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Détournement : Sur les traces de Abdou Aziz Diop, l’homme au cœur du “scandale” au Trésor

El Hadj Abdou Aziz Diop, 45 ans, payeur général de Kolda, est accusé, avec Mouhamed Diop, d’avoir détourné 4,6 milliards de FCFA. Un scandale qui n’en est pas vraiment un pour ses collègues et proches qui dépeignent un homme controversé.

Détournement de deniers publics. Blanchiment d’argent. Faux et usage de faux. Pour la famille d’El Hadj Abdou Aziz Diop, chaque charge énoncée agit comme un coup de poignard en plein cœur. « Cela ne peut être », se répète-t-on comme un talisman contre le mauvais sort qui s’abat sur leur fils, ami, condisciple. Comment ce brillant étudiant, ambitieux professionnel et Hizbut déclaré a-t-il pu se laisser prendre aux sirènes du détournement ? La Direction de contrôle interne parle d’un trou de 4,6 milliards FCfa. «Impossible», répète-t-on. C’est qu’à 45 ans, l’homme semblait avoir une vie épanouie. Payeur général à Kolda, il disposerait, selon les indiscrétions, d’un patrimoine foncier assez important. Proche de sa religion, il se distinguait dans ses habits : un grand boubou style «Baye Lahat» et une écharpe toujours enroulée autour du cou qui témoignent de son appartenance aux Hizbut Tarquitah. Marié sans enfant, il avait la liberté de voyager. Le pas pressé, le sourire aux lèvres, il aimait parcourir le monde : l’Amérique, l’Europe, l’Asie, l’Afrique… il aura séjourné dans plusieurs villes. Même s’il revenait toujours à Touba, son refuge. Il y a construit une somptueuse villa estimée à des dizaines de millions FCfa. Il devait y couler des jours heureux après sa retraite, il n’en aura peut-être pas l’occasion. El Hadj Abdou Aziz Diop a beau réfuter cet audit, beau crier à la cabale et promis de se battre bec et ongles, il n’a pas empêché le rouleau compresseur de la justice d’agir et d’entacher son honneur.

«Il rechignait à rejoindre son nouveau poste»

Côté pile, El Hadj Abdou Aziz Diop est un homme au parcours brillant et lisse. Sorti de l’Ecole nationale d’administration (Ena), cinquième de la promotion 2005-2007 du corps des inspecteurs, affecté à Thiès puis à Saint-Louis, il rentre dans le moule et coule des jours tranquilles en bordure de mer. Bombardé en 2015 percepteur municipal à Mbacké dans la région de Diourbel par l’administration, il trime 7 ans avant de recevoir une promotion. Direction Kolda où il officie en tant que payeur régional, une sorte de comptable supérieur qui centralise toutes les opérations des percepteurs de sa région. Une consécration pour ce monogame, dont l’épouse, commerçante, vit à Dakar. Le graal ne durera pas longtemps. Au lieu d’être un aboutissement à une carrière fulgurante, ce poste qui n’a duré que le temps d’une rose, précédera sa chute. Parce que côté face, le natif de Thiès a une réputation plus controversée que ne le laisse apparaître son parcours.

Lorsqu’il reçoit l’information de sa nouvelle affectation, El Hadj Abdou Aziz Diop n’est en réalité pas content et il le laisse savoir. «Il rechignait à rejoindre son nouveau poste», confie sous anonymat un de ses collègues. Pour retarder l’échéance, l’inspecteur aurait usé d’un stratagème administratif : il fait une saisine et demande plus de temps pour parfaire ses rapports. Même s’il se sait vaincu à l’avance devant l’implacabilité d’un décret. Son collègue raille : «Déjà qu’il ne déposait pas régulièrement ses comptabilités au niveau de la Trésorerie paierie de Diourbel.» Brillant étudiant, le mis en cause ne bénéficiait pourtant pas d’une bonne image dans son milieu professionnel. Il organisait, souffle-t-on, régulièrement son indisponibilité : difficile, voire impossible de le joindre au téléphone, même pour son supérieur qui se serait plaint à plusieurs reprises de ce comportement. Des relations heurtées qui n’ont pas joué en sa faveur lors de son affectation à Kolda où il ne restera que 6 mois, de janvier à juin 2021, avant de se voir notifier sa mise à disposition par l’administration. À la Direction générale de la comptabilité publique et du trésor, on est catégorique : c’est la promotion la plus éphémère de l’histoire de la section.
Étudiant à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, El Hadj Abdou Aziz Diop côtoie à ses heures perdues la dahira mouride Hizbut Tarqqiyah. Lorsqu’il décide de sauter le pas, il devient non seulement membre de ladite association religieuse, mais il contribue aussi à son organisation structurelle. Même si certains condisciples lui reprochent de n’être pas un talibé modèle en termes de contribution ou de participation aux activités de son guide». Mais, l’on lui reconnaît sa participation financière d’une dizaine de millions FCfa pour la réfection d’un daara complètement décimé par des flammes. Il avait alors intégralement pris en charge la construction», susurre un de ses condisciples. Certains de ses proches lui prêtent une grande richesse avec des biens immobiliers et des  comptes bancaires fournis. Sans aucun détail.

(L’OBSERVATEUR)

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