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Attribution des licences de pêche au Sénégal : Le dialogue de sourd perdure

Pour plus de transparence dans l’attribution des licences de pêche, les acteurs demandent la publication de la liste des bateaux qui sont autorisés à pêcher dans les eaux sénégalaises. Mais pour le ministère de la Pêche et de l’Economie maritime, tous les bateaux incriminés appartiennent à des entreprises de droit sénégalais.

La pêche est une des mamelles de l’économie sénégalaise avec une contribution de plus de 200 milliards de francs et créant plus de 600 mille emplois directs et indirects. Mais depuis plusieurs mois, le secteur est l’objet de nombreuses controverses dont une de taille : l’attribution de licences de pêche à des navires présumés étrangers par le ministère de la Pêche et de l’Economie maritime (MPEM). Selon les entrepreneurs, des navires bénéficiaires de ces licences sont déclarés sous pavillon sénégalais à travers des intermédiaires locaux alors que leurs véritables propriétaires sont des Turcs ou des Chinois. «En réalité, ces Sénégalais prête-noms ne gèrent absolument rien. Les Chinois et les Turcs écument nos eaux poissonneuses et partent ensuite vers d’autres horizons dès qu’une meilleure occasion se présente à eux. En plus, ces bateaux ont des passés de pêche INN (Non déclarée non réglementée) et ont été souvent arraisonnés et chassés de divers pays africains», explique Fatou Niang Ndiaye, vice-présidente du Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal (Gaipes).

«CONCURRENCE FRAUDULEUSE»

Principal regroupement des professionnels de la mer, le Gaipes dénonce des opérations de fraude consistant pour certains navires étrangers «sénégalisés» à procéder à des exportations de produits dans l’espace de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en profitant du label sénégalais. Ce qui leur donne droit à certains avantages dont l’exonération de droits de douane. « Ces produits frauduleux vont directement concurrencer notre pêche artisanale qui vend ses captures à des usines sénégalaises qui les transforment avant de les exporter dans l’espace communautaire », ajoute Fatou Niang Ndiaye. En réplique, le ministère dirigé par Alioune Ndoye rame à contre-courant. Dans un communiqué rendu public en octobre dernier, il est indiqué que « aucun navire battant pavillon étranger ne peut, en l’état actuel de la réglementation sénégalaise, obtenir une licence de pêche au Sénégal si ce n’est sur la base d’un accord de pêche. »

«SOCIETES DE DROIT SENEGALAIS»

Et pour mieux balayer les arguments du Gaipes, le ministère précise : « la Chine n’ayant pas signé un accord de pêche avec le Sénégal, aucune licence ne peut dès lors être accordée à un bateau battant pavillon chinois. Tous les bateaux d’origine chinoise, espagnole, française, grecque (…) détenteurs d’une licence de pêche au Sénégal appartiennent à des sociétés reconnues, par acte notarié, de droit sénégalais.» De son côté, le président de l’Association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale maritime du Sénégal (Aprapam) Gaoussou Guèye pense que c’est la non application du code de la pêche qui est à l’origine de tous ces problèmes que connait aujourd’hui le secteur de la pèche au Sénégal. Car, soutient-il, au niveau du code de la pêche le commerce de licences n’existe pas. « Dans le code de la pêche sénégalaise est considéré comme navire étranger tout navire n’ayant pas la nationalité sénégalaise. Donc ces navires chinois et turcs ne peuvent pas obtenir de licences. Par contre si on avait des accords de pêche avec la Chine et la Turquie, il n’y aurait pas eu problème. Le seul accord que nous connaissons, c’est l’accord de pêche du Sénégal avec l’Union Européenne», indique-t-il. A ce niveau également, le ministère de la Pêche corrige l’affirmation du Gaipes. En plus de l’Union européenne, le Sénégal a également signé des accords de pêche avec les pays suivants : Gambie, Cap-Vert, Mauritanie, Guinée-Bissau et Liberia.

«PUBLIER LE REGISTRE NATIONAL DES NAVIRES AUTORISES A PECHER»

Pour une plus grande transparence dans le secteur, les acteurs demandent à l’Etat de divulguer l’identité des bateaux qui sont autorisés à pêcher au Sénégal avec une licence en bonne et due forme. « Si on parle de transparence et si les Sénégalais ont droit à accéder à l’information, pourquoi ne pas publier le registre national des navires autorisés à pêcher au Sénégal de 2018 à 2020. Le problème va se régler et tous les sénégalais sauront quels sont les bateaux qui sont autorisé à travailler au Sénégal. Quels sont leurs propriétaires ? Si réellement on veut être transparent, nous exigeons que ce registre soit publié», soutient Gaoussou Gueye. Une demande également appuyée par le Forum civil et l’Ong Greenpeace qui avaient enjoint le MPEM de « publier la liste des licences attribuées (entre 2018-2019 et en 2020, renouvelées ou régularisées) afin de connaître les bénéficiaires effectifs et les catégories de pêcheries concernées. « Au niveau de Greenpeace nous avons demandé au ministère de la pèche de nous donner la liste des navires qui sont autorisés à pêcher au Sénégal. Malheureusement nous n’avons jamais reçu de réponse de la part du ministre. On a demandé ceci parce qu’il y avait des associations de pécheurs qui se sont rapprochés de nous et qui nous avaient demandé de mener des investigations pour cela », persiste Ibrahima Cissé, responsable de campagne Océans de Greenpeace Afrique.

(SUDQUOTIDIEN)

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