Le plastique est partout, au Sénégal. L’entrée en vigueur de la loi n°2020-04 du 8 janvier 2020 relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur l’environnement des produits plastiques et les nombreuses actions du ministère de l’Environnement et du Développement durable, notamment des saisies de ces produits en plus de l’interdiction de leur importation, n’y feront pas grand-chose. Il est utilisé, entre autres, comme emballage de certains produits alimentaires comme les bouteilles, canettes, les emballages alimentaires, et même dans les produits non alimentaires. Il est à noter que derrière son aspect utilitaire se cache un véritable danger pour la santé humaine, en plus des problèmes environnementaux plus connus. Il contient une composante chimique dénommée le Bisphénol A (BPA). Un produit chimique qui lorsqu’il est ingéré peut avoir de lourdes conséquences sur la santé.
Le Bisphénol A (BPA) est un produit chimique très présent dans les contenants plastiques que nous utilisons. Il en est notamment du polycarbonate, un plastique rigide et de résine époxy qui servent de pellicule protectrice dans les boîtes de conserve. Le Bisphénol A est un élément important de la mince couche d’enduit qu’on applique sur les parois internes des boîtes de conserve. Retrouvée presque dans tous les contenants de produits alimentaires, tels que sur les parois internes des boîtes de conserve, cette pellicule fine prévient la corrosion et empêche les métaux dissous de contaminer le contenu de la boîte de conserve.
Elle aide aussi à préserver la qualité et l’innocuité des aliments en conserve. On peut également le retrouver dans la composition des biens de consommations tels que les biberons, les bouteilles, canettes, les emballages alimentaires ainsi que dans la composition de divers autres produits, notamment les articles de sports, les appareils électroniques/électroménagers, les cartes bancaires, des dispositifs médicaux, entre autres…
NOCIFS POUR LES ALIMENTS CONSERVES, DANGERS POUR LES HUMAINS
Le BPA est essentiel dans la constitution des contenants plastiques en leur donnant leur forme dure et flexible. L’utilisation faite pour conserver la nourriture, dans les bocaux en plastique, comporte un risque d’infiltration dans la nourriture et, corrélativement, dans notre organisme. Un danger constant auquel nous sommes tous exposés, en tant qu’humains, étant entendu que nous sommes nombreux à utiliser le plastique ; que ce soit à la maison, en balade ou en pause déjeuner, il est devenu un «compagnon» indispensable pour beaucoup.
Malheureusement peu d’individus ont conscience du danger du plastique sur la santé. Pis, ce l’on ignore surtout, c’est que cette composante chimique (PBA) est un «perturbateur endocrinien» en ce qu’il agit «négativement sur le fonctionnement hormonal de l’organisme».
DYSFONCTIONNEMENT HORMONAL, MAUVAIS DEVELOPPEMENT DU FŒTUS, MALFORMATIONS CONGENITALES ET INFERTILITE, EN SUSPENS
Selon des études et spécialistes, le Bisphénol A crée un dysfonctionnement allant jusqu’à déformer les cellules. Il peut également causer un «mauvais développement du fœtus, des malformations congénitales», entre autres. Et même, plus grave, il causerait «l’infertilité».
Le danger étant si réel, ne serait-il pas temps d’appuyer sur le frein ? D’appliquer strictement la loi pour stopper la production et la commercialisation de plastiques au Sénégal ? Ce conformément à la loi de janvier 2020, révisant en rendant coercitives celle d’avril 2015, en vigueur.
