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Subvention annoncée du riz paddy : Optimisme chez les acteurs de la chaine de valeur locale

Producteurs de la vallée du fleuve Sénégal et du bassin de l’Anambé expriment le même sentiment de satisfaction après la mesure prise par l’État de subventionner à hauteur de 3,2 milliards de FCfa le riz local.

Quand vous demandez au président de la Fédération des producteurs du bassin de l’Anambé (Feproba) comment il accueille la subvention du riz paddy décidée par le Gouvernement, il vous répond sans hésiter : « Avec beaucoup de bonheur. C’est une très bonne nouvelle ». Oumar Baldé parle d’une joie immense. Un gros coup de pouce du Président de la République, Macky Sall, qu’il remercie infiniment. « Nous avons, pendant longtemps, réclamé cette subvention. C’est désormais un acquis. Voilà pourquoi nous ne remercierons jamais assez le Chef de l’État », fait savoir M. Baldé, s’exprimant au nom des producteurs du bassin de l’Anambé. Son souhait et celui de tout le bassin, c’est de voir les 3,2 milliards de FCfa annoncés répartis équitablement entre tous les acteurs. « Pas de discrimination. Tous les producteurs de riz du pays doivent trouver leurs comptes dans cet appui extrêmement important accordé par le Gouvernement », dit le président de la Feproba, estimant que c’est la seule manière de booster la production locale et rendre accessible et compétitif le riz local.
C’est également le point de vue soutenu par le président du Comité de pilotage de la production de semences dans la zone sud, grand producteur de riz dans le bassin de l’Anambé. « Les transformateurs refusaient de proposer un prix au kilogramme qui dépassait 130 FCfa. Avec la subvention étatique, tout le monde est gagnant, producteurs comme transformateurs », souligne Mamadou Diang Diallo qui dit détenir par devers lui une dizaine de tonnes de riz paddy. « Je voulais attendre le bon moment pour trouver une décortiqueuse. Voilà que l’État est venu à notre secours en portant le kilogramme du paddy à un prix historique de 160 FCfa, sauvant, du coup, notre saison », se réjouit M. Diallo.
En réalité, ce sont tous les producteurs de la chaine de valeur riz local qui sont soulagés par la nouvelle subvention accordée par le Gouvernement. Dans le delta et la vallée du fleuve Sénégal, la mesure a agréablement surpris les acteurs. « J’étais en train de réfléchir sur les voies et moyens à mettre en œuvre pour me reconvertir dans d’autres métiers, car la riziculture ne me permettait plus de rembourser correctement le crédit contracté dans une banque locale. Tout change avec l’acte salutaire posé par le Gouvernement », confie Madiop Diéry Gaye, 43 ans, producteur établi dans la commune de Ronkh. Il ne cache pas sa satisfaction, faisant comprendre qu’il exploite un périmètre depuis une vingtaine d’années et que c’est la première fois qu’il enregistre un acquis aussi important. « Si le Chef de l’État est allé jusqu’à prendre cette décision, c’est parce qu’il est sensible aux efforts constants et louables que nous déployons pour contribuer à l’atteinte des objectifs du programme national d’autosuffisance en riz », estime M. Gaye. Un ingénieur agronome exploitant une parcelle dans la vallée va plus loin, estimant que le Président Sall vient de s’engager « irréversiblement » sur la voie de l’autosuffisance en riz. « Et c’est aussi la meilleure voie pour booster la production et rendre compétitif le riz local », conclut-il.

ABOUBACRY SOW, DG DE LA SAED

« La subvention va augmenter significativement la production locale » 

Le Directeur général de la Société d’aménagement et d’exploitation des terres du delta du fleuve Sénégal (Saed) salue vivement la subvention de 3,2 milliards de FCfa annoncée par le Gouvernement pour encourager la production du riz local.

Aboubacry Sow parle d’une mesure qui va alléger la souffrance des producteurs et des populations. « C’est une première. Nous assistons véritablement à une révolution de la riziculture irriguée dans la vallée, au moment où nous constatons une flambée des prix des denrées alimentaires dans le monde », fait-il remarquer, « convaincu » que la subvention accordée aux acteurs va encourager la production du riz local de façon à remplacer progressivement les importations.  

