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Baba Traoré, co-président du Conseil d’affaires sénégalo-émirati: «Nous voulons que les Émirats importent davantage de produits sénégalais»

Le Conseil d’affaires sénégalo-émirati a été porté sur les fonts baptismaux, le 13 octobre dernier, à l’occasion du Forum des investissements organisé dans le cadre de la Journée du Sénégal à l’Expo Dubaï 2020. Baba Traoré, qui co-préside ce Conseil, avait procédé à la signature d’accord avec le représentant du secteur privé émirati, en présence du Président Macky Sall et des autorités émiraties. Dans cet entretien accordé au « Soleil », il revient sur les objectifs de ce Conseil d’affaires et les opportunités d’affaires entre les deux pays. 

Le 13 octobre dernier, le Conseil d’affaires sénégalo-émirati a été porté sur les fonts baptismaux à Dubaï. Quels sont ses objectifs ? 

Le Conseil d’affaires est le cadre institutionnel mis en place pour faciliter les échanges entre les hommes d’affaires du Sénégal et ceux des Émirats arabes unis. L’idée est de mettre à la disposition des autorités des deux pays un instrument de mise en œuvre de la coopération sur le plan opérationnel. En effet, aussi bien aux Émirats qu’au Sénégal, il est bien clair que l’option stratégique est de faire du secteur privé le fer de lance de l’investissement. Des villes telles que Dubaï sont devenues aujourd’hui des plateformes internationales d’investissements où la sécurité juridique et la sécurité physique des capitaux et des marchandises sont garanties. C’est fort de tout cela que nous avons souhaité mettre en place un cadre institutionnel de coopération. Ce Conseil d’affaires a été béni par les autorités des deux pays et il a été signé devant le Président Macky Sall et le représentant du Gouvernement des Émirats arabes unis, le 13 octobre dernier, à l’occasion du Forum des investissements organisé dans le cadre de la Journée du Sénégal à l’Expo Dubaï 2020. Nous remercions les autorités sénégalaises, au premier rang le Président de la République, qui a joué un rôle déterminant dans la mise en place de ce Conseil d’affaires, qui nous a fait confiance, qui nous a accompagné et qui a mis à notre disposition tout son Gouvernement.

Est-ce que les autres organisations patronales ont adhéré à ce Conseil ? 

Elles sont invitées à formaliser leur adhésion. Elles y sont membres de fait, parce qu’il s’agit du Conseil d’affaires du Sénégal et des Émirats arabes unis. Même si nos organisations l’ont initié, le Conseil reste ouvert à tout le secteur privé sénégalais et nous veillerons à partager toutes les opportunités. Donc, il va falloir asseoir les bases d’un dialogue qui permettra d’identifier les projets les plus pertinents pour pouvoir les positionner dans le cadre d’associations et de développement de projets communs.

Quelles sont les axes prioritaires que vous avez identifiés dans le cadre de ce Conseil d’affaires ? 

Les prochaines étapes consistent à nous accorder avec nos homologues émiratis sur les priorités que nous allons nous fixer. Elles seront inspirées par une vision commune de ce que pourrait être la contribution des secteurs privés des deux pays à la consolidation des politiques économiques mises en œuvre. Le second aspect consistera à voir comment affiner notre instrument pour qu’il soit capable de porter des projets d’investissement pertinents pour nos deux pays. Il y a un certain nombre d’urgences auxquelles notre pays est confronté. C’est d’abord d’appuyer le processus de transformation industrielle. Nous avons un tissu très faible. Ce qui réduit nos capacités de production, nos perspectives de développement de nos filières agricoles, ainsi que nos possibilités d’exportation et d’accès aux marchés. C’est un point de priorité sur lequel nous comptons travailler avec nos amis et collaborateurs. Naturellement, nous allons consolider les liens d’échanges commerciaux qui existent entre les deux pays. Nous voulons inverser la balance commerciale entre les deux pays pour faire en sorte que les Émirats importent davantage de produits sénégalais. Nous avons une surproduction d’oignons. Nous sommes en train de voir dans quelle mesure, les fruits et légumes du Sénégal peuvent être exportés vers les Émirats.

Pour donner un coup de fouet à ces échanges commerciaux, nous poussons nos amis émiratis à créer ici, en rapport avec nous, une banque qui pourra être l’instrument financier d’accompagnement des échanges commerciaux que nous souhaitons consolider entre les deux pays.
Le Sénégal est, aujourd’hui, producteur de pétrole et de gaz. Nous avons une loi sur le contenu local, c’est l’occasion d’utiliser le Conseil d’affaires pour positionner les hommes d’affaires sénégalais dans le cadre de l’exploitation du pétrole et du gaz qui requiert beaucoup de savoir-faire, de technologie, de financements qu’il faut mobiliser auprès des investisseurs présents aux Émirats arabes unis. Donc les axes d’intervention sont identifiés en fonction des priorités que notre pays s’est défini dans le cadre du Plan Sénégal émergent et plus spécifiquement le Pap-2A, dans ce contexte de relance économique.

