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La France restituera les “biens mal acquis” aux populations flouées

Le Parlement français a adopté définitivement la réforme de l’aide française au développement qui crée un dispositif de restitution aux populations des avoirs saisis dans les affaires dites de “biens mal acquis” par des dirigeants étrangers. Le premier cas concret devrait être celui de la Guinée équatoriale, si un arrêt de la Cour de cassation attendu le 28 juillet confirme la condamnation du vice-président Teodorin Obiang et la confiscation de ses biens en France.

Ce projet de loi concrétise l’engagement d’Emmanuel Macron de porter l’aide publique au développement (APD) à 0,55% du revenu national brut (RNB) à la fin de son quinquennat en 2022. “C’est un texte essentiel pour l’avenir de notre diplomatie”, a souligné le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, vantant “une loi à la fois stratégique et humaniste”.

Ce dispositif permet en outre de doter la France d’un mécanisme de restitution aux populations concernées des recettes provenant de la confiscation par la justice française de “biens mal acquis”, réclamé par les ONG depuis près de 15 ans. Les “biens mal acquis” désignent des avoirs et biens publics détournés par des dirigeants étrangers ou leurs proches à des fins personnelles : biens immobiliers luxueux, voitures, montres, comptes en banque…


“Ce dispositif constitue un moyen très concret pour lutter contre les ravages de la corruption et de la prévarication”, a souligné Jean-Yves Le Drian. Le texte prévoit que soient “restituées, au plus près de la population de l’État étranger concerné”, les “recettes provenant de biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour blanchiment, recel…”, au lieu d’être absorbées dans le budget de l’Etat français.

En pratique, une ligne budgétaire spécifique, abondée par la revente des biens, est attendue dans le budget français sous la responsabilité du ministère des Affaires étrangères. Elle doit financer des “actions de coopération et de développement”, au “cas par cas” dans les pays concernés, en matière de santé, éducation, égalité femmes-hommes…


Le premier cas concret devrait être celui de la Guinée équatoriale, si un arrêt de la Cour de cassation attendu le 28 juillet confirme la condamnation du vice-président Teodorin Obiang et la confiscation de ses biens en France. Le fils du président de Guinée équatoriale a été condamné en appel le 10 février 2020 à trois ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amendes et des confiscations.
Avancée historique
Les restitutions devront articuler respect de la “souveraineté” des Etats concernés et inclusion de la société civile pour éviter que l’argent ne reparte dans des circuits de corruption. La mission s’annonce délicate en Guinée équatoriale, dirigée depuis bientôt 42 ans par Teodoro Obiang Nguema. “C’est un cas d’école”, reconnaît Jean-Pierre Sueur, qui a œuvré très activement pour l’adoption du dispositif et salue “une avancée historique”.

Le Sénat à majorité de droite avait adopté en première lecture, en mai 2019, une proposition de loi du sénateur PS qui posait le principe d’une restitution aux populations victimes de l’argent “confisqué” par la justice française dans des affaires de corruption internationale. Mais le gouvernement avait alors souhaité attendre la remise d’un rapport sur la question confiée aux députés Laurent Saint-Martin (LREM) et Jean-Luc Warsmann (UDI et indépendants).

“Je resterai vigilant quant aux modalités pratiques afin que les sommes restituées ne soient pas confondues avec le budget de l’aide publique au développement”, a indiqué Jean-Pierre Sueur. L’organisation Transparency International France salue elle aussi une “avancée considérable, après 14 ans de procédures et de plaidoyer de la part des ONG”.


Plus globalement, le projet de loi redéfinit la “doctrine française” de l’aide publique au développement. Il fixe 19 pays prioritaires : Haïti et 18 pays d’Afrique subsaharienne, et prône une politique de dons plutôt que de prêts. Le texte indique en outre que la France “s’efforcera” en 2025 de consacrer 0,7% de son RNB à l’APD, un objectif martelé depuis les années 1970 par la communauté internationale et devenu un vieux totem de l’aide au développement.

Une clause de revoyure est prévue fin 2022 pour compléter la programmation financière jusqu’en 2025. En première lecture, le Sénat avait poussé la programmation jusqu’en 2025, mais cette extension n’a pas été retenue dans l’accord auquel sont parvenus députés et sénateurs en commission mixte paritaire.

(AFRICANEWS)

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