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Covid-19, situation des entreprises, contenu local,… : Baïdy se jette à l’eau

Le président du Conseil national du patronat a, juste avant de s’envoler à Paris pour prendre part à la Rencontre des entrepreneurs francophones, voulu échanger avec «Le Quotidien» sur la situation économique plombée par le Covid-19 et les mesures prises, aussi bien par l’Etat que les opérateurs économiques, pour y faire face.

La situation sociale et économique est toujours dominée par la pandémie du Covid-19. Le Cnp préconise-t-il des mesures particulières aux entreprises pour leur permettre d’y faire face, à côté des instructions de l’Etat ?
Depuis le début de la pandémie Covid-19, notre Confé­dération patronale, le Cnp, s’est particulièrement investie pour contenir les impacts négatifs sur les entreprises et l’ensemble de l’économie sénégalaise. Dans ce cadre, nous avions deux soucis majeurs, à savoir, premièrement la continuité des activités économiques, et deuxièmement la protection sanitaire en milieu professionnel. Toutes nos recommandations ainsi que nos actions portent essentiellement sur ces deux points cités.
Concernant la continuité des activités économiques, nous avons apporté l’appui nécessaire aux entreprises au regard de leurs préoccupations et difficultés majeures ayant trait au financement des activités productives, à la fiscalité intérieure et de porte, ainsi qu’à la législation du travail. Si vous vous souvenez bien, dès le mois de juin 2020, soit 3 mois après le début de la pandémie, j’avais déjà attiré l’attention sur les risques d’une gestion des urgences sanitaires et des priorités budgétaires de l’Etat pouvant engendrer des effets collatéraux sur les entreprises.
Avec le ministre des Finan­ces, Abdoulaye Daouda Diallo, nous avons fait, il y a 2 mois, le point pour apporter une réponse aux difficultés rencontrées par les entreprises. Cela nous a permis de traiter plusieurs questions, notamment celles relatives à la dette intérieure, la délivrance des titres d’exonération pour les entreprises agréées au Code des investissements, les nouvelles taxes sur l’industrie inscrites dans la Loi des Finances initiale 2021, la déductibilité de la Tva sur les services étrangers, la suite réservée au statut des entreprises franches d’exportation devant arriver à terme au mois de décembre de cette année, l’élargissement de l’assiette fiscale avec le plan «Yaatal», la généralisation de la dématérialisation avec les télé-déclarations et télépaiements, les crédits d’enlèvement des transitaires et l’audit du système informatique douanier.
Sur la problématique du financement des entreprises au regard de leurs besoins en fonds de roulement et d’investissements, un travail de fond a été fait avec le ministre de l’Economie Amadou Hott. Dans le cadre du suivi de ce dossier, j’ai été informé qu’il ne reste à régler que des formalités juridiques entre l’Etat et l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (Apbef). J’ai insisté qu’il est important que les entreprises puissent bénéficier le plus tôt possible du dispositif financier du PAP2A.
Et pour ce qui est des échéances fiscales et sociales, les administrations concernées ont été suffisamment sensibilisées pour faire preuve de flexibilité en cas de difficultés justifiées.
Si nous en venons maintenant au second point portant sur la gestion sanitaire en milieu professionnel, le Cnp a réalisé une étude sur les enjeux et perspectives du télétravail au Sénégal auprès de 234 entreprises. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une cérémonie de présentation officielle, mi-juillet 2021, au ministre du Travail, Samba Sy, ainsi que d’une publication «L’Œil Ouvert des Employeurs sur le Télé­travail» avec des recommandations et propositions soumises à l’attention de l’Etat et des Partenaires sociaux. Ce travail approfondi réalisé par le Cnp avec le concours du Bit, est une première en Afrique subsaharienne. Il vise essentiellement d’une part, à combler le vide juridique et réglementaire du télétravail dans les Con­ventions collectives et le Code du travail au Sénégal, et d’autre part, à permettre les ajustements sociaux et de flexibilité au travail indispensables pour la continuité des activités des entreprises et la protection des travailleurs.
Je précise aussi que les Comités d’hygiène et de sécurité au travail dans les entreprises sont très actifs dans la lutte contre la pandémie. Et à ce titre, j’invite les travailleurs à se faire vacciner et à respecter les recommandations réglementaires du dispositif sanitaire en milieu professionnel. C’est ensemble que nous pouvons protéger notre capital humain si précieux, leurs familles et notre population.
Je souligne également qu’au-delà de l’employeur-privé, les départements mi­nis­tériels ont également un grand rôle à jouer dans la sensibilisation sur le Covid-19 et l’évaluation des impacts dans leurs domaines de compétence.
Nous vivons, avec ce virus Covid-19, des moments très difficiles. Les entreprises sont fortement impactées et les employeurs, les travailleurs ainsi que notre population, particulièrement affectés et éprouvés. Cependant, c’est toujours dans la solidarité et avec la foi que l’on surmonte les grandes épreuves de la vie. Ayons une vision prospective d’un lendemain meilleur pour tous.
Je voudrais également présenter mes sincères condoléances aux familles éplorées de nos collègues chefs d’entreprise, Abdoulaye Elimane Dia et Modou Mamoune Samb, qui viennent de nous quitter. Deux grandes pertes si brutales pour le monde de l’Entreprise.

