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Commercialisation de produits agricoles : Le monde rural encore perdant

Après de bonnes récoltes, les agriculteurs sénégalais font face, une fois de plus, à de grosses pertes, en raison d’un problème d’écoulement de leurs produits.

La production agricole se heurte, comme chaque année, à la problématique de l’écoulement. Selon le ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural, Moussa Baldé, au terme de la campagne 2020-2021, la production de graminées est évaluée à 3,64 millions de tonnes (contre 2,7 millions de tonnes, l’année précédente). La moisson a été également abondante du côté des Niayes. Mais les producteurs assistent, dans le désarroi, à la pourriture de leurs récoltes.

‘’Selon nos données, c’est vraiment au niveau de la zone des Niayes qu’on a un problème d’écoulement des produits agricoles. Les oignons et les carottes pourrissent, alors que la saison des pluies a démarré. Cela peut accélérer la pourriture. Aussi, les vendeurs de pomme de terre ne sont pas épargnés, à cause de la concurrence de l’agrobusiness’’, renseigne le porte-parole du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), Sidy Ba.

Les appels à l’aide ont fait réagir le ministre du Commerce qui a annoncé, hier, la mise en place d’une bourse des produits agricoles, en passant par le ‘’marché à terme’’.  Nous avons une forte production, mais si elle ne peut pas être conservée, les problèmes seront toujours entiers. ‘’Cela nécessite deux pieds : les entrepôts et la chambre de compensation, afin de garantir le prix. Avec le marché à terme, le producteur se garantit un prix sur le marché, de la même manière que le transformateur ou le commerçant se garantit la disponibilité d’un produit à un moment donné et à un prix déterminé’’, a expliqué Assome Diatta, en marge d’un comité régional de développement à Louga.

Le défi de la conservation

Regrettant les pertes post-récoltes et les difficultés qu’éprouvent les producteurs dans la commercialisation de leurs produits, elle a rappelé que cette situation découle des mesures incitatives prises par l’Etat pour encourager à investir dans l’agriculture : ‘’Il ne s’agit plus de la production de l’agriculteur traditionnel. Mais nous avons des Sénégalais qui investissent dans l’agriculture et quand les produits arrivent au même moment sur le marché, les prix baissent et quand les marchés sont saturés, les producteurs ont du mal à commercialiser leurs produits’’.

En outre, l’insuffisance d’infrastructures de stockage n’arrange pas les choses.  Le gouvernement a, à cet effet, décidé de mettre à la disposition du ministère du Commerce deux milliards de francs CFA pour la construction d’entrepôts, de magasins de stockage, de chambres froides et de chambres réfrigérées.

Un début de solution, de l’avis du producteur Sidy Ba. ‘’Ces entrepôts, explique-t-il, peuvent être une solution. On aura des chambres froides où les producteurs pourront conserver leurs produits et les mettre au moment opportun dans les marchés tout en veillant, en tant que producteurs, au label de la qualité des produits. Il faut que ce soit des produits aptes à la consommation, qui ne vont pas nuire à la santé des consommateurs.  Là aussi, c’est un défi que nous devons relever, après celui de la production. On doit pouvoir s’assurer de la mise sur le marché de produits sains. Pour cela, il faut qu’on forme les gens qui doivent gérer ces entrepôts censés répondre aux normes d’hygiène et de qualité’’.

Concrétiser le ‘’consommer local’’

Pour l’administrateur du CNCR, les Sénégalais doivent consommer ce que d’autres Sénégalais produisent. Un marché intérieur qui permettrait d’éviter ces énormes pertes. Dans la même veine, il préconise le blocage des importations de certains fruits et légumes jusqu’à l’écoulement des produits locaux.

‘’Si les gens produisent assez de céréales, on ne doit pas en importer du Mali ou d’autres pays limitrophes de la sous-région. Pareil pour l’huile. Il faut bloquer les importations et la circulation d’huile de qualité douteuse et faire la promotion des produits locaux, en créant de la valeur ajoutée. Même les acteurs de l’agrobusiness doivent être freinés, car eux ont la possibilité d’exporter à l’étranger, alors que le marché intérieur revient aux exploitations familiales’’, insiste-t-il. Cependant, sur un même territoire, l’on assiste bien souvent à des pénuries de produits agricoles dans certaines zones, pendant que dans d’autres, ces mêmes produits, en excès, pourrissent.

Selon Sidy Ba, c’est un problème d’organisation des marchés et d’organisation des producteurs : ‘’Si les producteurs sont membres d’une interprofessionnelle, ils doivent normalement avoir un réseau de revendeurs professionnels qui va les aider à écouler leurs produits à des prix décents. Si on a des entrepôts au niveau des régions, on les ravitaille correctement et les producteurs auront leurs produits écoulés. L’oignon, la pomme de terre et la patate douce sont des légumes qui coûtent cher à l’intérieur du pays, malheureusement, parce que les producteurs ne sont pas bien organisés pour pouvoir réguler le marché.’’

A Thiaroye et à la Gueule-Tapée, le marché est suralimenté, pendant qu’à Ziguinchor, Kaffrine et Kaolack, c’est le contraire. L’Etat du Sénégal est appelé à aider à la promotion du ‘’consommer local’’ et à accompagner la transformation des produits agricoles en produits élaborés utiles aux consommateurs, qui seront vendus dans les grandes surfaces.

Par ailleurs, selon la tutelle, aider les producteurs revient à les faire vendre avant même qu’ils ne produisent.

(ENQUETE)

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