DR WALY DIOUF, COORDONNATEUR DU PNAR

« Cette subvention va rendre compétitif le riz local » 

Le coordonnateur du Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar), Dr Wally Diouf, salue, dans cet entretien, la subvention du riz paddy, rappelant qu’il s’agit là d’une vieille doléance des producteurs qui vient d’être satisfaite par le Président Macky Sall.

L’État a décidé de subventionner le riz local en raison de 30 FCfa le kilogramme. Faisant ainsi passer le prix au producteur de 130 à 160 FCfa. Quelle appréciation faites-vous de cette mesure ? 

Une mesure salutaire. Il s’agit véritablement d’une vieille revendication des producteurs de riz qui vient d’être satisfaite par le Président de la République, Macky Sall. Depuis de nombreuses années, le Sénégal travaille pour atteindre l’autosuffisance alimentaire en riz. La production a fortement augmenté sans que cet objectif ne soit atteint. Le niveau de production du paddy peine à dépasser les 1 500 000 tonnes du fait de beaucoup de difficultés dont celles liées à sa commercialisation. En effet, au début de chaque campagne de commercialisation du riz local dans la vallée du fleuve Sénégal, le prix du riz paddy fait l’objet d’une fixation concertée entre producteurs, commerçants et transformateurs. Cependant, depuis trois ans, persiste une mésentente sur le prix de vente du paddy entre les acteurs. Les producteurs proposaient un prix de cession du paddy à 150 FCfa le kg là où les riziers estimaient qu’ils ne peuvent aller au-delà de 130 FCfa le kg. L’ensemble des acteurs reconnaissaient que le prix du paddy à 130 FCfa le kg était faiblement rémunérateur pour le producteur ; ce qui poussait beaucoup d’acteurs à privilégier la culture horticole. Il s’y ajoute que, ces derniers temps, on assiste à une augmentation des intrants comme les engrais et les produits phytosanitaires d’un côté et, de l’autre, des mesures tendant à freiner l’inflation sur le riz importé. Ces deux phénomènes ont rendu la culture du riz économiquement non rentable au Sénégal. Et c’est ce que le Chef de l’État a compris en prenant cette mesure forte pour encourager la production rizicole nationale.

L’enveloppe globale est de 3,2 milliards de FCfa. Est-ce suffisant pour rendre compétitif le riz local ? 

Absolument. La subvention annoncée rendra non seulement le riz compétitif, mais c’est aussi un puissant outil de motivation au profit des acteurs de la chaîne de valeur riz local. Mieux, la mesure va booster la production nationale. Pendant longtemps, les acteurs ont souhaité une subvention de 30 FCfa le kilogramme de paddy au profit du producteur et une subvention de 2 FCfa le kilogramme sur le riz blanc pour le transformateur. Cela, en vue de prendre en charge les frais liés à la tierce détention et la certification. Et à la suite de l’élaboration des comptes d’exploitation, les acteurs sont eux-mêmes arrivés à la conclusion que l’État devait pendre ce genre de mesures pour inciter l’augmentation de la production du riz paddy, promouvoir sa disponibilité au niveau des usines de transformation mais également lutter contre son évasion au-delà de nos frontières.

Qu’est-ce que cette subvention va réellement apporter aux producteurs et transformateurs ?
Les acteurs de la chaîne de valeur riz local sont des acteurs économiques. Et comme tout acteur économique, ils veulent que leur domaine d’activité soit rentable. Avec cette mesure, la rentabilité du riz local est désormais rétablie autant pour les producteurs que pour les transformateurs, sans pour autant entrainer une augmentation du prix au niveau du consommateur final.

Y a-t-il d’autres mesures prises pour booster la production locale et suppléer les besoins en importation de notre pays en riz ? 