Malgré la crise sanitaire, le gouvernement prévoit une relance qui produirait un taux de croissance d’un peu plus de 4%. ­, le secteur privé semble afficher une certaine morosité, selon les enquêtes. Comment expliquez-vous cela ?
Je ne parlerais pas de morosité, mais plutôt d’inquiétudes pouvant se justifier lorsqu’un chef d’entreprise subit des baisses substantielles de chiffres d’affaires et de fortes tensions de trésorerie liées à cette évolution incertaine des marchés national, régional et international avec ce virus.
Vous savez, la situation était déjà très préoccupante l’année dernière avec comme conséquences des fermetures d’entreprises, des cessations partielles d’activités, ainsi que des effectifs importants mis en chômage technique et/ou faisant l’objet de licenciement économique.
L’année 2020 a été extrêmement difficile pour les entreprises. Et il convient de noter aussi que les emplo­yeurs ont été particulièrement résilients et soucieux du devenir de leurs travailleurs. N’oublions pas que durant la période de l’ordonnance présidentielle sur la mise en chômage technique, il était déjà recensé 428 entreprises en difficulté qui ont eu à mettre en chômage technique 16 517 travailleurs et en leur payant même dans l’inactivité totale, 70% des salaires !
Cette forte résilience des chefs d’entreprise a permis de réduire substantiellement le nombre de dépôts de bilan. Sinon il y’aurait eu des impacts encore plus négatifs sur le taux de croissance de 2020 et les perspectives en 2021. En effet, en 2020, la bonne gouvernance du secteur privé a pu limiter à 233 le nombre de fermetures d’entreprises et à 1662 les pertes d’emplois.
Pour rappel, les projections de croissance 2021 du Fmi pour notre pays sont de 3,7%. Je pense que nous pouvons atteindre plus de 4%, si nous avons un bon hivernage, une bonne gouvernance sanitaire de la pandémie au niveau national, et un soutien conséquent à notre secteur productif. Je rappelle que le Fmi nous dit que la fracture de la reprise économique mondiale va se creuser entre les pays en fonction de l’évolution de la pandémie sanitaire et de la dépendance extérieure des économies nationales.
Sur le soutien à apporter à notre secteur productif, notre secteur du tourisme, au regard de sa forte contribution au Pib, doit être une priorité et ce d’autant plus que la prochaine saison touristique est déjà là…
Pour le secteur industriel, je suis heureux d’apprendre la décision du chef de l’Etat de tenir au mois de septembre un conseil présidentiel sur l’industrie. Sauf omission de ma part, je n’ai pas souvenir de la tenue d’un conseil présidentiel ou interministériel sur l’industrie depuis une très longue date. Or, je rappelle que l’industrie, partout dans le monde, est le premier pourvoyeur de valeur ajoutée nationale et d’emplois durables.
Quant à la commande publi­que, elle doit poursuivre sa croissance exponentielle surtout en période de crise. Je rappelle que la seule demande des soumissionnaires privés est de savoir : «Tu me payes une fois la prestation réalisée pour me permettre de présenter ma meilleure offre ?» Ce qui signifie qu’il suffit que les parties contractantes se parlent et respectent leurs engagements.
Si je prends maintenant le numérique, voilà un secteur où il existe de réelles compétences nationales. Nous n’avons plus besoin de l’importer. Optic va d’ailleurs tenir au mois de septembre 2021, le premier Salon virtuel de l’économie numérique en Afrique subsaharienne.
Pour le secteur de la santé, reconnaissons la qualité de la plate-forme médicale privée et accompagnons-le davantage dans le cadre du partenariat public/privé. Je suis heureux de voir que le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, est aussi dans cette dynamique. Il nous faut capter toutes les opportunités de financement offertes avec cette pandémie. C’est important… La pandémie Covid-19 a montré cette urgence d’avoir notre souveraineté sanitaire, et à cet effet, les privés nationaux sont invités à plus de manifestations d’intérêts et à investir dans ce secteur. Le gouvernement a annoncé la production prochaine de vaccins anti-Covid par le Sénégal. Nous montrons ainsi que notre pays a une réelle capacité d’anticipation.
Je pense même qu’au niveau continental, le chef de l’Etat pourrait, dans le cadre de son prochain mandat à la présidence de l’Union Africaine, accorder une priorité à la souveraineté sanitaire de l’Afrique.

