A la UneAgricultureAgro-industriePortraits & ItinérairesSénégal

Découverte – Un entrepreneur agricole dans son terroir : Babacar Mbaye trace son sillon dans le Cayor

Coordonnateur de la Fédération des associations de développement communautaire (Fadec) dans la zone Sud depuis 2016, Babacar Mbaye est un homme de développement, qui a réussi à se fixer dans son terroir. En cette campagne agricole, Le Quotidien est allé à la rencontre de cet homme affable du Cayor, qui ne passe pas inaperçu dans sa zone.

Réussir sa vie, c’est savoir faire des choix. Cet adage, Babacar Mbaye, entrepreneur agricole à Mékhé dans le département de Tivaouane, l’a bien assimilé. Après une scolarité arrêtée au cycle secondaire, Mbaye, âgé aujourd’hui d’une cinquantaine d’années, s’est lancé dans le mouvement associatif avant de s’engager de 1996 à 2002 dans le développement par le biais de l’Ong Vision mondiale, où il s’est forgé en tant qu’acteur du développement communautaire. En enfant du monde rural et fils de paysan, Babacar Mbaye décide de s’adonner à ce qu’il savait faire le mieux, l’agriculture. Cela, pour aider ses parents qui souffraient de la qualité des semences mais aussi de la vétusté des équipements agricoles.
Le soleil est au zénith quand nous sommes arrivés au village de Maka Sarr, commune de Mérina Dakhar. Un calme olympien régnait sur les lieux et sans peine nous avons pu trouver le chemin menant à l’exploitation des femmes du Gie Bokk Doolé qui regroupe 800 femmes. Sur un vaste espace maraîcher, des femmes sont à la tâche, arrosoirs dans les mains. Accroupie à même le sol, Maty Sarr, taille moyenne, est en train de déterrer une pastèque dans une planche. C’est la maîtresse des céans. Après les salamecs d’usage, elle nous fait signe de nous installer à l’ombre d’un grand Kadd qui trône sur les lieux et sous lequel se trouvent une centaine de femmes qui travaillent dans le périmètre maraîcher de 3ha. «Je suis la présidente du périmètre maraîcher. Nous cultivons de la salade, du chou, de l’oignon, de la patate, de la carotte, de la pastèque, du maïs, de l’aubergine, du piment, bref, nous cultivons tous les légumes dans ce périmètre maraîcher», nous fait-elle savoir au cours d’une discussion engagée pour faire passer le temps en attendant l’arrivée du maître des lieux. Lequel n’a d’ailleurs pas mis de temps pour venir et se mettre à notre disposition. Mis, à l’avance, au parfum de l’objet de notre visite, Babacar Mbaye ne se fait prier pour nous présenter l’exploitation agricole qui entre dans le cadre du projet de sécurité alimentaire exécuté par la Fadec sur financement d’Afri­can development foundation aux Etats-Unis (Usadf). «C’est à partir d’une enquête que nous avons menée, quand j’ai été nommé en 2016 coordonnateur de la Fadec, une organisation paysanne qui intervient dans 21 communes, 4 départements et 334 villages et créée en 1998, qu’on s’est rendu compte qu’il y avait une insécurité alimentaire alarmante et un manque d’eau criard dans notre zone. Et à partir de là nous nous sommes lancés dans la recherche de partenaires pour le développement de cette zone. Et nous avons rencontré Usadf, suite à un appel à candidature. Lequel a sélectionné le projet pour l’autonomisation des femmes de Maka Sarr. Nous avons ensuite monté le projet qui a démarré en 2015. Et aujourd’hui le village de Maka Sarr est vraiment très performant pour avoir des résultats qui ont motivé les partenaires américains à faire des refinancements.»
Un projet qui ne se limite pas au maraîchage, selon Babacar Mbaye, qui note qu’il y a un projet de banque céréalière. Il s’agit en effet, des magasins où sont stockés des vivres de mil, du maïs et du riz. Et le mil est racheté à partir des paysans, le riz quant à lui est approvisionné à partir du marché local. «En période de soudure à partir du mois de juillet, on redistribue ces vivres aux populations pour leur permettre de mener à bien leur campagne hivernale. Aussi nous allons assurer la disponibilité et l’accessibilité des semences du riz dans ces villages.» A la question de savoir s’il est facile de faire de l’agriculture dans une zone continentale comme le Cayor, Babacar Mbaye confie : «C’est très difficile de faire du maraîchage dans une zone continentale où l’accès à l’eau est des plus problématiques, ce n’est pas évident. Mais il nous fallait entreprendre pour sortir de l’oisiveté dans laquelle les femmes se morfondaient.»
L’engagement et la détermination de Babacar à surmonter les épreuves, a en effet permis aux femmes de résoudre les besoins en eau. Alors, il a mené une étude, facilitée par une Ong néerlandaise. Laquelle étude lui a permis de répertorier 300 forages réalisés par Vision mondiale et délaissés par les populations. Il a récupéré ces forages en y installant des plateformes solaires. Lesquels forages, par un système de canalisation adapté, alimentent les bassins construits dans les exploitations pour les besoins en eau. Ainsi, de fil en aiguille, les exploitations ont commencé à prospérer pour intéresser les femmes des villages voisins et même d’ailleurs. «De trois ha à Maka Sarr au tout début, nous exploitons aujourd’hui 4 autres ha dans les villages de Ndom­bile, Thiekere, Coki Diop et Mbaro où travaillent des centaines de femmes qui assurent désormais leur sécurité alimentaire. Aussi elles sont devenues autonomes parce qu’elles se font un peu d’argent pour faire face à leurs besoins quotidiens.»
Aussi Babacar Mbaye ne manquera pas de saluer l’appui et l’accompagnement technique de l’Association de conseil pour l’action (Aca), à qui il doit presque toute la formation des femmes en matière agricole. «Elles ont bénéficié de nombreuses séances de formation.» Toutefois il y a un hic. Les femmes font face à des difficultés pour stocker et commercialiser leurs produits, parce qu’étant dans des zones très enclavées. Mais malgré ce problème, les membres du Gie Book Gie Bokk Doolé arrivent à s’en sortir. «Les femmes qui pratiquent le maraîchage dans cette zone sont devenues autonomes financièrement. Rien que pour le piment, elles ont fait une production de 25 millions de francs lors de la dernière campagne. Egalement, sur le plan nutritionnel aussi, elles sont autonomes puisqu’elles consomment des légumes frais.» Pour dire simplement que «la sécurité alimentaire est assurée dans cette zone», où la Fadec parvient également à faire dans le social. «Nous avons fourni de l’eau aux populations pour la construction de la mosquée de Maka Sarr.»
Cependant, il ne manquera pas de soulever certaines difficultés relatives aux matériels agricoles. Il souhaite un appui pour faire bénéficier aux femmes des tracteurs pour le labourage du sol mais aussi le système d’irrigation. Il veut également une dotation en petit matériel pour résoudre la pénibilité du travail des femmes. Surtout qu’il songe étendre le périmètre maraîcher de Maka Sarr en y introduisant des volets comme l’élevage et l’aviculture. Mais également de s’investir dans la santé pour une meilleure prise en charge des femmes rurales.

(LEQUOTIDIEN)

Dans la même rubrique

Laissez un commentaire

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que cela vous convient, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus