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Centre d’appels : Un secteur pourvoyeur d’emplois pour les étudiants

Les centres d’appels pullulent à travers la capitale sénégalaise. Des étudiants y travaillent pour la plupart. Vu le nombre d’heures imposées dans certains d’entre eux, l’on se demande comment font ceux qui y travaillent pour suivre correctement leurs cours.

Allier études et travail n’est pas chose nouvelle dans le milieu estudiantin. Mais cette pratique est devenue, de nos jours, plus fréquente, avec l’arrivée des centres d’appels qui sont, plus que jamais, présents à Dakar. Cela s’explique, pour d’aucuns, par une nécessité financière en vue d’améliorer les conditions de vie estudiantine et, pour d’autres, par le besoin de financer ses études.

Il est 13 h 05 mn. L’heure à laquelle tout le personnel du centre d’appel Sitel prend la pause. Des groupes de 5 à 10 personnes se forment à la sortie et à l’intérieur de l’entreprise logée dans un immeuble spacieux situé en face de la place du Souvenir. Après plusieurs tentatives, Marie-Pierre Fall, étudiante en Licence 3 en sociologie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, accepte d’expliquer les raisons de sa présence au sein de cette entreprise. ‘’Je travaille à Sitel groupe. Je suis là pour des raisons financières. Vu les conditions difficiles de vie qu’il y a ici à Dakar, j’ai jugé nécessaire de travailler pour subvenir à mes besoins’’, confie-t-elle.

Comme Marie-Pierre, l’étudiante Astou Fall allie aussi études et emploi. Cette jeune fille voilée de teint noir s’apprête à se rendre au boulot, au moment de notre échange. ‘’Après ma Licence à l’Ucad, j’ai intégré les centres d’appels pour prendre en charge mes dépenses et avoir une expérience en communication’’, déclare l’employée au groupe Majorelle. Elle nous explique qu’avec les primes de performance qui dépendent des objectifs et le salaire de base qui est de 80 000 F CFA, elle peut se retrouver avec plus de 100 000 F CFA à la fin du mois, même si cela ‘’ne suffit guère pour quelqu’un qui doit payer la location, la nourriture et les autres besoins indispensables pour une jeune fille’’.

La nécessité de sacrifier parfois des heures de cours

En effet, beaucoup d’étudiants migrent désormais vers ces niches d’emplois, même si des contraintes liées aux heures de travail qui leur sont imposées entravent, pour la plupart, leurs études. D’après cette stagiaire à la vingtaine révolue, très à l’aise dans sa robe beige noire, travailler dans les centres d’appels en étant étudiant signifie en quelque sorte sacrifier les études, car pour elle, ‘’c’est difficile’’. Mais les conditions de vie les y obligent. ‘’Je viens travailler, faire mon boulot comme il le faut, parce que quand on signe un contrat, on doit respecter les conditions définies par l’entreprise et que nous avons acceptées’’, ajoute notre interlocutrice.

Ce petit boulot est certes un moyen, selon ces filles, leur permettant de subvenir à leurs besoins financiers sans inquiéter les parents, mais freinent parfois leurs avancées dans les études. Donc, il arrive souvent, malgré elles, que le travail prenne le dessus sur leur cursus scolaire. ‘’Là, il s’agit de faire des sacrifices au niveau des études. Par exemple, j’attends jusqu’à la veille des examens pour déposer ma demande de congé adressée à mon manager. Sinon, je serai obligé de quitter et de déposer encore dans un autre centre d’appels après les examens’’, souligne la stagiaire.

Au lieu d’attendre les examens pour se focaliser sur les études, Fama Sylla, elle, dit avoir concocté un plan afin de ne pas trop s’absenter à l’université. ‘’Je vais à l’école deux ou trois fois par semaine et je peux rester toute une semaine sans me présenter à l’université, parce que souvent débordé au travail. De plus, on peut nous demander de venir travailler n’importe quand, pour des heures supplémentaires. Cela est stipulé dans le contrat que nous avons signé. Donc, on ne peut pas refuser de répondre quand on nous appelle’’, dit-elle.