Malgré un certain reflux économique, les banques affichent une remarquable bonne santé. N’est-ce pas paradoxal ?
Tout d’abord n’oublions pas que les banques sont aussi des entreprises, donc soumises à des objectifs de performance comme toutes les autres entreprises. Ceci étant, leurs activités sont en plus soumises à une réglementation bancaire au regard de leur sensibilité sur l’économie nationale et communautaire.
Il semble en effet qu’elles aient enregistré en 2020, une progression globale de 1,3% de leur produit net bancaire. Ce n’est pas énorme…. Ce que je retiens surtout, c’est l’effort consenti par les banques pour accompagner les entreprises impactées par le Covid-19 à travers les reports d’échéances et leur participation aux titres d’Etat des Trésors publics de l’Uemoa.
Ce qui est urgent aujourd’hui, c’est qu’elles facilitent davantage l’accès au crédit à des conditions soutenables aux entreprises en fonction de leur taille.

Le chef de l’Etat insiste fortement sur l’implication du privé dans les réalisations du PAP2A. Cette volonté a-t-elle déjà connu un début de concré­tisation ?
Vous avez raison de souligner que l’engagement du chef de l’Etat pour son secteur privé national est parfaitement visible… Il y a en effet les directives présidentielles, les nouvelles lois et nouveaux décrets, les réformes sur l’environnement des entreprises, et cette oreille attentive qu’il porte aux investisseurs nationaux. Mieux, le chef de l’Etat nous invite à nous regrouper pour la contractualisation des grands projets structurants.
Il y a en effet des débuts de concrétisation dans les secteurs comme les énergies, le pétrole et les infrastructures d’une façon générale. Cepen­dant, il faut bien comprendre que dans le monde des affaires et la réalisation d’investissements privés, nous privilégions en général la discrétion et la transparence…
Maintenant par rapport aux projets inscrits dans le PAP2A, il serait bon qu’une évaluation d’étape soit faite pour mieux apprécier les réalisations. Après cette première année d’exercice, toute évaluation serait la bienvenue.

Les entreprises ont-elles commencé à recruter les jeunes dans le cadre du programme d’urgence pour l’emploi des jeunes ?
Bien que le dispositif ne soit pas encore à 100% opérationnel, je dois dire que d’ores et déjà dans plusieurs secteurs d’activités, notamment le Btp et les téléservices, des entreprises ont déjà commencé à recruter des jeunes. D’une façon générale, les entreprises à haute intensité en main d’œuvre sont déjà fortement engagées dans ce programme d’urgence pour l’emploi des jeunes. Comme j’ai eu à le dire lors du conseil présidentiel sur l’emploi des jeunes, avoir un emploi ce n’est simplement bénéficier d’un contrat de travail et d’un salaire…. C’est bien plus que cela… C’est trouver sa place dans la société, cette dignité humaine qui ne peut laisser indifférent tout citoyen sénégalais.
Toutefois, j’insiste encore sur la simplification des procédures administratives et la mise en place d’un délai raisonnable pour le remboursement des quotes-parts dans le cadre de la Convention Etat/Employeurs si nous voulons optimiser le dispositif d’insertion professionnelle des jeunes.

Dans le même ordre, le privé trouve-t-il une oreille attentive à ses préoccupations auprès de l’Adminis­tration fiscale ?
Nous avons un «Groupe de Travail Fiscalité du Secteur Privé» qui pilote nos négociations techniques avec la Dgid. Ils tiennent régulièrement des rencontres trimestrielles qui ont l’avantage d’être bien préparées. Les préoccupations de chacune des parties à soumettre à l’ordre du jour sont examinées avec tout l’argumentaire qui sied, ainsi que les propositions d’amélioration de l’environnement fiscal.
Je dois dire que lorsque des divergences d’appréciation existent, l’arbitrage est soumis dans des délais courts au Directeur général de la Dgid, Bassirou Samba Niasse, et au besoin, au ministre des Finances. Une grande partie de nos différentes réformes fiscales est issue des conclusions de nos concertations fiscales publiques/privées.

Dans le contenu local, le Privé national a pu se mettre en commun pour lancer ensemble un projet au Port de Dakar. Depuis, on n’a plus rien vu venir d’autre. Est-ce parce que les investisseurs nationaux n’ont pas trouvé d’autres projets porteurs ?
Tout d’abord il faut éviter toute confusion entre d’une part, la loi et les décrets d’application du contenu local qui n’existent que dans le secteur des hydrocarbures, et d’autre part, la loi Ppp promulguée et dont les avant-projets de décrets d’application nous ont été présentés.
Sur le volet contenu local des hydrocarbures, les dispositifs institutionnels de gestion et de suivi ont été récemment installés. Il me paraît plus convenable de les laisser, dans des délais raisonnables, apprécier la situation, les enjeux et perspectives.
Sur le volet Ppp, les entreprises continuent de faire leurs offres dans le cadre des procédures en vigueur. Il n’y a aucune interruption dans le processus de contractualisation publique/privée.
Cependant, je pense qu’au-delà du cadre réglementaire des contrats «Contenu Local» et des contrats «Ppp», il faut surtout retenir que c’est sur décision du chef de l’Etat que des privés nationaux sont en train d’investir actuellement dans les grands projets Ipp (production d’électricité indépendante), mais aussi dans les projets d’assainissement à haute intensité capitalistique et dans des infrastructures résilientes. C’est une première, reconnaissons-le, un grand pas vient d’être franchi dans les relations entre l’Etat et son secteur privé national.

Vous allez conduire une forte délégation de chefs d’entreprise du Cnp à la Rencontre des entrepreneurs francophones (Ref) organisée par le Mou­vement des entreprises de France (Medef) à Paris du 24 au 27 août 2021. Pourquoi cette rencontre est-elle organisée ? 
Cette rencontre va regrouper les chefs d’entreprise des organisations patronales francophones liées déjà par des relations de partenariat et de coopération. Il faut savoir également que le Cnp est membre du comité d’organisation de la Ref et que nous travaillons sur ce projet depuis plus d’un an dans le cadre d’un groupe très restreint avec le Medef et sept (7) autres organisations patronales sœurs du monde francophone.
L’engagement de la Ref, est de construire une francophonie économique, sachant que les pays francophones représentent aujourd’hui 16% du Pib mondial. Or, il est démontré que lorsque des pays partagent des liens linguistiques, ils ont tendance à échanger 65% de biens et de services en plus, sans parler de co-investissements.
La présente Ref va enregistrer la participation de plus de 500 chefs d’entreprise et, outre les rencontres d’affaires B to B, différentes thématiques seront abordées, notamment la croissance des villes francophones, la souveraineté alimentaire, l’hydrogène de demain, la souveraineté et la transformation numériques, l’industrie au cœur de la relance économique, l’assurance comme partenaire incontournable de la société inclusive, la formation comme levier de la croissance, le financement des économies francophones, etc.

Pour conclure, quel message le président de la plus importante organisation patronale transmet-il aux Sénégalais ?
Avant tout un message d’espoir ainsi qu’une invitation à plus de solidarité et de cohésion nationales.
En ces moments particulièrement difficiles pour tous, nous avons besoin de préserver la paix et la stabilité sociales ainsi que nos valeurs socio-culturelles.
Difficile aussi de ne pas parler des inondations qui touchent plusieurs zones d’habitation. A cet effet, j’invite les entreprises à être aux côtés des populations et à leur apporter tout le soutien nécessaire avec l’Etat.
Je souligne également que la réponse nationale que nous devons apporter à cette pandémie sanitaire, aux inondations, aux menaces extérieures, etc., nous oblige à renforcer notre Unité nationale pour plus de croissance économique inclusive et de progrès social durable à même d’améliorer les conditions de vie de la population sénégalaise.

(LEQUOTIDIEN)

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