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Afghanistan : Les talibans relancent la guerre contre l’opium, un combat perdu d’avance?

Dans un Afghanistan toujours en pleine tourmente, les talibans confirment leur intention d’éradiquer la culture du pavot pour mettre fin au trafic de l’opium.

Cette information a été relayée par les paysans de Kandahar, l’une des principales provinces productrices de pavot avec Helmand et Orozgan, trois régions situées au sud du pays. À un mois des semences, cette campagne anti-drogue est prise très au sérieux; face à la crainte de la pénurie, le cours de l’opium brut servant à fabriquer l’héroïne a récemment triplé, en passant de 70 à 200 dollars le kilo, rapportent nos confrères du Wall Street Journal. Le porte-parole des talibans avait annoncé la couleur dès la mi-août, les cultivateurs sont maintenant avertis lors de réunions locales avec les nouvelles autorités du pays.

Un empressement de la part des talibans

80 % de l’opium et de l’héroïne consommées dans le monde proviennent d’Afghanistan. Mettre fin à ce trafic dirigé surtout vers l’Europe, la Russie et le Moyen-Orient serait un gage donné par les nouveaux maîtres de Kaboul. Ils veulent ainsi convaincre de leur réelle volonté d’établir de bonnes relations avec le reste du monde. Au moment où l’aide internationale s’évapore, au moment où les réserves de change permettant d’importer s’assèchent, les talibans ont un besoin urgent de nouer le dialogue avec les institutions internationales.

Une source de revenu illégale, mais substantielle !

D’après un officiel américain cité dans un récent rapport de l’inspecteur général spécial américain pour la reconstruction, 60 % des revenus des talibans provenaient jusqu’à maintenant du pavot. Un chiffre très contesté, notamment par l’expert David Mansfield, qui, lui, minimise l’importance de cette soi-disant poule aux œufs d’or. Néanmoins, ces revenus, qu’ils tombent ou pas dans la poche des talibans, jouent un rôle vital dans l’économie afghane. Un ancien du département d’État américain dit en plaisantant à moitié que la drogue est la plus grande industrie afghane après celle de la guerre. Le pavot génère 7 à 10% du PIB afghan selon l’abondance de la récolte et l’évolution du marché des stupéfiants. Au moment où l’économie est exsangue, on peut douter de la détermination des talibans à mener à son terme cette croisade anti-drogue qui pourrait aussi dans un premier temps aggraver les difficultés des Afghans.

Une croisade anti-drogue déjà entamée en 2000

Effectivement, sous leur férule, la production de pavot chute cette année-là de 90%. Un résultat impressionnant mais très bref. Et politiquement très coûteux : quand les Américains débarquent pour les évincer, les Afghans appauvris par cette interdiction vont rapidement tourner le dos à l’armée des islamistes. Les États-Unis prennent la relève et déversent des milliards de dollars pour lutter contre ce trafic. En pure perte : entre 2002 et 2020, les surfaces plantées en pavot ont quadruplé.

Les talibans peuvent-ils gagner cette guerre contre l’opium que les Américains ont perdue ?

Pour réussir, il faut être en mesure de proposer une alternative au pavot, rentable et durable. La Thaïlande qui était un producteur secondaire d’opium est parvenu à l’éradiquer de ses campagnes mais c’était alors un pays en pleine expansion avec des emplois à offrir en contrepartie. En Afghanistan, les talibans conseillent aux paysans de s’orienter vers des cultures de substitution, comme celle du safran. C’est aussi ce qu’ont fait les Américains. La filière est encore naissante. On verra si elle est en mesure de remplacer celle du pavot, bien rôdée, pratiquée depuis des générations et à même de fournir rapidement du cash aux cultivateurs.

(RFI)

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