Antoine Mani Tonye enfonce le pouce dans la terre rouge pour juger à quelle profondeur il doit planter ses nouveaux semis. Ce cultivateur de cacao camerounais a fait de belles récoltes et augmenté son revenu depuis qu’il a commencé à cultiver une nouvelle variété de semences adaptée aux conditions locales, mise au point dans un laboratoire de Yaoundé, la capitale.
« La première année, ma pépinière était la plus belle. Avec ça, j’allais pouvoir sortir de la pauvreté », estime M. Tonye, qui cultive sa propre parcelle dans le village d’Azanzoa, en périphérie de Mbalmayo, dans le centre du Cameroun.
« À l’heure actuelle, ça va beaucoup mieux pour moi, je n’ai pas à mendier, je fais de mon mieux et j’arrive à m’en sortir tout seul. C’est sûr, l’agriculture va devenir ma passion », assure-t-il.
Cultivé par 600 000 personnes dans tout le Cameroun, le cacao est un secteur vital pour les communautés rurales.
Mais c’est aussi une culture fragile dont le rendement a tendance à diminuer du fait de la combinaison des effets du changement climatique et de l’appauvrissement des sols. Ce qui menace les moyens de subsistance des agriculteurs.
Voilà pourquoi la Banque africaine de développement (BAD) a accordé des financements à l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD), dont les recherches sont axées sur la création de variétés de semences adaptées.
Ces variétés de semences de deuxième génération mises au point par l’IRAD permettent d’obtenir des rendements de 2 tonnes par hectare en moyenne, alors que la première génération, développée dans les années 1970 et 1980, donnait environ 1 tonne par hectare.
« Il y a eu des progrès énormes. En moins de vingt ans, nous avons réussi à doubler le rendement potentiel des variétés que les cultivateurs utilisent désormais », explique Bruno Efombagen, chercheur de l’IRAD à Yaoundé.
La demande des semences à fort rendement a très vite dépassé l’offre. Pour résoudre ce problème, la Banque africaine de développement a soutenu l’IRAD pour faire en sorte que ces semences soient mises à la disposition d’un plus grand nombre de cultivateurs.
Dans tout le pays, l’IRAD met en place de plus en plus de champs dédiés à la production de semences.
Une nouvelle variété de semences appelée « cacao brésilien » est maintenant largement utilisée, apportant aux agriculteurs camerounais de bien meilleures récoltes.
« Autrefois, nos parents cultivaient une variété dite ‘tout-venant’, mais aujourd’hui, grâce aux progrès de la recherche, nous avons accès à des semences améliorées », se félicite Samba M’Viena, le président d’AKOM-COOP-CA, une coopérative agricole.
« Vous obtenez les premières récoltes 18 mois après avoir planté, avec des fleurs et quelques cosses sur certaines tiges. Après deux ans, deux ans et demi, ou disons plutôt trois ans, vous pouvez déjà avoir une récolte parfaite », précise M. M’Viena.
Ces variétés de semences de cacao de meilleure qualité ont contribué à juguler l’exode rurale. Au moins 62 jeunes gens ont dernièrement rejoint la coopérative de M. M’Viena.
Le cacao brésilien ne se contente pas d’apporter un rendement bien plus élevé aux agriculteurs camerounais, il profite à tous les maillons de la chaîne de production.
Yannick Fosso, commerçant achète du cacao dans toute la région et le revend à Douala, la capitale économique. « La saison dure d’août à janvier. C’est pendant ces six mois que je gagne la totalité de mes revenus annuels, nous explique-t-il. Lorsque vous regardez les plants, vous voyez que le cacao brésilien est une meilleure variété que celle que nos parents cultivaient. Il a une couleur plus vive, les cosses ne noircissent jamais, elles sont entièrement rouges. Du coup, lorsque vous torréfiez ce cacao, il donne une très belle couleur et un bon goût. »
Le cacao est le deuxième produit agricole d’exportation du Cameroun derrière le coton. Ce pays d’Afrique centrale produit, environ 220 000 tonnes de cacaos par an, expédiés à l’étranger via le port de Douala.
Le cacao camerounais est aussi une carte de visite pour le pays. « Ici, le cacao est au cœur de la vie des gens (et) cela fait plaisir de savoir qu’on achète quelque chose qui ensuite est mangé dans le monde entier. », affirme avec beaucoup de fierté, M. Fosso.
APO