Où en êtes-vous avec ce projet de banque et quel pourrait en être la forme ? Une Eximbank ? 

Ce n’est pas encore au stade de projet. Pour le moment, c’est une idée, une vision. C’est une proposition que nous mettrons sur la table. Le modèle et la forme vont être déterminés lors des discussions avec nos partenaires émiratis. Peut-être qu’il s’agira d’un paquet d’instruments financiers, une Eximbank, une banque commerciale et peut-être un ou deux fonds d’investissements. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut des instruments financiers pour accompagner la mise en œuvre de la coopération, la bonne réalisation des projets d’investissements que nous aurons. Avec le lancement de la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine) il y a une grosse opportunité, une belle carte à jouer pour le Sénégal. Compte tenu de la position géographique de notre pays, nous pensons que nous avons les atouts nécessaires pour faire du Sénégal une véritable plateforme du commerce et de l’investissement pour le marché africain.

Les échanges commerciaux entre le Sénégal et les Émirats arabes unis restent modestes (170 millions de dollars d’exportations du Sénégal contre 69 millions de dollars d’importation en 2018 selon l’Asepex). Quels sont les obstacles à lever pour porter ces relations au niveau des ambitions ? 

Nous devons saisir l’opportunité qu’offre ce Conseil d’affaires pour mettre en place des joint-ventures afin d’investir massivement dans le secteur de la production agricole. Pour y arriver, il faut que le Gouvernement nous accompagne en termes de facilitations et surtout d’amélioration de l’environnement des affaires. Il faut également que l’accès au foncier pour les investisseurs sénégalais et leurs partenaires émiratis soit facilité. Accéder plus facilement au foncier en évitant les conflits avec les populations est une demande forte que nous exprimons à l’endroit des autorités. Les autres efforts seront en direction du transfert de technologies.

Est-ce que les Émiratis sont intéressés à venir investir dans l’agrobusiness au Sénégal ? 

L’enjeu est justement de structurer suffisamment de relations avec l’État pour asseoir les bases de partenariat qui rassurent l’État sur la disponibilité des opérateurs à investir dans le secteur de l’agro-business, mais aussi à opérer des investissements significatifs, à créer le maximum d’emplois et à favoriser le transfert de technologies pour impacter le secteur et aider notre pays à se hisser au rang des pays exportateurs. En contrepartie, nous attendons des autorités un certain nombre de facilités sur le foncier. Les investissements dans l’agrobusiness appelleront à d’autres investissements dans des secteurs comme celui de l’habitat.

De façon générale, qu’est-ce que le Sénégal achète et vend aux Émirats arabes unis ? 

Nous importons en général des biens de consommation (du matériel électronique, des téléviseurs, des téléphones, du matériel de construction et même du textile pour la confection du prêt à porter), ou encore des pièces détachées automobiles, des intrants électroniques, etc. En contrepartie, nous leur vendons très peu de produits. Et il faut renverser cette tendance. Nous pouvons, comme je l’ai dit plus haut, positionner certaines filières horticoles comme l’oignon, qui est en surproduction avec plus de 450 000 tonnes alors que le pays n’a besoin que de 300 000 tonnes. Nous souhaitons que le surplus soit exporté après transformation.

Est-ce que le coût du fret n’est pas un handicap pour l’exportations de produits sénégalais vers les Émirats ? 

J’ai personnellement eu l’expérience d’expédier des mangues produites au Sénégal vers les Émirats. Le seul problème qui se posait, c’était effectivement le coût du fret. Si nous arrivons à maîtriser ce coût, nos produits seraient plus compétitifs.

Le Président Macky Sall a rappelé qu’il y a 24 accords entre le Sénégal et les Émirats. C’est une bonne base pour booster les investissements ? 

Absolument ! Il y a une excellente coopération politique, économique et financière qui lie nos deux pays. Les relations sont au beau fixe, la confiance règne. Maintenant, il faut que ces accords-là profitent réellement aux deux pays et au secteur privé. Et pour cela, la première étape c’est la mise en place de ce Conseil d’affaires. La deuxième, est de structurer un programme prioritaire d’investissement.

Quelles sont les passerelles entre le Conseil d’affaires et la Commission mixte ? 

Les deux structures sont complémentaires. Le Conseil d’affaires, en général, relève d’une initiative privée, des secteurs privés des deux pays, avec bien sûr l’approbation des deux gouvernements. Les commissions mixtes sont des cadres de dialogue mises en place au niveau politique pour aider à clarifier les pistes et les zones d’intervention des gouvernements, des secteurs privés et même des sociétés civiles. Donc, ce n’est pas contradictoire du tout. Nous pensons que c’était déjà une bonne chose qu’il y ait une commission mixte. Maintenant, on a un Conseil d’affaires. Ça permettra de mieux clarifier les choses et de segmenter le rôle que le secteur privé devra jouer dans la mise en œuvre de la coopération et les autres rôles qui sont dévolus aux gouvernements et aux autres organisations non étatiques.

(LESOLEIL)

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