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Après la sécurisation des villages : La Casamance rêve de développement

Le désenclavement du Fogny et du Naran, la sécurité et l’accompagnement par l’Etat des populations de la bande frontalière, dans le cadre de la relance de l’agriculture pour pallier les activités illicites notées dans la zone, sont maintenant les revendications des habitants. Lors d’un brainstorming, ils les ont soumises au Grpc pour dénoncer sur fond de colère et avec ardeur l’absence de politiques publiques dans leur contrée et fustiger le «mépris» des autorités à leur endroit. Des plaintes et complaintes portées à la connaissance du Grpc qui va faire le plaidoyer pour l’avènement des politiques publiques au niveau des arrondissements de Kataba I et de Sindian, fortement affectés par la crise casamançaise.

Après la sécurité, les revendications socio-économiques sortent des terroirs. C’est le cycle normal des doléances après la fin d’une guerre. C’est le 17 avril 2021 que l’Armée, dans le cadre de ses opérations de sécurisation déclenchées dans le Naran et le nord Sindian, a saisi et détruit à Tambouye, commune de Kataba I, plusieurs sacs de chanvre indien et 10 puits qui servaient à l’arrosage des champs, selon un communiqué à l’époque de la Dirpa. Et le 22 avril 2021, l’Armée va investir la localité de Néma Djinaré, située dans la commune de Djibidione, pour détruire de vastes champs de chanvre indien en pleine maturation. Une opération émaillée cette fois-ci par des échanges de tirs entre une unité de l’Armée et des individus armés. Mais elle aura le dernier mot avec la neutralisation d’un nombre significatif de moyens utilisés dans le trafic de bois, notamment des véhicules portant une immatriculation étrangère. Et le corps sans vie de Abdoulaye Ndiaye, de nationalité gambienne, a été retrouvé dans les champs détruits de chanvre indien.
Aujourd’hui, la sécurité est revenue, mais les populations de cette contrée, située à quelques encablures de la Gambie voisine et jadis réputée sanctuaire rebelle, aspirent un mieux-être après des années de privation provoquée par la guerre. Le Comité d’initiative pour le développement du Fogny est sorti de son mutisme pour exprimer son cri du cœur et remettre sur la tablette des autorités une palette de plaintes et de complaintes multiformes qui traduisent tout le mal-vivre des populations des arrondissements de Kataba I et de Sindian. Lors d’un forum initié par les populations locales et appuyé par le Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (Grpc), dirigé par le ministre d’Etat Robert Sagna, tous les sujets ont été posés sur la table. Pas de tabous.
Une rencontre axée sur les enjeux de l’heure au niveau du Fogny et du Naran : ils ont pour noms désenclavement, sécurité, connexion des communautés locales aux politiques publiques, mise en place d’infrastructures socioéconomiques de base, accompagnement en termes d’intrants dans le domaine agricoles, etc. «Le Fogny a mal et va mal. Nous souffrons aussi bien de l’insécurité, d’un non-accès à l’eau potable, de l’obscurité, d’un déficit infrastructurel que de l’enclavement de la zone. Et il est impossible de se développer dans de telles conditions», clame Yaya Tambédou, natif de Samboudialan et président du Comité d’initiative pour le développement du Fogny. Au nom des habitants du Fogny et le Naran, il soutient que ce sont des contrées oubliées par l’Etat. Quid des activités illicites que d’aucuns estiment en vogue dans ces localités de la bande frontalière avec la Gambie voisine ? «Ce sont des activités qui sont loin d’avoir notre agrément, car à cause de cela on nous traite de cultivateurs de chanvre indien voire de trafiquants de bois. Toutefois, ceux qui le font ici ne le font pas de leur propre gré, car aucune autre activité n’est à leur portée», explique Yaya Tambédou. Et pour lui, les populations sont bel et bien disposées à se conformer à la loi. «Seulement, l’Etat doit en retour mettre en branle des mesures palliatives et tout un paquet de services qui vont occuper les jeunes et leur permettre de mener à bien des activités génératrices de revenus. Interdire la culture du chanvre indien et la coupe du bois c’est bien, mais il faut des mesures d’accompagnement telles des emplois pour les jeunes désœuvrés du Naran et Fogny qui, faute d’activités, manquent de moyens pour vivre», conseille-t-il.