En attendant, la population, toujours inconsciente du danger, a tendance à mettre en avant des intérêts matériels, l’aspect mercantile, commercial. Le plastique étant à la base de plusieurs activités économiques surtout informelles et domestiques (vente d’eau, de jus et crèmes glacés, de glace, de certains produits alimentaires et non alimentaires en gros ou en détail, emballages, etc.) D’où l’importance pour les autorités de trouver la bonne formule pour venir à bout du péril plastique. Puisque beaucoup de nos concitoyens, inconscients des dangers inhérents au plastique sur la santé, sont contre la loi adoptée pourtant dans l’intérêt et pour la protection de tous et de l’environnement (continental et marin…)
UNE POPULATION TOUJOURS INCONSCIENTE DU DANGER
Ndeye Binta Mané est vendeuse de jus. Le plastique, elle l’utilise comme «récipient» de conservation pour ses jus. Mais elle nous confie n’avoir pas conscience des dangers du plastique et dit n’avoir jamais entendu parler du BPA. «C’est la première fois que j’entends parler du BPA. Avant, je ne connaissais pas l’existence de cette substance. Je vends du jus de ‘’bissap’’, de ‘’bouye’’ (pain de singe ») et de gingembre et j’avoue que cette révélation m’intrigue beaucoup. Cela montre encore une fois qu’on n’est pas à l’abri. Mais que faire, si on a que cette alternative pour essayer de gagner dignement notre vie ? Même si notre santé en dépend, il sera difficile de ne pas renouer avec nos vieilles habitudes. Le plastique (des bouteilles), je le récupère après les événements comme les baptêmes, les mariages et autres ou je l’achète au marché à 25 FCFA la bouteille. Il arrive même que certains me les offrent. Je les désinfecte avec de l’eau de javel avant de les utiliser.»
Ils/elles sont nombreux à être dans la même situation que Ndeye Binta. Astou Cisse est femme au foyer. Pour elle, «il faut savoir qu’on est pas assez informé par rapport aux dangers du plastique. Aujourd’hui, il est temps d’en parler et je n’étais pas au courant», martèle-t-elle. Faisant signe de la main, elle nous montre : «comme vous pouvez le constater, il n’y a que des bouteilles et pour la plupart de la vaisselle en plastique chez moi. Je pense qu’il est du ressort de l’Etat et pourquoi pas du ministère de la santé de veiller au grain afin de trouver une autre alternative au plastique.»
Au marché, ils sont nombreux à les vendre, mais ne connaissent pas encore le danger qu’il peut y avoir dans ces plastiques. El Hadji Bèye est un vendeur. C’est dans une boutique de fortune qu’il empile toutes ses collectes : des bouteilles de boissons et d’eau vides, toutes en plastiques et parfois même en verre. «En général, je récupère ces plastiques chez un gars qui travaille dans une société de la place. Puisque ces bouteilles sont jetées, il me les donne à bas prix. Je les revends à 25 FCFA l’unité. Mais, pour la plupart, les bouteilles viennent des hôtels. Certaines mères de famille, pour compléter leur dépense quotidienne, me vendent leur stock de bouteilles en plastique. Je sais que le plastique peut être dangereux, au contact de la chaleur, mais vous m’en apprenez des choses aujourd’hui.»
SENEGAL : LONGUE TRADITION DE LUTTE CONTRE LE PLASTIQUE, MAIS AVEC DES TEXTES A LA PORTEE BIEN TROP LIMITEE POUR ETRE EFFICACE
Aujourd’hui encore, la science alerte sur les méfaits du BPA. Mais, au Sénégal, la population reste jusque-là inconsciente des dégâts qu’il peut causer sur notre bien-être. Ce danger permanent auquel nous sommes confrontés nous pousse à réfléchir sur des matériaux de substitution au plastique. Et c’est déjà le cas avec des sachets en papier biodégradable dans les grandes surfaces, mais pas gratuits, les tasses-à-jeter utilisées par des vendeurs de café… ; ce depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2020-04 du 8 janvier 2020 relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur l’environnement des produits plastiques, interdisant en effet, les produits plastiques à usage unique comme les gobelets, couvercles, pipettes et tous sachets destinés à être utilisés pour conditionner l’eau ou toute autre boisson.
D’ailleurs, le Sénégal a une longue tradition de politique contre le plastique. Déjà, dès 1974 des textes de loi existent pour traiter la question du plastique. Et l’adoption de la loi n°2015-09 du 04 mai 2015 relative à l’interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation de sachets plastiques de faible micronnage et à la gestion rationnelle des déchets plastiques, marquait une «révolution» dans la volonté du Sénégal de lutter contre la pollution plastique. Ce texte à la portée bien trop limitée pour être efficace aura conduit à l’élaboration d’un autre, jugé beaucoup plus ambitieux en 2020 : loi n°2020-04 du 8 janvier 2020.
(SUSQUOTIDIEN)