Il faut reconnaitre qu’il ne s’agit pas de la seule mesure prise en faveur des acteurs de la chaîne de valeur riz local. Il me plaît de citer les subventions accordées par l’État sur les semences destinées à la riziculture pluviale qui alimente l’autoconsommation, les subventions sur les engrais, les projets d’aménagement hydroagricole, d’équipement de production, de récolte et de post récolte, etc. Cette mesure portant sur la hausse du prix de paddy, à travers une subvention, trouve sur place toute une batterie de décisions visant à renforcer les acteurs. C’est dire qu’elle est venue à son heure et va encourager la production nationale. Le riz paddy est le produit qui se vend le mieux aujourd’hui au Sénégal. Dans la vallée du fleuve Sénégal, beaucoup de producteurs vendent avant de produire ou, à défaut, règlent leur marché bien avant les récoltes. Dans les autres zones, les décortiqueuses et autres rizeries se chargent de l’achat et de la transformation du paddy. Le riz sénégalais se vend bien à présent et on n’enregistre aucune mévente. Pour gagner plus, certains producteurs préféraient garder par devers eux leur production au lieu de le vendre à 130 FCfa et attendaient que le paddy se raréfie pour spéculer.
 

Quelle place va justement jouer le Pnar dans cette ambition étatique de rendre compétitif le riz Local ? 

Le Pnar a pour mission d’assurer la cohérence dans les différentes interventions relatives au développement de la filière riz local, de renforcer la promotion et le développement de la filière riz local par l’augmentation des superficies, la modernisation des moyens et méthodes de production et de transformation ainsi que la professionnalisation des acteurs. Le Pnar travaille à faire augmenter, de manière substantielle, la production et la productivité du riz, augmenter les revenus des petits exploitants, créer des opportunités commerciales pour les acteurs de la chaine de valeur riz local et renforcer l’engagement du secteur privé.

IMPACT DE LA LEVÉE DE LA TAXATION SUR LE RIZ IMPORTÉ

Questions autour des impacts d’une mesure

Si la levée de la taxation sur le riz importé est une bonne nouvelle pour les consommateurs, elle risque de constituer une menace pour les producteurs locaux. D’après Momar Bane, entrepreneur agricole, « ce sont des milliers de personnes, producteurs, ouvriers agricoles, manutentionnaires, employés d’usine, transporteurs, qui s’y sont investis avec pour but de fournir aux consommateurs sénégalais un produit de qualité à un prix abordable et qui puisse pleinement les satisfaire ».
Pour lui, même si la volonté de soulager les ménages est louable, l’État doit également penser à des « mesures suffisamment protectionnistes à la hauteur de l’enjeu de l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire pour notre pays ». Par exemple, il préconise le retour de la Caisse de péréquation. Créée par la loi 73 39 du 31 juillet 1973, cette Caisse, dit-il, avait comme mission d’assurer la régulation et la stabilisation des prix de produits énumérés par décret dont principalement le riz brisé importé. « Le retour de ce principe de Caisse de péréquation garantirait la mise en place d’un mécanisme vertueux pour les producteurs, les transformateurs et les porteurs de financement (crédits de campagne). Ce mécanisme se mettrait en place de la façon suivante : un prix de rachat minimum garanti aux producteurs leur permettant de ne plus être à la merci des spéculateurs pour l’achat du paddy au moment des récoltes et assurant in fine un remboursement à temps de leurs crédits de campagne », plaide-t-il. Dans le même temps, la Caisse réglerait la problématique du financement du crédit de campagne pour les transformateurs. « Elle permettrait de réguler les importations, en ce sens que les quotas d’importation (en attendant l’autosuffisance), seraient redistribués à ceux qui s’approvisionnent en riz paddy auprès de cette Caisse. Cela serait un réel bénéfice pour ceux qui contribuent au développement de la filière locale dont pour les consommateurs sénégalais », poursuit-il. Par ailleurs, il estime que l’enjeu économique de la filière du riz local est déterminant avec des importations de riz qui avoisinent, chaque année, 500 milliards de FCfa. « Les mesures protectionnistes idoines doivent être appliquées pour permettre la compétitivité du produit local et atteindre, à terme, l’autosuffisance alimentaire. L’État du Sénégal investit, depuis 2012, des ressources considérables dans la promotion de la filière riz ; il serait dommage que par des mesures tarifaires, toute une chaîne d’acteurs locaux pleinement engagés pour l’autosuffisance alimentaire en pâtissent », lance-t-il.

(LESOLEIL)

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