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France-Afrique : Les enjeux du sommet de Montpellier

Ce vendredi, Montpellier (sud de la France) est le théâtre d’un sommet France-Afrique inédit de par la composition des invités. A la place des présidents africains, le chef de l’Etat français Emmanuel Macron va discuter avec des jeunes représentants « la société civile africaine » afin de « refonder » la relation des deux bords de l’Atlantique et de la Méditerranée. Une initiative discréditée par une partie de l’intelligentsia africaine qui la qualifie de « rupture en trompe-l’oeil ».

Sur la vingtaine de journaux quotidiens sénégalais, seuls quelques rares ont titré, vendredi, sur la tenue du Sommet France-Afrique de Montpellier. Pour la première fois depuis 1973, début des sommets France-Afrique (devenus Afrique-France), aucun chef d’Etat du continent n’est invité. Ce nouveau format doit permettre, selon la présidence française, « d’écouter la parole de la jeunesse africaine » et de « sortir des formules et des réseaux obsolètes ». En clair, rompre, encore et toujours, avec la « Françafrique », ses pratiques opaques et ses réseaux d’influence.

Ce seront donc de jeunes entrepreneurs, artistes, sportifs du continent qui rencontreront leurs alter ego français et de la diaspora pour discuter de sujets économiques, politiques et culturels. Puis un panel de douze jeunes Africains, du Mali, de la Côte d’Ivoire, de la Tunisie, d’Afrique du Sud, du Kenya… s’entretiendra l’après-midi avec le président Macron en séance plénière.

Ce panel a été sélectionné à l’issue des dialogues menés pendant des mois à travers le continent par l’intellectuel camerounais Achille Mbembe, chargé de préparer le sommet.

Dans son rapport, remis mardi au président français, M. Mbembe estime notamment que la France est trop déconnectée « des nouveaux mouvements et des expérimentations politiques et culturelles » portés par la jeunesse africaine.

Il souligne également que de tous les différends, « aucun n’est aussi corrosif que l’appui présumé de la France à la tyrannie sur le continent ». Le récent exemple tchadien, lorsque le président français a immédiatement apporté son soutien à la junte militaire mise en place par le fils Deby après l’assassinat de son père, est dans toutes les têtes.

Interventions militaires françaises, souveraineté, gouvernance, démocratie, « les sujets qui fâchent seront sur la table », insiste l’Elysée.

Ce sommet se tient à un moment où l’influence de la France dans son ancien pré-carré est de plus en plus disputée, particulièrement par la Russie, et où Paris est en crise ouverte avec le Mali et l’Algérie.

« L’Afrique est travaillée par deux forces: celles de l’innovation et celles de la clôture, des forces de mort. La question principale que poseront les jeunes à Macron c’est: de quel côté êtes-vous ? », assurait jeudi M. Mbembe au micro de France inter.

« Trompe-l’oeil »

Le penseur du postcolonialisme a été sévèrement critiqué par certains de ses pairs africains pour avoir accepté de piloter le sommet.

Dans une tribune publiée jeudi sur le site senegalactu.info, l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop dénonce « un faux coup de pied dans la fourmillière ». « Le face-à-face entre Macron et la société civile africaine aurait été beaucoup plus crédible ou même fructueux si on avait au moins senti sur le terrain des signes concrets de sa volonté de changement », écrit-il.

De  leur côté, les intellectuels du collectif panafricain Cora critiquent « une société civile taillée sur mesure » à Montpellier, « l’Afrique qui réussit », « pour donner l’illusion » que la France est « à l’écoute des populations africaines et de leurs intellectuels ».

Au-delà des sujets politiques, le sommet donne une large place aux acteurs économiques. Il a été précédé par des rencontres pendant deux jours à Paris avec 350 entrepreneurs africains.

Une autre table ronde sera consacrée aux questions des restitutions des biens culturels, un des domaines dans lesquels les intellectuels les plus critiques reconnaissent à Emmanuel Macron des gestes forts.

Pour le philosophe canadien d’origine guinéenne Amadou Sadjo Barry, « les lignes ont bougé sur le plan symbolique, il y a eu des gestes importants » comme la restitution de biens pillés au Bénin, l’annonce de la fin du franc CFA, la reconnaissance des « responsabilités accablantes » de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994…

A l’issue du sommet, le président français, probable candidat à sa réélection dans sept mois, pourrait faire des annonces générales, s’appuyant sur les propositions d’Achille Mbembe. Parmi elles, la création d’un Fonds destiné à soutenir les initiatives de promotion de la démocratie, des programmes permettant une plus grande mobilité étudiante, ou la mise en place d’un « forum euro-africain sur les migrations ».

(AFP)

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