Le Grpc en pompier
Présent à ce forum initié par les jeunes des arrondissements de Kataba I et Sindian durement éprouvés par le conflit, Ibrahima Ama Diémé, Yaya Mané et Atab Bodian, membres du Grpc, sont tous d’avis que le seul mot d’ordre aujourd’hui reste plus que jamais la restauration de la paix et de l’espoir dans les cœurs et les esprits pour s’engager résolument dans les chantiers du développement. Une manière pour eux d’exhorter les populations locales à tourner la page du décès d’un jeune garçon. «Les populations locales se sont senties indexées, abandonnées suite à cet incident. Et ce, au moment où celles des villages abandonnés, encore en exil en Gambie, s’apprêtent à revenir au bercail pour réoccuper leur terroir. Elles ont aujourd’hui peur que la recrudescence de la violence, la multiplication de ces opérations de l’Armée ne les poussent à rester encore en Gambie», souligne Pr Ama Diémé. «Qui a fait, qui n’a pas fait ? Le débat, pose le porte-parole du Grpc, ne doit plus tourner autour de cela. Le forum initié par les populations locales et appuyé par le Grpc fut une occasion pour expliquer et situer les enjeux de l’heure. Notre démarche a été bien accueillie. Nous nous travaillons à faire en sorte que l’Etat et le Mfdc puissent s’asseoir et se parler, et que les armes ne soient pas l’option pour la résolution de la crise.»
En dépit du caractère assez tendu de cette rencontre, les uns et les autres ont fini par se comprendre et arrondir les angles. Quid des exigences des populations du Fogny et du Naran qui font face à des problèmes d’enclavement, d’insécurité et demandent le développement de leur contrée plus orientée vers la Gambie pour ses transactions commerciales et économiques ? «C’est autant de difficultés qu’elles ont posé et elles voudraient que l’Etat soit au courant d’elles pour les atténuer voire y mettre fin. Cela passe par la construction d’une route qui leur permet d’aller à Bignona et revenir, de partir vers Diouloulou et revenir etc. La construction d’une infrastructure de cette nature constitue pour ces communautés un levier essentiel pour leur développement. Et ce, en plus de la réalisation des ponts de Djibidione, de Balandine-Djinoungue et la réfection des ponts de Baïla et de Diouloulou qui sont dans cette zone et qui menacent de s’écrouler.» martèle Pr Ama Diémé. Ce plaidoyer a également été porté par le responsable du Grpc au profit des populations de la bande frontalière pour leur accès, en outre, aux matériels agricoles en cette période d’hivernage. «Un accès à ces intrants agricoles va permettre à ces communautés de se reconvertir dans l’agriculture licite et de ne plus permettre à ces jeunes d’être à la merci de ceux qui les poussent à la culture du chanvre indien et à la coupe abusive du bois. Et nous allons rendre compte à qui de droit, d’abord à l’Exécutif régional afin qu’il sache que ces populations souhaiteraient pouvoir bénéficier de matériels agricoles afin qu’elles puissent au niveau des villages cultiver de manière rotative», déclare-t-il. Et quid de l’implication du Grpc pour la matérialisation des exigences des populations du Naran et du Fogny ? «En tant que Grpc, chaque fois qu’on pourra être au courant d’une requête introduite quelque part et non prise en compte, nous allons nous rapprocher du service en question pour savoir ce qui s’est passé, car ces populations ne demandent qu’à être considérées comme des Sénégalais à part entière comme celles des autres régions», enchaîne le porte-parole du Grpc.

(LEQUOTIDIEN)

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