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C’est le bon moment pour relancer la production d’uranium, estime Paladin Energy

Lundi 28 juin sur la bourse australienne ASX, l’action Paladin Energy s’est négociée à 0,51 dollar australien. Il s’agit d’une croissance de plus de 400 % sur un an, qui témoigne non seulement du regain d’intérêt pour l’uranium dans le monde, mais aussi pour les projets de la compagnie sur la période. Après avoir placé depuis 2018 sa mine d’uranium Langer Heinrich en régime de maintenance et entretien, Paladin travaille depuis un an pour remettre son actif namibien en production. Difficile de trouver un meilleur moment, alors que l’uranium achève progressivement une traversée du désert longue de 10 ans.

Une décennie de déclin

Mars 2011, un tsunami ravage les côtes japonaises et déclenche un accident à la centrale nucléaire de Fukushima. Au-delà des victimes liées à cette catastrophe et de son coût environnemental, l’accident nucléaire de Fukushima ravive les critiques visant l’énergie nucléaire et entraine une chute des cours de l’uranium sur le marché mondial. Si la baisse n’a pas été aussi importante que celle après l’accident de Tchernobyl (1986), le carburant de l’industrie nucléaire est néanmoins passé de 73 dollars la livre à 50 dollars en une semaine, soit une baisse de plus de 30 %.

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A la suite de Fukushima, le secteur de l’uranium a entamé une traversée du désert.

Depuis lors, l’uranium n’a plus jamais retrouvé les niveaux d’antan, connaissant un déclin causé par la réduction de la production d’électricité à base de nucléaire conjuguée à la hausse de la production mondiale. Quelques années avant la catastrophe, le minerai avait en effet connu une forte croissance sur les marchés, avec notamment un pic de prix au comptant à 136 dollars la livre en 2007. Cela a alors encouragé les compagnies à investir massivement dans des projets d’uranium, favorisant donc l’excédent constaté sur le marché dans les années qui ont suivi l’accident.

Quelques années avant la catastrophe, le minerai avait en effet connu une forte croissance sur les marchés, avec notamment un pic de prix au comptant à 136 dollars la livre en 2007.

Cette morosité persistante sur le marché fera plonger notamment le cours des actions des compagnies concernées à la bourse ASX et conduira Paladin Energy, après quelques années de résistance, à annoncer, en mai 2018, la suspension de la production à Langer Heinrich, une mine acquise en août 2002. « C’est la décision la plus logique pour préserver les précieuses ressources d’uranium de Langer Heinrich et atténuer les pertes de flux de trésorerie », indique la compagnie, qui espère alors que le marché redeviendra vite attractif pour lui permettre de relancer les activités.

De nouveaux vents favorables

En arrêtant les opérations à Langer Heinrich en 2018, Paladin Energy ne pouvait sans doute pas s’imaginer qu’elle n’aurait pas à attendre deux ans avant de percevoir les premiers signes d’une reprise de la demande d’uranium. C’est pourtant bien ce qui se produit depuis quelques mois.

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A elle seule, la mine namibienne de Langer Heinrich aurait une capacité de production supérieure à celle du Niger.

S’il reste loin des prix enregistrés entre 2007 et 2011, l’uranium connait une petite embellie, après avoir stagné entre 25 et 30 $ la livre pendant plus de cinq ans. Il est notamment passé de 18,1 $ la livre en novembre 2016 à un pic de 34 dollars la livre en mai 2020, pour se négocier un an plus tard à environ 32 $. L’amélioration n’est certes pas encore décisive pour tous les acteurs, mais d’autres signaux militent en faveur d’une reprise des opérations à Langer Heinrich. Il s’agit du retour en grâce du nucléaire constaté depuis quelque temps et surtout de son intégration dans les plans des Etats pour réussir la transition énergétique et mener à bien la révolution verte.

Il s’agit du retour en grâce du nucléaire constaté depuis quelque temps et surtout de son intégration dans les plans des Etats pour réussir la transition énergétique et mener à bien la révolution verte. 

A ce propos deux Etats sont à citer comme exemple actuellement et il s’agit d’ailleurs des deux plus grandes puissances économiques mondiales, les États-Unis et la Chine. Premier consommateur mondial et de loin, l’Oncle Sam devrait contribuer à augmenter la demande mondiale d’uranium dans les années à venir, car le président Joe Biden a placé le nucléaire au centre des sources d’énergie à privilégier pour réduire les émissions de CO2.

L’Oncle Sam devrait contribuer à augmenter la demande mondiale d’uranium dans les années à venir, car le président Joe Biden a placé le nucléaire au centre des sources d’énergie à privilégier pour réduire les émissions de CO2.

