Revoyant en baisse ses notations, Moody’s signale des retards de paiement de la part du Cameroun, au-delà de ce qui était prévu par le FMI ces derniers mois. Voilà qui complique un peu plus la recherche de refinancement à des taux attractifs.
Moody’s a revu en baisse sa notation financière relative à la dette long terme du Cameroun, de B2 à Caa1. L’agence américaine justifie cette décision par l’« émergence » de problèmes de gestion de trésorerie et de liquidité pour le gouvernement. En voulant comme témoignage des retards dans le paiement d’une série de paiements du service de la dette extérieure à la fin de 2022 et au début de 2023. En particulier, Moody’s considère le retard de paiement à la Deutsche Bank Espagne « comme un cas de défaillance ».
Les paiements manqués sont intervenus après une série de demandes de liquidités adressées au gouvernement, notamment une augmentation des subventions aux carburants et des dépenses hors budget pour répondre aux besoins croissants en matière de sécurité, dans un contexte de resserrement des conditions financières nationales et mondiales et de mauvaise gouvernance, en particulier une très faible capacité de gestion de la trésorerie et de la dette.
L’abaissement de la note reflète également l’opinion de Moody’s sur l’augmentation des risques politiques, sociaux et de gouvernance au Cameroun en raison du conflit actuel entre le gouvernement et la minorité anglophone, ainsi que l’augmentation des risques de sécurité dans l’Extrême-Nord, qui créent d’importantes pressions sur les dépenses hors budget et pèsent sur les ressources liquides disponibles du gouvernement.
Selon le site Investir au Cameroun, le pays devrait payer beaucoup plus cher pour obtenir les 200 milliards de F.CFA (305 millions d’euros) qu’il compte emprunter en devises, avant la fin de l’année 2023. « Cette nouvelle dette devrait être contractée bien au-delà du taux d’intérêt de 5,95% servi aux investisseurs en 2021, pour le rachat de l’eurobond du Cameroun de 2015. » Cette rémunération sur des titres de dix ans de maturité avait été considérée comme un véritable exploit par les financiers du pays.
De plus, l’abaissement de la note souveraine du Cameroun pourrait amener les intermédiaires opérant sur le marché de la CEMAC – pratiquement tous des filiales des multinationales financières –, à être encore plus exigeants en matière de taux d’intérêt devant accompagner les émissions de titres publics du Cameroun, prévient Investir au Cameroun.
Volatilité des recettes pétrolières
Ces derniers mois, relate Moody’s, l’augmentation des prix mondiaux des carburants en 2022 et l’absence d’un mécanisme d’ajustement automatique des prix intérieurs ont exercé une pression sur la position de liquidité du gouvernement et ont limité sa capacité à honorer ses engagements. D’autres pressions sur les liquidités ont résulté de l’augmentation des dépenses de sécurité en réponse à l’instabilité dans les régions anglophones et dans l’Extrême-Nord.
Ces engagements de dépenses non budgétisées ont créé des pressions sur les liquidités du gouvernement, comme en témoignent les retards de paiement de la dette extérieure, l’augmentation des arriérés de paiement intérieurs et le non-respect des objectifs en matière de dépenses sociales. Le resserrement des conditions financières mondiales et nationales limite encore la position de liquidité du gouvernement.
Les perspectives sont « stables », ce qui signifie que l’agence n’anticipe pas une nouvelle révision ces prochains mois. Et résume : « Les risques de dégradation du profil budgétaire et de liquidité du gouvernement sont liés à la volatilité des recettes pétrolières, à la poursuite des subventions aux carburants, à l’augmentation des dépenses de sécurité, à la mauvaise gouvernance d’entreprises publiques inefficaces et à la gestion de la trésorerie, ainsi qu’aux risques politiques découlant des conflits actuels et d’une transition désordonnée du pouvoir présidentiel. »
Ces risques sont contrebalancés par de possibles bonnes surprises concernant le rendement économique et social des investissements dans les infrastructures indispensables, notamment dans les secteurs de l’énergie et des transports. L’agence attend aussi les avantages, en matière de crédit, des efforts visant à améliorer la gouvernance et la gestion budgétaire dans le cadre du programme actuel du FMI.
Moody’s s’attend à ce que le déficit budgétaire du Cameroun se stabilise en 2023 et se rapproche de l’équilibre à l’avenir. Cependant, les recettes publiques globales du Cameroun en pourcentage du PIB restent bien inférieures à celles de la plupart des pays souverains notés B, reflétant les faiblesses de l’administration fiscale et l’importance de l’économie informelle.
Une économie « bien diversifiée »
Les recettes pétrolières représentent environ un cinquième de l’ensemble des recettes publiques, mais elles diminueront au cours des prochaines années, car la production de pétrole des champs pétrolifères camerounais, qui arrivent à maturité, continue de baisser en l’absence de nouveaux investissements. Les efforts visant à renforcer les recettes non pétrolières à moyen terme en améliorant l’administration fiscale et le respect des règles par les contribuables, ainsi que l’élargissement de l’assiette fiscale, font partie du programme actuel du FMI, « mais n’en sont qu’à leurs débuts, précisent les analystes.
Pourtant l’économie « bien diversifiée » du Cameroun a permis au pays de surpasser ses pairs régionaux pendant la pandémie de Covid-19, car elle était moins exposée au choc négatif des prix du pétrole en 2020. Après un ralentissement de croissance l’an dernier, le PIB devrait croître de 4,0% en 2023 et de 4,4% en 2024, pronostique Moody’s.
S magazinedelafrique.com