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Siandou Fofana : «La Côte d’Ivoire entend se positionner dans le Top 5 des pays africains à fort potentiel touristique»

Siandou Fofana, ministre du Tourisme de la République de la Côte d’Ivoire, revient dans cet entretien exclusif avec La Tribune Afrique sur les enjeux et défis auxquels fait face le secteur touristique ivoirien. Avec la stratégie « Sublime Côte d’Ivoire », Siandou Fofana entend faire de son pays la cinquième destination d’Afrique d’ici 2025.

La Tribune Afrique – La crise pandémique a quasiment mis à l’arrêt les économies africaines, notamment le secteur touristique. Comment se porte aujourd’hui le secteur ivoirien du tourisme ?

Siandou Fofana – Dans le contexte actuel de crise pandémique, la Côte d’Ivoire a su tirer son épingle du jeu en évitant la récession qu’ont connue la plupart des pays, notamment africains. Le taux de croissance, qui variait habituellement entre 7 % et 8 %, est passé à 2,6 %. Pour ce qui est du secteur touristique, les chiffres les plus récents de l’Organisation mondiale du tourisme avancent une baisse nette de 80 % de l’activité à échelle mondiale.

Au niveau national, le secteur touristique représentait 7,5 % du PIB en 2019. En 2020, ces chiffres ont été impactés par la pandémie, puisque nous sommes passés de 2,3 millions à 600 000 visiteurs en l’espace de quelques mois. Personnellement, et en tant que premier responsable du tourisme ivoirien, je n’ai pas vécu cette crise comme une menace, mais plutôt comme une véritable opportunité pour repenser de nouveaux scénarios de développement en Côte d’Ivoire.

Le nombre d’arrivées touristiques en Côte d’Ivoire a franchi la barre des 2,3 millions de visiteurs par an au cours de la dernière décennie. Depuis plus d’un an, vous avez lancé « Sublime Côte d’Ivoire », un ambitieux plan national de développement touristique d’ici 2025. Pourquoi une telle décision et quel est son principal objectif ?

La stratégie « Sublime Côte d’Ivoire » a pour ambition première de positionner la Côte d’Ivoire parmi le Top 5 des pays à fort potentiel touristique à l’échelle du continent.

Cette feuille de route vise également à faire de la Côte d’Ivoire un des pays les plus prisés du tourisme d’affaires, voire la première destination africaine des déplacements professionnels. Au vu de notre positionnement géostratégique, cette aspiration est plus que réaliste.

Enfin, le lancement de notre stratégie comprenait un dernier objectif phare : celui d’atteindre 5 millions de visiteurs internationaux à l’horizon 2025.

Au-delà de ces prévisions, trois objectifs complémentaires devraient également être atteints : contribuer significativement à la création de 750 000 nouveaux emplois ; s’imposer comme un moteur du développement territorial et participer activement aux politiques de décentralisation visant à promouvoir les activités économiques de nos régions ; et faire du tourisme un générateur de points de croissance pour notre pays. Situé entre 8 % et 10 % du PIB, ce secteur pourrait réellement contribuer à la croissance du pays, tout en s’alignant à la moyenne mondiale (10 %). Le secteur touristique, après les matières premières et l’agro-industrie, est le troisième pilier de développement économique du pays.

En résumé, la stratégie « Sublime Côte d’Ivoire » entend faire de la Côte d’Ivoire un pôle incontournable du divertissement et du loisir touristique, ainsi qu’un hub pour le tourisme d’affaires dans toute la sous-région ouest-africaine.

« Sublime Côte d’Ivoire » suppose des fonds pour financer les projets. Quels montants l’Etat est-il aujourd’hui prêt à supporter pour accélérer la relance du secteur ? Vous avez également effectué une tournée à l’international afin de susciter l’intérêt des investisseurs et mobiliser les fonds nécessaires à la mise en œuvre de « Sublime Côte d’Ivoire ». Les promesses avancées par les investisseurs ont-elles été concrétisées ?

