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Goudomp – Campagne de commercialisation de l’anacarde : A Djibanar, l’école se met au pas du ramassage de la noix

Quand la commercialisation de l’anacarde démarre en Casamance, tous les secteurs socio-économiques marchent. A l’exception de l’école. Un taux d’absence élevé des élèves se trouve être le dénominateur commun dans toutes les écoles, dans toutes les classes, de l’élémentaire au moyen. Témoignage de parents d’élèves et chefs d’établissements de la commune de Djibanar, dans le département de Goudomp.

«M., autorisez la classe à s’absenter ce soir et nous vous apporterons chacun une bonne quantité de noix d’acajou grillée ou crue, selon votre choix.» C’est la demande audacieuse que des élèves de la classe de Cm2 ont faite à M. Diène de l’école élémentaire (Ecole 2, comme on l’appelle) de Djibanar, département de Goudomp. C’était le jeudi 19 mai 2022, jour de renforcement pédagogique pendant lequel les élèves du cycle élémentaire du Sénégal ont l’obligation de retourner à l’école les après-midi. Ce jour-là, comme tous les autres depuis le début du mois d’avril, coïncidant avec la maturité des pommes d’acajou, ces potaches en classe d’examen ont envie de sécher les cours pour se rendre dans des plantations d’anacardiers aux fins de ramasser des noix d’anacarde pour leur propre compte ou pour le compte de leur famille. M. Diène, enseignant à cette classe, précise : «Ils ont fait la demande pour se donner bonne conscience, pour que ce soit collectivement et officiellement qu’ils seront libérés. Mais de toutes les manières, je vais enregistrer des absences. On n’y peut rien. Tous les jours, nous enregistrons des absences d’élèves depuis le début du mois d’avril.» Le directeur de cette école étant absent, son adjoint, Malang Mané, ajoute : «Les parents sont complices et complaisants. Ça les arrange quelque part pour en finir avec la collecte des noix le plus rapidement possible et ne pas être rattrapés par une baisse du prix du kg, qui fluctue selon les désidératas du marché.» En fait, chaque jour, les producteurs et collecteurs de noix restent à l’écoute du port de Ziguinchor pour savoir le prix d’achat du kg. «En début de semaine, le prix était à 700 francs, il est descendu à 675 francs, aujourd’hui (le 19 mai 2022) il est à 600 francs. Prix d’achat bord verger. Ce sont des prix que fixent les exportateurs du produit qui, selon le prix du marché mondial ou des frais supplémentaires induits par la longue attente au niveau du port de Ziguinchor pour embarquer la marchandise, indiquent le prix d’achat à leurs collaborateurs sur le terrain», explique Karamo Mangal, un collecteur du village de Djibanar.
L’Ecole 2 de Djibanar n’est pas seule à enregistrer un taux élevé d’absence depuis bientôt 2 mois. C’est le cas aussi du lycée de Djibanar. Censeur des études, M. Seck enchaîne : «Le cycle moyen est plus affecté par des absences d’élèves. Le cycle secondaire est moins affété, les élèves viennent majoritairement d’autres villages. Ce sont les parents qui encouragent les enfants à quitter les salles de classe pour rejoindre les plantations afin de les aider dans le ramassage. Parce que c’est une course contre la montre. Mais aussi parce que les potaches se font de l’argent. Même si c’est au détriment du niveau des classes qui s’en trouve entamé.» Ici, ce sont les garçons qui sont les moins présents dans les classes. Dans le village de Bafata Balante, à quelque 4 km de la frontière avec la Guinée-Bissau, ce sont les filles qui sont davantage frappées par l’absentéisme. Le directeur de l’école élémentaire, Jean Baptiste Biaye, informe que ce sont les filles qui s’absentent le plus. Il dit : «Les filles sont souvent retenues à la maison pour préparer le repas, car leurs mamans ne veulent pas rater une seule demi-journée de travail dans la plantation pour cause de travaux ménagers. Il arrive qu’une fille se cache pour venir à l’école et que la parente vienne nous demander de la libérer.»
Tamba Yanga, président du Conseil de gestion de l’école de Bafata Balante, enchaîne : «Le vendredi, il y a beaucoup d’absences d’élèves, filles et garçons. Les mamans sont recrutées par des planteurs pour qui elles ramassent pendant 2 jours et le 3ème, elles ramassent pour leur compte. C’est un Vsd de ramassage tambour battant pour remplir un sac, au moins, au 3ème jour. Les sensibilisations n’y ont rien pu et n’y pourront rien apparemment. A moins d’adapter le calendrier scolaire au contexte local, en tenant compte des 2 mois de ramassage. Parce qu’aussi c’est à partir de l’argent reçu de la vente de la noix d’acajou que les élèves paient leurs frais d’inscription, préparent les examens, les concours ou l’année scolaire suivante.»
Pire, selon M. Ndécky, prof d’histoire et de géographie du lycée de Djibanar, «les élèves se montrent moins attentifs aux enseignements. Ils ont souvent le regard dans le vide, pensant à on ne sait quoi ou somnolant en classe, exténués par le travail de ramassage qui est très éreintant. C’est bien dommage».

LEQUOTIDIEN

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