Selon cette étudiante en 3e année à Esup Dakar, il n’est pas raisonnable de demander tout le temps des congés pour les études. ‘’Des fois, je m’absente quelques heures au travail pour suivre les cours et après, avec les supports des cours, je peux réviser avant les examens. Le travail a un impact considérable sur nos études. C’est difficile. Ce que nous faisons au niveau de ces agences et ce que nous apprenons à l’université est parfois totalement différent. De plus, c’est un travail très fatigant. A la descente, on ne peut même pas ouvrir les cahiers. Mais on n’a pas le choix, on ne peut pas rester les bras croisés, à ne rien faire et vouloir quelque chose demain’’, souligne-t-elle.

Depuis bientôt trois ans à Intelcia groupe après Majorelle, Fama considère ce travail ‘’juste comme un passe-temps’’. Même si cela lui permet de payer ses études avec un salaire de plus de 150 000 F CFA. C’est ce que soutient également Amy Ndour, étudiante et employée du groupe Majorelle, qui considère que ces entreprises, bien qu’elles apportent un ‘’surplus de connaissance’’, ne constituent pas ‘’une option’’. ‘’Ce n’est pas un secteur où on souhaite faire carrière. C’est juste passager. Donc, forcément, j’arrêterai un jour pour me concentrer à mes études’’, dit-elle.

Ces étudiantes confient aussi qu’à cause des horaires de travail très contraignants, il leur arrive, par moments, de lâcher du lest. ‘’J’ai quitté plusieurs fois les centres d’appels. Parce que les horaires de travail perturbaient souvent mes études. D’ailleurs, c’est pourquoi je n’ai pas encore de contrat à durée indéterminée (CDI). Car avec huit heures de travail par jour, je n’arriverai jamais à me concentrer sur mes études’’, indique Marie-Pierre.

Idem pour Astou qui déplore le manque de temps qui l’empêche de réviser comme elle le souhaiterait à chaque fois qu’elle veut passer un concours d’Etat. ‘’Je fais, chaque jour, dix à onze heures de travail et cela m’empêche de réviser à la descente pour pouvoir réussir à un concours d’Etat. Je suis tellement fatiguée à la descente que je ne pense pas à autre chose qu’à me reposer’’, dit-elle. ‘’Je compte vraiment reprendre les études, mais je ne pourrai pas allier les deux. Je dois m’inscrire en Master et cela demande du temps pour les recherches pour la rédaction d’un mémoire. Alors qu’on passe presque toute la journée en entreprise’’, fait savoir Astou Fall.

Répondre aux exigences de la clientèle d’abord

Toutefois, selon l’un des managers du groupe Sitel, Ibrahim Seck, ces exigences constatées au niveau des heures de travail dépendent de l’activité du candidat choisi par l’entreprise. D’après lui, dans les centres d’appels, ce sont les ‘’exigences de la clientèle’’ qu’il faut prendre d’abord en compte. ‘’Il y a certaines activités qui roulent 24h/24. Donc, dans ces circonstances, on ne peut que prendre des gens qui peuvent s’adapter à ces heures. Maintenant, si on a une activité où l’horaire est assez flexible, cela permet de faire plusieurs choses à la fois. Mais j’avoue que c’est difficile pour eux’’, reconnait Ibrahim Seck.

Téléconseiller à Intelcia, Abdallah Thiam confirme que dans leur groupe, il y a un planning aménagé pour permettre à ceux qui étudient d’opérer des changements dans leur agenda. ‘’Ainsi, ils peuvent travailler les week-ends et aller à l’université les jours ouvrables. Mais cela se fait sur demande et c’est à encourager’’, poursuit Abdallah.

Selon ce jeune homme habillé en mode ‘’Baye Lahad’’, c’est devenu un impératif, pour les étudiants, d’aller se faire de l’argent dans les centres d’appels. Car, dès l’instant qu’ils commencent à percevoir leur bourse d’étudiant, ils deviennent des ‘’objets de sollicitation’’ de leurs proches. Par conséquent, ils sont obligés de travailler pour joindre les deux bouts et un job d’étudiant, ici au Sénégal, c’est ‘’forcément un centre d’appel’’.

Par ailleurs, Abdallah Thiam estime que c’est l’Etat du Sénégal qui n’a pas pu aménager un système éducatif ‘’plus adapté’’ aux conditions de vie des étudiants. ‘’C’est le système éducatif du pays qui nous oblige à aller chercher du travail. Pour avoir le Master, il faut au minimum 25 ans d’études. Et pendant tout ce temps, on a des besoins à satisfaire’’, dit-il.

(ENQUETE)

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