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A un mois du Ramadan : Les aviculteurs se bousculent chez les vendeurs de poussins

Bientôt le Ramadan, mais pour les aviculteurs, l’on se projette déjà sur la Korité. Cependant, la préparation n’est pas de tout repos. Entre rupture de stocks et cherté de l’aliment, l’inquiétude gagne beaucoup d’acteurs. Une situation qui risque de menacer cette période de traite pour les aviculteurs. Vers une hausse du prix du poulet ? Les acteurs ne l’excluent pas.

Aviculteurs d’occasion ou professionnels, difficile de les reconnaître en cette période. À moins de trois semaines du mois de Ramadan, le secteur attire de plus en plus d’acteurs. Il faut se rendre chez les vendeurs de poussins pour s’en rendre compte. En cette matinée de lundi, l’entrée principale de la Sedima est très dense. Les va-et-vient sont incessants. À la sortie, un groupe de jeunes vient de récupérer sa commande. C’est une bande de 1000 poussins répartis en 20 cartons de 50, nous explique le plus âgé, pendant que d’autres s’affairent à ranger les caisses dans une voiture pick-up. Pendant ce temps, les mouvements continuent. Le sourire sur le visage de cet homme devant des cartons de poussins en dit long sur sa joie. Il dit avoir passé sa commande depuis plus d’une dizaine de jours, « mais le timing est bon ». En plus d’avoir récupéré sa commande, il en a profité pour en passer une autre. L’objectif, selon lui, est de vendre pour la Korité prévue dans moins de 50 jours, mais surtout de profiter de la période de rupture qui succède aux grandes fêtes. « C’est sur toute l’année que nous travaillons. L’objectif est de ne pas avoir de rupture », explique-t-il.

Si ces aviculteurs ont la chance d’avoir récupéré leurs commandes de poussins, pour beaucoup d’autres, c’est le calvaire et l’inquiétude. Pour en avoir le cœur net, il faut se mettre dans les habits de quelqu’un qui cherche désespérément poussins. C’est ainsi qu’on nous indique Salimata, une vendeuse de poussins basée au marché Gueule Tapée. Trouvée à l’entrée de son magasin niché quelque part au cœur du marché, la dame voilée ne quitte jamais son téléphone.

Demande supérieure à l’offre

« Je reçois énormément de commandes. Mais, je privilégie les clients fixes, c’est-à-dire ceux qui sont actifs toute l’année. Le souci dans ce secteur, c’est qu’à l’approche des fêtes, il y a énormément de personnes qui veulent tirer profit de la demande », explique-t-elle tout en livrant, un à un, les cartons. Pour les nouvelles commandes, même si elle en prend, la dame se veut claire. N’étant pas sûre de réceptionner d’autres livraisons à temps, elle dit prendre la précaution de prévenir ses clients. « Je leur dit clairement ce qu’il en est. Il se peut que toutes les commandes ne soient pas satisfaites parce que la demande est forte », dit-elle.

Ismaïla, assis à même le sol, est dépité. Ses chaussures couvertes de poussière en disent beaucoup sur sa fatigue. Depuis deux jours qu’il cherche des poussins, il n’arrive pas à en trouver. Résigné, il décide de prendre le risque de tout miser sur Salimata. « À défaut, dit-il, je vais me positionner sur l’après Korité ». C’est à peine s’il ne débite pas des insanités, avant de prendre congé de ses camarades éleveurs.

COMMANDES ARRÊTÉES À TEMPS

Les producteurs jouent la carte de la prudence

Ablaye Tall, lui, est dépité. Même si les réponses négatives s’accumulent, il ne l’entend pas de cette oreille. Aujourd’hui, tous ses calculs sont faussés. Il avait participé à une tontine pour justement se lancer dans l’aviculture en cette période de fête. Depuis bientôt une semaine qu’il cherche, la meilleure offre qu’il a trouvée lui promet une livraison entre le 25 et le 30 mars. « Trop juste », selon lui.

N’ayant plus le choix, il décide de s’en contenter. Hélas, c’était trop tard. Après moult appels, il finit par joindre celui qui lui avait fait l’offre. La réponse l’achève : « Désolé, nous avons bouclé les commandes. Les prochaines, c’est pour début avril », lui dit-on. Découragé, il se ronge les ongles, le regard absent.

Le constat est le même chez les producteurs de poussins. Ils ne sont pas moins de cinq sur le marché sénégalais, en plus de quelques acteurs informels. C’est sur Internet qu’il faut trouver les contacts des services commerciaux. Mais, comme s’ils s’étaient passés le mot, ils ont tous arrêté de prendre des commandes.

FACE À LA FORTE DEMANDE

Les acteurs véreux en profitent

Aussi incroyable que cela puisse paraitre, il existe des acteurs qui profitent de la situation de pénurie ou de rupture. Selon Moussa qui administre un groupe WhatsApp dédié aux aviculteurs, à chaque période, il y a une variété de poussins de très mauvaise qualité. Généralement, dit-il, les vendeurs sérieux ne les commercialisent pas. Ils préfèrent les élever eux-mêmes et les bazarder aux restaurants. « Ce sont des poussins qui peuvent mettre deux mois avant d’atteindre deux kilogrammes. Maintenant, avec cette période de pénurie, ils n’hésitent pas à les mettre sur le marché, au grand dam des aviculteurs », révèle-t-il. C’est pourquoi, dit Moussa, les vrais aviculteurs n’achètent pas n’importe où, quitte à ne pas profiter de la période de

PLUS DE 2000 FCFA SUR LE SAC D’ALIMENT

Vers une hausse des prix du poulet ?

De 15 000 FCfa, le prix du sac d’aliment est passé à 17 000, voire 17 500 FCfa, à certains endroits. Principale poste de dépense de l’élevage de poulets, le prix de l’aliment représente près de 90 % du prix de revient. « Le poussin ne coûte pas plus de 550 FCfa. Le principal souci, c’est l’aliment. Rien que pour une bande de 50 poussins, on a besoin d’au moins six sacs. Pour quelqu’un qui a 100 poussins, la hausse est de 24 000 FCfa », fulmine Ismaïla, aviculteur établi à Guédiawaye. Pour lui, il n’y a qu’un seul moyen de combler ce gap, « c’est de revoir les prix à la hausse ». Et de marteler : « Je ne compte pas vendre à moins de 3500 FCfa ; c’est clair ».

À la tête d’une structure qui travaille sur des bandes de 2000 poussins, Marème Kane a l’habitude de fournir à des revendeurs. Mais, juste après avoir démarré, elle a pris la peine d’appeler tous ses clients pour leur faire comprendre que les prix seront revus. « Je ne vais pas vendre à perte quand même ! La hausse est énorme. Imaginez quelqu’un qui consomme 240 sacs en moyenne, vous lui dites qu’il y a une hausse de 1500 FCfa sur chaque sac ? Il est obligé de se réajuster, à moins qu’il soit un philanthrope », dit-elle avec un large sourire.

(LESOLEIL)

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