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Vaccin contre la covid-19,, ZLECAF, numérique et conflits : Les réponses de Paul Kagamé, Mactar Diop, Tedros Ghebreyesus et Ngozi Okonjo-Iweala

Pour la relance des économies africaines dans un contexte de pandémie, des dirigeants africains recommande une coopération sur les plans sanitaire, économique et sécuritaire. Ils s’exprimaient hier lors de la célébration de la journée mondiale de l’Afrique

En marge de la journée mondiale de l’Afrique, la banque africaine UBA (United bank for Africa) a renoué avec ses traditionnels débats autour des priorités du continent. Via un webinaire, le Président rwandais Paul Kagamé, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Abdhanom Ghebreyesus, la directrice de l’Organisation mondiale du commerce, Ngozi Okonjo-Iweala, et le directeur général de la Société financière internationale, Mactar Diop, ont, durant deux tours d’horloge, échangé avec des Africains des quatre coins du monde. Si l’Afrique se remet peu à peu des contaminations liées à la Covid-19, il se trouve qu’en termes d’accessibilité du vaccin le continent est lésé.

Une situation qui, selon les panélistes, exige une coopération entre les pays africains pour la production de vaccins. ‘’L’Afrique n’a pas connu le même niveau de dévastation que le reste du monde, mais ce sont les pauvres et les personnes les plus vulnérables qui sont les plus touchés. Nous ne devons pas baisser les bras et nous fier seulement à l’importation de vaccins. L’Afrique doit commencer à produire ses propres vaccins contre la Covid-19, mais aussi, contre les autres maladies, car la pandémie a montré que l’accès aux soins et aux vaccins n’est pas un luxe, mais une nécessité humanitaire’’. Ce plaidoyer, le docteur Tedros Ghebreyesus l’avait également fait, lors de l’assemblée annuelle des ministres de la Santé, lundi, dénonçant une ‘’scandaleuse inégalité’’ dans la distribution des vaccins.

A ce jour, 75% des vaccins ont été distribués à 10 pays et l’Afrique est à un taux de 1,5% (25 millions de doses administrées).  L’OMS affirme être à pied d’œuvre pour une distribution équitable de vaccins. ‘’On assiste à une sorte de nationalisme du vaccin et, pour certains, c’est une forme d’apartheid des vaccins. Aucun pays ne devrait se sentir à l’abri, tant que le virus circule. Pour mettre fin à cette pandémie, le monde doit se mettre d’accord sur la manière d’opérer, au lieu de créer des confrontations. Il nous faut la coopération et non la confrontation par le partage de ce qui est disponible. C’est dans l’intérêt des pays développés qu’il y ait une répartition équitable des vaccins’’, insiste le directeur général de l’OMS. Qui préconise ‘’une approche proactive’’ aux pays africains.

 Une analyse que partage le Président rwandais qui insiste sur la coopération africaine : ‘’il est très important de travailler ensemble pour la fabrication des vaccins, nous ne pourrons pas sortir de ce choc, sans investir davantage dans nos systèmes de santé. Ce ne sera pas la dernière crise sanitaire mondiale et quand on parle d’émergence de l’Afrique, on doit comprendre un continent qui a confiance en ses potentialités’’.

Du côté de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala demande une plus grande protection de la jeunesse africaine contre le virus, car étant la portion la plus productive. ‘’Nous devons les protéger par une approche commune, créer un groupe d’acquisition des vaccins, en nous rassemblant de façon à corriger cette inégalité dans la distribution des vaccins. Aussi, il est inconcevable que nous importions 99% de nos vaccins. Si nous prenons les dispositions nécessaires, nous arriverons à produire des vaccins sur le continent’’, soutient la directrice de l’OMC.

Kagamé : ‘’Le numérique est une aubaine’’

Convaincus que le redressement de la croissance économique des pays africains, dans ce contexte sanitaire particulier, ne se fera que par les Africains, les panélistes du jour fondent beaucoup d’espoir sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). La directrice de l’OMC estime que ‘’sur le long terme, il va falloir diversifier notre économie. Nous sommes très vulnérables aux fluctuations des prix des matières premières. C’est en ce sens que la ZLECAF est une opportunité et pour la soutenir, il faut améliorer la logistique au niveau des frontières, car on y trouve encore de longues queues. Les mouvements des biens et des personnes au niveau des frontières doivent être fluides. Il y faut créer plus d’infrastructures. Si nous voulons compter sur nous plutôt que sur l’extérieur, nous devons faire marcher cette ZLECAF. Elle doit être un succès. Si les Africains arrivent à travailler ensemble pour sortir de cette pandémie, pourquoi pas sur des questions plus importantes? Nous sommes capables d’en faire davantage’’.

Les leaders africains doivent s’assurer de la bonne marche de la ZLECAF, pense pour sa part le Président Paul Kagamé qui déplore une absence de volonté politique. Le numérique apparaît, selon lui, comme une aubaine pour la concrétisation de la ZLECAF.  ‘’C’est une question que nous devons prendre en charge de façon urgente.  Nous assistons à la quatrième révolution, celle du numérique qui couvre tous les secteurs, ajoute-t-il. Le plus important, aujourd’hui, est de voir comment relier nos pays et intégrer les industries dans un marché plus grand, faciliter les mouvements de personnes, en utilisant la technologie qui va aussi intervenir dans la gouvernance et la reddition des comptes. Avec l’avènement de la pandémie, beaucoup de choses ont été facilitées par la création de certains outils, nous devons passer à l’aspect pratique, en utilisant ces outils créés par la quatrième révolution industrielle. La pandémie nous a montré l’efficacité de ces outils, donc nous n’avons pas besoin de prêcher’’.

