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Impacts socio-économiques et culturels de la covid-19 : Plus d’un an de souffrance et de résilience

Au-delà des personnes décédées et des malades, la pandémie à coronavirus aura entrainé des mutations profondes dans la société, la famille et le tissu économique sénégalais. Malgré les difficultés de toutes sortes, les Sénégalais ont pu également faire preuve de beaucoup de résilience. Restitution d’une série d’études réalisées par le Lartes et d’autres partenaires sur les impacts de la crise sanitaire. 

En collaboration avec l’IFPRI, le Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales (Lartes-Ifan) a réalisé une série d’études sur l’impact de la Covid-19 sur les femmes rurales, la famille et les petites et moyennes entreprises. Dans un entretien accordé à ‘’EnQuête’’, le professeur Abdou Salam Fall, Coordinateur du laboratoire, est largement revenu sur les conclusions de ces études. Il en est ressorti des résultats sans appel.

D’abord, il s’agit de l’indicateur de faim qui est passé du simple au triple dans les deux zones rurales des régions de Kolda et de Kaolack, où une des études a été réalisée. Chez les femmes rurales, l’enquête a montré une baisse du bien-être émotionnel. Autrement dit, avec la Covid-19, les femmes se sentent de plus en plus malheureuses. Enfin, il a été noté une détérioration des liens familiaux pendant la pandémie. Au-delà du monde rural et des femmes, le coronavirus a aussi fortement touché le tissu économique, notamment les acteurs culturels et les petites et moyennes entreprises.

Selon le Pr. Fall, ‘’la pandémie a engendré un manque à gagner énorme pour l’écrasante majorité des acteurs culturels : 95,9 % d’entre eux déclarent avoir subi des pertes suite à la pandémie’’, dit-il, en citant les résultats de l’étude menée par le Lartes, en collaboration avec le musée des Civilisations noires et le musée Théodore Monod de l’Ifan.

Dans la même veine, avec Lux Dev et le soutien de l’Union européenne, il a été réalisé une évaluation sur 200 petites et moyennes entreprises (PME) dans les cinq régions sud et est du Sénégal : en l’occurrence Ziguinchor, Sédhiou, Kolda, Kédougou et Tambacounda, en avril-mai 20221. Il apparait, selon le professeur, que la Covid-19 plombe les entreprises.

‘’Effectivement, l’enquête révèle que les pertes subies (92,7 %) par les entreprises en raison de la pandémie de Covid-19, s’avèrent importantes, compte tenu du fait que la quasi-totalité d’entre elles sont de petite taille. Face à la crise sanitaire, plusieurs entreprises rencontrent une baisse d’activité qui se traduit par des pertes de revenus. La situation liée à la pandémie entraine souvent des difficultés conduisant parfois à une cessation complète de l’activité (faillite, liquidation, etc.)’’, a-t-il souligné.

La résilience des Sénégalais

Cela dit, malgré les difficultés nombreuses, les Sénégalais en général se sont montrés assez résilients par rapport aux impacts de la Covid-19, avec des changements notoires de la vie familiale. ‘’La crise de la Covid-19, explique Abdou Salam Fall, a renforcé les échanges entre les générations. La présence accrue des membres du ménage durant le semi-confinement a favorisé la réalisation d’activités communes. Malgré les contraintes financières rencontrées par la quasi-totalité des ménages, les résistances ont été fortes’’.

Aussi, informe-t-il, la crise ne semble pas avoir eu d’effets significatifs sur le partage des tâches entre les hommes et les femmes. Par exemple, relève le sociologue, le fait de passer plus de temps ensemble n’a pas favorisé une meilleure communication au sein des couples.

Toujours par rapport aux capacités de résilience des Sénégalais et particulièrement des agents économiques, il a été démontré que les secteurs en avance sur la digitalisation s’en sont mieux sorties, durant cette phase difficile que traverse l’humanité. ‘’Le télétravail a maintenu les entreprises en activité. Des niches favorables se sont aussi développées dans le domaine de la cosmétique, de la fabrication et de la vente de masques, des produits chimiques, etc.’’, a renseigné le coordinateur du Lartes.

Dans le secteur du transport, les impacts sont mitigés. Alors que les uns sont frappés de plein fouet, d’autres ont été épargnés et même leurs business sont devenus plus lucratifs, avec le développement de nouvelles formes de transport. ‘’Les individus font recours systématiquement aux convoyeurs (Tiak-Tiak, car rapide Prestige, Yobante, etc.). Cela a entrainé une prolifération des deux-roues (Jakarta) et des calèches (transport de bagages). Néanmoins, il est utile de surveiller les externalités négatives de ces innovations sociales qui se traduisent par davantage d’accidents, la sédentarité des personnes gestionnaires de l’économie domestique, entre autres, la restriction des loisirs entrainée par l’amplification de l’espace de travail dans la sphère domestique, etc.’’.

Perspectives

Au terme du diagnostic, le Lartes a retenu un certain nombre d’axes relativement aux perspectives. Pour le Pr. Fall, l’heure est venue d’évaluer la riposte, de soutenir l’emploi et les secteurs sociaux que sont la santé, l’éducation, la protection sociale, le transport, les acteurs culturels, etc.

‘’Sur le plan de la communication, souligne-t-il, il faudrait évaluer la campagne médiatique au grand public, mettre en avant la communication de proximité ainsi que l’acceptation sociale des vaccins anti-Covid-19…’’.

Sur le plan de l’engagement communautaire et professionnel, il faut évaluer l’implication des leaders religieux et communautaires selon l’évolution de la pandémie. ‘’Nous observons systématiquement les bouleversements familiaux qui sont plus durables. Il est indispensable de protéger le monde du travail et d’accroitre les créations d’emplois. De même, il convient de mettre en place des fonds dédiés aux PME’’, a souligné le professeur Abdou Salam Fall.

Par ailleurs, affirme le chercheur, la Covid-19 aura appris aux décideurs l’urgence de développer des stratégies globales de santé publique, en favorisant des investissements structurants pour les secteurs sociaux. ‘’Le soutien exceptionnel aux personnels de santé s’avère indispensable afin de compenser partiellement les nombreux sacrifices induits par la pandémie’’, a soutenu le coordinateur du Lartes.

(ENQUETE)

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