En termes d’investissements, notre pays a fait le choix de privilégier le secteur privé et d’adopter des stratégies économiques reposant sur le modèle libéral. Dans les projets public-privé de création de zones touristiques, l’Etat participe donc au niveau foncier, mais aussi en dispensant des garanties. Ces apports sont essentiels pour des infrastructures de cette envergure. L’engagement étatique passe également par la formation professionnelle. Le gouvernement fait en sorte de développer les formations aux métiers du tourisme afin que les jeunes puissent bénéficier des 450 000 emplois qui seront prochainement pourvus par le secteur.

Par ailleurs, nous avons effectivement participé à des tables-rondes aux Emirats arabes unis et en Allemagne afin de mobiliser le secteur privé et les fonds d’investissement. Nous avons obtenu de la part de ces derniers des intentions et des échos positifs. L’arrivée de la crise pandémique a néanmoins freiné les activités et marqué un temps d’arrêt. Aujourd’hui, fort heureusement, les investisseurs sont de nouveau mobilisés. Il y a quelques semaines, des investisseurs que nous avions sollicités sont venus en Côte d’Ivoire afin de concrétiser leurs promesses.

Y a-t-il aujourd’hui une mutualisation des efforts au niveau des gouvernements de la sous-région ouest-africaine pour relancer le secteur touristique ?

A l’échelle de la CEDEAO et de l’UEMOA, nous nous réunissons virtuellement à intervalles réguliers entre ministres en charge du tourisme. Nous discutons actuellement d’un projet qui sera porté par une directive communautaire. L’objectif est d’installer un programme commun qui permettrait de dynamiser les activités touristiques de la sous-région et les déplacements intra-communautaires, en misant notamment sur la dématérialisation de certains documents de voyage.

Nous menons en parallèle un projet de tourisme de croisière pour les pays côtiers de la sous-région. Nous sommes aujourd’hui dans la phase d’études des mesures de sécurité et d’installation de circuits internes.

L’autre projet à l’étude au niveau régional est la création d’un fonds de garantie qui puisse servir de support à une chaîne d’exploitation hôtelière régionale, ainsi qu’aux startups qui souhaitent intégrer l’écosystème touristique de la région ouest-africaine.

Par ailleurs, la Côte d’Ivoire a été désignée à la fois membre du Conseil exécutif et hôte de la Journée mondiale du tourisme 2021, lors de la 23e Assemblée générale de l’Organisation mondiale du Tourisme, à Saint-Pétersbourg. En amont de cet événement d’envergure qui se tiendra le 27 septembre prochain, nous envisageons d’organiser une Quinzaine touristique afin de valoriser nos régions, dont beaucoup regorgent de grandes potentialités touristiques.

La Journée mondiale sera quant à elle l’occasion de rappeler que la Côte d’Ivoire est un pays touristique phare à l’échelle du continent et peut devenir une destination de référence au niveau mondial.

Le complexe touristique « Serena Village » (situé à Bietry, dans la zone résidentielle de luxe d’Abidjan) est un exemple de projets qui peuvent porter la Côte d’Ivoire sur le podium des destinations les plus prisées de la région ouest-africaine. Quels sont les autres projets phares de votre plan « Sublime Côte d’Ivoire » et quels seront leurs effets directs et indirects sur la dynamique économique et la création d’emplois ?

Le caractère unique de la stratégie « Sublime Côte d’Ivoire » s’appuie sur plusieurs projets. Tout d’abord, une infrastructure-symbole prenant la forme d’un bâtiment emblématique de plus de 75 étages [la plus grande tour de la sous-région, ndlr] et d’une tour de 225 mètres à la Place des Nations à Abidjan, incarnant l’indicatif international de la Côte d’Ivoire.

Le second pilier repose sur le développement d’un modèle économique équitable, prenant la forme d’un village dont les produits de rente seront labellisés et contrôlés. Leurs sites de production deviendront des destinations touristiques, ce qui mettra en avant l’économie des territoires et participera au développement des activités touristiques inclusives et éco-responsables.

Pour finir, la Route des Rois et la Route des Trésors africains doivent devenir des circuits incontournables de la préservation de la culture et des traditions ivoiriennes.

(AFRIQUE LA TRIBUNE)

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