Dans le plan d’infrastructures de 1,2 milliard $ de l’administration fédérale en passe d’être adopté par le Congrès américain, un crédit d’impôt est ainsi prévu pour soutenir le maintien et l’augmentation des capacités de production nucléaire, un secteur qui ne représente que 19 % de l’électricité produite actuellement aux États-Unis. « En tant que source de combustible de base à émissions nulles, je pense que le maintien de notre parc et la prévention des fermetures de centrales nucléaires existantes sont essentiels pour atteindre les objectifs de réduction des émissions et assurer la fiabilité du réseau », soutient le sénateur Joe Manchin, président de la commission sénatoriale de l’énergie et des ressources naturelles.

L’empire du Milieu est dans le même état d’esprit alors que Pékin multiplie depuis quelques années les gestes en faveur du climat, avec notamment des restrictions plus sévères sur les combustibles fossiles. Selon Simon Chan, analyste de Bloomberg Intelligence, la Chine devrait doubler sa capacité de production nucléaire d’ici 2030, afin de la porter à 100 gigawatts (GW).

Selon Simon Chan, analyste de Bloomberg Intelligence, la Chine devrait doubler sa capacité de production nucléaire d’ici 2030, afin de la porter à 100 gigawatts (GW).

D’ici la fin de l’année 2025, c’est déjà 70 GW de capacité de production d’énergie nucléaire qui seront disponibles en Chine. Si des observateurs se sont montrés alarmistes après l’incident récent à la centrale nucléaire de Taishan, M. Chan souligne que « les perspectives de croissance à long terme [du parc nucléaire, Ndlr] devraient rester intactes ».

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Face à l’urgence climatique, de nombreux pays envisagent le nucléaire comme un moindre mal.

L’Association nucléaire mondiale (WNA) va dans le même sens et prévoit déjà, depuis son rapport de 2019 sur le combustible nucléaire, une augmentation de 18 % de la demande d’uranium sur la décennie 2030-2040.

Le bon moment pour relancer Langer Heinrich

Tous les indicateurs cités plus haut ont sans doute été déterminants dans le choix fait depuis quelques mois par Paladin Energy, de reprendre la production à Langer Heinrich. Et pour y arriver, la compagnie se donne les moyens de ses ambitions. Elle a d’abord commandé un plan de redémarrage de la mine qui a indiqué en juin 2020 que l’investissement nécessaire atteindrait 81 millions $. Après une lente reprise des activités, la mine devrait atteindre un pic de production annuelle de 5,9 millions de livres (plus de 2600 t) à partir de la septième année d’exploitation. À elle seule, cette mine se rapprocherait donc de la production totale en 2020 du leader africain du secteur, le Niger, dont les mines ont livré 2991 t, selon les données de la BCEAO. Pour la Namibie, dont la production a chuté avec la fermeture de cette mine, ce sera l’occasion de tenter de ravir la première place du continent au Niger même si, il faut le souligner, plusieurs nouveaux projets sont en développement dans le pays d’Afrique de l’Ouest.

Lire aussi : 18/03/2021 – Niger : Global Atomic lancera la construction de la mine d’uranium Dasa en 2022

Sur toute sa durée de vie estimée à 17 ans, Langer Heinrich devrait produire 88,5 millions de livres d’uranium. Le coût global de production sur la période est en outre estimé à 27 $ la livre, ce qui rend l’opération économiquement viable, si l’on considère le prix actuel de l’uranium, et les perspectives intéressantes.

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Ian Purdy, PDG de Paladin, souhaite remplir son carnet de commandes avant de relancer la machine.

Depuis la publication du plan de redémarrage, Paladin Energy discute avec les clients potentiels pour négocier des contrats à terme sur la future production. Si elle a déjà un accord avec la China National Nuclear Corporation (CNNC) pour lui vendre jusqu’à 25 % de la production totale au prix au comptant, la compagnie ne reprendra en effet les activités qu’après avoir obtenu l’assurance que le reste de son uranium trouvera preneur sur la durée. En attendant, Paladin a effectué une importante levée de fonds (192,5 millions de dollars australiens) au premier trimestre grâce à une augmentation de capital, afin d’apurer une partie de sa dette.

« Il s’agit d’une étape importante pour Paladin, le produit de la levée de fonds étant appliqué au remboursement intégral des billets garantis de premier rang en circulation, ce qui permettra de choisir les structures de financement futures et de renforcer la position de la société en matière de commercialisation de l’uranium », explique alors Ian Purdy, PDG de Paladin.

(AGENCE ECOFIN)

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