 Pour une amélioration de la croissance à court terme, ces Africains recommandent la mise en place de mécanismes de recouvrement et des investissements dans le secteur des services tels que le tourisme et l’hôtellerie.

En outre, le passeport de l’Union africaine et le soutien aux jeunes entrepreneurs sont, estiment-ils, des leviers de développement à ne pas négliger. Pour l’économiste Mactar Diop, ‘’créer de la croissance revient à encourager les entreprises, les start up et à créer un libre-échange entre les pays africains. Nous pourrons ainsi, soutient-il, créer des chaînes de valeurs locales et régionales pour lutter contre la pauvreté. La technologie digitale a le potentiel de booster la productivité et de créer de nouveaux emplois. Quand on est en face du danger, on a la bonne attitude : à savoir travailler ensemble et faire face. Nous devons continuer cela sur le long terme. C’est souvent une réaction face à une grave crise, or nous devons agir de façon collective. L’autre point important est de documenter les initiatives qui ont connu du succès sur le continent et échanger les expériences entre les différents pays nous’’.

A l’en croire, la dynamique de la Société financière internationale est d’encourager les sociétés africaines à faire des affaires sur le continent plutôt qu’avec l’extérieur. S’il y a une leçon que l’Afrique doit tirer de la pandémie, c’est bien la nécessité d’avoir un système de santé solide. Ces quatre personnalités africaines s’accordent une fois de plus sur sa construction par une approche commune.

‘’Pour lutter contre les conflits, il faut s’attaquer aux causes’’

Quant au volet sécuritaire, le Président rwandais estime que l’enjeu aujourd’hui est de prévenir les conflits, en s’attaquant aux causes. ‘’En Afrique, quand on règle un conflit, un autre se déclenche concomitamment. Certes, nous devons fournir les ressources nécessaires pour les régler, mais il faut également changer les mentalités et les relations entre les différents pays. En cas de crise, si nous n’investissons pas pour en finir avec les causes qui sont la racine de ces crises, nous ne réussirons pas. Nous ne devons pas seulement parler, mais accompagner nos paroles d’actes. Nous connaissons les problèmes que nous devons régler : investir dans les femmes, les jeunes. Mais au lieu de cela, nous nous occupons des intérêts de la minorité, en oubliant les préoccupations de la majorité. Les pays africains doivent discuter ensemble pour la stabilité du continent et agir sur le terrain’’.

Dans le cadre des relations internationales, Paul Kagamé se montre intransigeant : Entre l’Afrique et le reste du monde, il doit y avoir un respect mutuel. ‘’Cela s’impose. Pourquoi l’Afrique ne mérite pas le respect comme les autres? La pauvreté, les problèmes que nous rencontrons ne sont pas notre identité, c’est le résultat d’une combinaison de facteurs et nous devons sortir de cette situation par les interactions. Les autres doivent aussi nous respecter car la pauvreté n’enlève pas la dignité humaine’’.

La journée mondiale de l’Afrique est un événement qui demeure méconnu du grand public, elle célèbre l’anniversaire de la signature des accords de l’Organisation de l’union africaine (OUA), le 25 mai 1963. C’est l’occasion pour chaque pays d’organiser des événements dans le but de favoriser le rapprochement entre les peuples africains.

MESSAGES AUX JEUNES

Paul Kagamé (Président rwandais) 

 ‘’Vous avez la responsabilité de vous défier’’

‘’Demandez-vous ce que vous voulez faire dans la vie et faites en sorte d’arriver au niveau où vous voulez être. Vous devez être généreux et pour cela, il faut avoir quelque chose à donner. Vous avez la responsabilité de vous défier vous-mêmes. N’attendez pas trop des autres.  Les Africains doivent renforcer leurs capacités. Ce sont mes convictions.’’

Ngozi Okonjo-Iweala (directrice OMC) 

 ‘’N’ayez pas peur du risque’’

‘’Ne laissez rien contrer votre imagination et votre volonté d’essayer de nouvelles choses. N’ayez pas peur du risque. J’ai pris des risques en postulant à ce poste, beaucoup ont tenté de me décourager. Prenez des risques pour faire quelque chose qui vous passionne, quelque chose qui vous donne envie d’aller travailler tous les matins’’

Mactar Diop (directeur général SFI) 

 ‘’Parlons aux jeunes’’

‘’Ne laissez personne fixer vos limites, c’est valable pour les jeunes comme pour les pays. N’acceptez pas que personne limite vos aspirations. Le succès individuel n’a de sens que s’il s’inscrit dans un succès collectif. Acceptons d’apprendre des jeunes, parlons aux jeunes’’

Tedros Abdhanom Ghebreyesus (directeur général OMS) 

 ‘’ L’Afrique a besoin du soutien de ses propres fils’’

‘’Les jeunes doivent avoir comme mentalité la volonté de servir leur communauté et l’humanité. L’Afrique a besoin du soutien de ses propres fils. Ils doivent contribuer au développement du continent partout où ils se trouvent. Soyez généreux ! La mentalité vaut tout pour réaliser toute chose. Avoir la bonne mentalité, celle de servir votre communauté en bonne foi et être généreux les uns envers les autres. Aujourd’hui, nous devons discuter de façon candide de la pandémie, apprendre de nos erreurs, c’est la meilleure collaboration possible’’.

(ENQUETE)

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