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Augmentation des denrées de premières nécessité, violences dans les universités, baisse du pouvoir d’achat, impartialité de la justice : Macky SALL face à la fronde sociale

Le président Macky Sall fait face depuis plus d’une année à une forte grogne sociale dans un contexte d’augmentation des denrées de première nécessité et de manifestations en faveur du pouvoir d’achat. Ce mécontentement populaire a touché de nombreux corps professionnels et sociaux inquiets de leur avenir économique et qui réclament une amélioration de leurs conditions de travail.

2021 serait-elle une annus horribilis (ndlr : Année horrible) pour le régime de Macky Sall ? Après les émeutes populaires de mars, les retards dans les grands travaux, (BRT, TER, Port de Sendou), le gouvernement est dans l’œil de l’ouragan qui déferle en cette fin d’années. Ainsi, le front social est en ébullition, depuis plusieurs semaines : grèves du secteur du transport, des enseignants, violences dans les universités, pouvoir d’achat en berne, justice chahutée, augmentation du prix des denrées de première nécessité, cherté des factures d’eau et d’énergie.

Un climat social tendu marqué récemment par la grogne née de l’augmentation du prix de baguette de pain dans la région de Dakar qui est passé de 150 à 175 francs CFA à partir du lundi 13 décembre. L’Etat après avoir freiné des quatre fers et avoir épuisé tous ses leviers de stabilisation des prix (Taxes et droits de douane) a dû céder à la pression des professionnels de la boulangerie qui ont obtenu gain de cause. Une mesure qui risque d’attiser la grogne sociale.

En effet, depuis le début de la pandémie, le Sénégal connaît une flambée des prix des denrées de première nécessité, notamment, depuis le début de l’année 2021. En effet, le Sac de riz parfumé est passé de 15 000 à 22000 frs, le carton de l’huile à dosette est passé de 18 à 23 000 et le sucre en poudre de 575 à 700 frs. Cette crise sociale a stimulé les ardeurs du collectif « Nio Lank » qui regroupe beaucoup d’organisations de la société civile. Le mouvement « Nio Lank » entend maintenir la pression sur le régime de Macky Sall, à travers des mobilisations populaires, afin d’obtenir une baisse significative du coût de la vie.

Ces rassemblements et autres sit-in ont été violemment réprimés par le régime actuel qui craint une agrégation des colères susceptible de déboucher sur de violentes émeutes populaires. Le dernier rapport de l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) publié le 13 septembre 2021 a fait état d’une augmentation du nombre de pauvres au Sénégal qui est passé de 5 832 008 en 2011 à 6 032 379 en 2018.

Une agrégation des colères et risque d’embrasement social

Dans ce contexte, les mouvements Frapp/France Dégage et Y en Marre ont organisé, hier, une marche citoyenne pour réclamer l’indépendance de la justice (voir ailleurs). Un événement qui a aussi servi de réceptacle à toute sorte de mécontentement populaire en provenance de différents corps sociaux et professionnels comme l’Association professionnelle des régies publicitaires du Sénégal, le collectif des chauffeurs et secrétaires des CEDA du Sénégal, le collectif général des artisans et du secteur informel, le mouvement Frapp, Jammi Réew mi, Lcis, LD Debout, , le Syndicat des travailleurs des boulangeries, pâtisseries et des restaurants du Sénégal, la coalition Yewwi Askan Wi, entre autres.

Un front de la colère qui n’épargne pas le monde de l’enseignement. Les universités Cheikh Anta Diop, Gaston Berger et Aliou Diop de Bambey se sont embrasés, en début de semaine, afin de dénoncer le traitement infligé aux étudiants de Bambey. Ces derniers multiplient les actions coups de poing (grèves et sit in, affrontements contre les forces de l’ordre), suite au décès d’un de leurs camarades Badara Ndiaye, le 30 novembre dernier. Les étudiants de Bambey réclament le rétablissement de leur coordination d’étudiants, mais aussi, toute la lumière sur le décès de leur camarade Badara Ndiaye.

Les enseignants du moyen secondaire ne sont pas en reste. Le Cadre unitaire des enseignants du moyen secondaire (CUSEMS) et le Syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire (SAEMS) ont décrété un nouveau plan d’action avec le débrayage du jeudi 16 décembre, à partir de 09 heures, suivi d’une grève totale le 17 décembre 2021, afin d’exiger l’apurement des accords signés le 30 avril 2018.

Les difficultés du gouvernement de Macky Sall de répondre à la demande sociale et à freiner la hausse des prix des denrées de première nécessité constituent les principaux axes d’attaques de l’opposition autour de Yeewi Askan Wi, à la veille des élections locales du 23 janvier 2022.

Le pouvoir d’achat, principal élément déclencheur de la fronde sociale

Pour sa part Me Massokhna Kane, Président de SOS Consommateurs, dresse un tableau beaucoup plus sombre de la situation qui, d’après lui, a « dépassé le stade d’ébullition mais est en train de bouillir ». D’après lui, la volonté du gouvernement d’augmenter le prix des denrées de première nécessité est au cœur de cette montée de la fronde sociale. « Cette situation est due à une politique gouvernementale d’augmenter les prix dans plusieurs secteurs, au non-respect des accords et la non prise en compte des revendications des travailleurs dans beaucoup de secteurs. Cette hausse a eu un impact très négatif sur le pouvoir d’achat des populations. C’est le gouvernement qui a augmenté les prix et le dernier conseil de la consommation n’a fait qu’avaliser cette décision. Il a mis en avant la conjoncture internationale, ce qui, en mon sens, ne tient pas la route. Il fallait recréer un fonds de stabilisation et de péréquation, pour juguler les fluctuations des cours mondiaux de blé, afin d’éviter tout renchérissement du prix de la farine », a-t-il déclaré d’entrée.

Selon la robe noire, cette situation peut dégénérer dans un contexte de pré-campagne électorale. « Le mécontentement se généralise et il y a de nombreux secteurs comme l’éducation et la santé qui sont en crise. Cette situation peut aboutir à une agrégation des colères susceptibles de constituer un cocktail explosif qui aura forcément un impact sur le prochain scrutin. Et l’Etat devrait faire très attention à ses mécontentements. Il doit travailler à faire baisser les prix des denrées », conclut-il.

La période pré-électorale, fenêtre propice à la tenue de négociations sociales

Pour Cheikh Diop Secrétaire général de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal – Forces du changement (CNTS/FC), ces soubresauts sociaux sont la preuve de la vitalité des organisations, mais aussi, l’expression d’un passif social qui est loin d’être réglé dans ce pays. « Dans le secteur public, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation, cette demande est liée au système de rémunération des agents de la Fonction publique qui connaît beaucoup de disparités. Dans le secteur privé, Il y a aussi un passif social très lourd avec des travailleurs licenciés sans droit, des entreprises fermées et qui ne soldent pas leurs passifs. Ce contexte de mécontentement généralisé peut dégénérer à tout moment. Nous pensons qu’à la CNTS/FC, si les discussions sont bien menées, ça peut résoudre ces problèmes », soutient-il.

D’après le syndicaliste, cette période post-électorale constitue une fenêtre propice pour toutes les structures sociales désireuses de se faire entendre par le gouvernement. « Il faut aussi prendre en compte la donne qu’en période avant les élections, toutes les revendications se font entendre. C’est une période propice pour inciter l’autorité à discuter et satisfaire les demandes et certaines organisations en profite pour attirer l’attention », renseigne -t-il.

(ENQUETE)

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