en compte les aléas, la maintenance, de 1 300 m3 par 24 heures qui sont foncièrement dédiées au domaine médical’’, renseigne-t-il.

Après le département de Pikine, le convoi se rend à km 50, sur la route de Thiès où s’est établie Molécule Gaz. Une entreprise spacieuse, calme et très salubre. Cette société a une trempe de 130 ml d’oxygène. Cela veut dire, explique son directeur général Mamadou Ndiaye, qu’ils sont capables de produire 150 000 m3 d’oxygène tous les mois. ‘’Nous avons une vitesse de fonctionnement, avec la demande actuelle, d’un taux de 80 mille m3. C’est-à-dire que nous sommes à la moitié de la capacité de production que nous avons. On a 50 % de potentiel supplémentaire. En termes de bouteilles, on fabrique actuellement 250 bouteilles par jour. Mais notre capacité peut aller jusqu’à 500 bouteilles par jour’’, renseigne M. Ndiaye.

En plus de cela, Molécule Gaz dispose d’une pompe d’oxygène qui fait 200 m3 par heure. Celle-ci leur permet d’avoir cette capacité de 500 bouteilles par jour. L’entreprise a l’un des plus gros stocks de rack au Sénégal. Elle dispose de 50 racks d’oxygène en circulation. ‘’Nous avons 50 autres rack d’azote qu’on peut muter, si nécessaire, en oxygène. Pour l’instant, ça n’a pas été fait ; on va analyser la situation du ministère’’, précise-t-il.

De l’avis de Mamadou Ndiaye, seulement Molécule Gaz et Air Liquide produisent de l’oxygène à partir d’oxygène liquide. ‘’Un litre d’oxygène liquide, c’est 850 litres de gaz. C’est hyper concentré. Cela donne beaucoup d’avantages, quasiment pas de maintenance (les installations sont automatiques), beaucoup d’autonomie et des coûts de production réellement optimisés. C’est un avantage très important. Dans les pays modernes, c’est l’oxygène liquide qui est mis en avant, grâce aux avantages que ça donne’’, informe le DG.

‘’Il n’y a aucune restriction sur l’oxygène’’

A la question du ministre Abdoulaye Diouf Sarr de savoir s’il n’y a pas de risque sur la disponibilité de l’intrant de l’oxygène liquide, Mamadou Ndiaye rassure qu’il n’y a aucun risque. ‘’Il n’y a aucune restriction sur l’oxygène. Nos fournisseurs sont en Europe et partout. Ne vous inquiétez pas. Le seul problème que nous avons, c’est de pouvoir sécuriser financièrement l’achat des stocks. C’est le seul’’, soutient-il.

Au terme du périple, le ministre de la Santé s’est dit rassuré par la quantité de la production en oxygène au Sénégal. ‘’L’oxygène est produit par les gaziers sénégalais. En tout état de cause, il faut qu’il y ait une bonne coordination entre le ministère et ses partenaires pour que, du point vue logistique, de l’organisation, de l’approvisionnement et de la livraison, qu’il n’y ait pas d’écart qui puisse être préjudiciable aux patients. Nous allons réussir cela, parce que nous faisons confiance à nos partenaires et nous avons une excellente équipe qui travaille pour faire en sorte qu’à date, l’oxygène arrive au niveau des CTE dans les meilleures conditions’’.

Avant d’ajouter : ‘’Nous sommes satisfaits de ce que nous avons vu sur le terrain, après la réunion d’hier qui a permis de mettre en place un cadre de collaboration pour l’oxygène qui sera réservé à la lutte contre la Covid-19.’’

Il a salué l’engagement des gaziers. Ces derniers ont promis de conserver l’ensemble de la production pour la lutte contre le Covid-19, mais aussi d’aider l’Etat dans l’organisation logistique pour empêcher la rupture au niveau des structures de prise en charge. De l’avis d’Abdoulaye Diouf Sarr, cette riposte est nationale ; tous les citoyens doivent effectivement contribuer. ‘’À ce niveau-là, j’ai été très impressionné par leur patriotisme. Aujourd’hui, nous sommes dans une riposte où l’Etat va réguler de manière globale l’oxygène médical pour le public comme pour le privé’’, dit-il.

ABDOULAYE DIOUF SARR

‘’L’oxygène livré aux CTE du privé sera gratuit pour le malade’’

Les malades de Covid traités dans les centres de traitement épidémiologiques (CTE) du privé vont pousser un ouf de soulagement. Il n’est plus question pour eux de payer l’oxygène. L’annonce a été faite, hier, par le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr. En visite chez les gaziers, il a informé que, sur instruction du chef de l’Etat, toutes les structures privées qui ont des CTE, à l’instar des structures publiques, bénéficieront d’un approvisionnement en oxygène. Ce qui va beaucoup soulager les patients qui ne verront plus dans leurs factures la ligne oxygène. Ce qui va rendre l’offre plus accessible.

‘’L’oxygène à livrer aux CTE qui sont dans le privé, sera gratuit pour le malade. Autrement dit, l’Etat va prendre cette partie de la facture aux privés, donc, livrer gratuitement l’oxygène aux CTE privés, pour que le malade, hospitalisé au niveau du privé, voie dans sa facture défalquée la partie oxygène. Cela va largement et beaucoup soulager nos compatriotes qui se soignent dans le privé’’, annonce-t-il.

De l’avis du ministre Abdoulaye Diouf Sarr, le chef de l’Etat est dans la logique de ne ménager aucun effort pour que, dans le cadre de la riposte, ce qui doit être fait soit fait dans les meilleures conditions. ‘’La visite de ce matin est une visite d’appréciation directe de ce qui se fait sur la question de l’oxygène. Nous allons poursuivre ce combat. Lors de la première et deuxième vague, nous avons remporté la bataille par la détermination des populations sénégalaises’’, souligne-t-il.

Pour rappel, le ministre a reçu, lundi, les gaziers. Au cours de la rencontre, ils ont décidé de réserver la production et le stock disponible d’oxygène à la riposte sanitaire dans les CTE et dans le secteur privé. ‘’Nous avons fait un courrier adressé à ces gaziers pour que des dispositions à leur niveau soient prises pour une bonne prise en charge. Autre élément important, c’est que ces gaziers qui, parce que produisant le premier médicament dans le plan de la riposte, sont désormais invités à nos réunions hebdomadaires. Cela va leur permettre d’apprécier ce qui est en train de se faire, pour pouvoir éventuellement être dans la dynamique du Comité national de gestion des épidémies (CNGE)’’, soutient-il.

(ENQUETE)

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